Une des explications de la violence de la crise de 1929 en France, amenant 10 ans plus tard au pire conflit armé du XX° Siècle
L’euphorie de la victoire et de la paix retrouvée, masque la gravité des problèmes issus de la guerre et auxquels les gouvernements successifs devront faire face : déclin démographique, bouleversement économique et financier, transformation des mentalités.
La grande guerre a saigné la nation française. Et c’est un lourd bilan que dresse, au lendemain de sa victoire, le pays épuisé. Environ 1,5 million d’hommes sont morts , on compte 3,5 millions de blessés. Cette hécatombe (sur 8 millions de mobilisés) va priver la France de la main-d’œuvre et des cadres actifs dont elle a besoin pour se redresser. C’est dans l’ombre portée de la question démographique que s’engage la reconstruction. Le recensement de 1921 fait état de 39 210 000 habitants, soit, en dépit de la récupération de l’Alsace-Lorraine, 400 000 de moins qu’en 1911. Au début des années 1920, la natalité, gonflée un temps par la démobilisation, baisse à nouveau. En raison de la part importante des ruraux, la France s’affiche comme un pays de faible performance économique. La production en témoigne, avec , notamment, à peine 2 millions de tonnes d’acier en 1920. Un protectionnisme douanier puissant défend, en les asphyxiant, les entreprises françaises. A l’évidence, la France n’a pas les moyens de ses ambitions. Mais il ne se trouve personne pour faire cette analyse. Politiciens et écrivains font assaut d’ignorance devant les réalités mondiales ; tous semblent vivre dans un provincialisme chauvin.
La vie en France - Années 1920
Panser la plaie que constituent les régions dévastées se présente comme une tâche immense. On a certes gonflé l’évaluation des dommages afin de grossir la note des réparations. Il reste que la remise en état de dix départements ravagés nécessite une vitalité qui fait défaut. Il est nécessaire de combler quelque 230 millions de mètres cube de tranchées et procéder au désobuage de 3 800 000 hectares. Le chantier est prioritaire, et l’essentiel sera accompli en 1921. Mais la reconstruction des immeubles est beaucoup plus lente et se noie dans l’océan de la bureaucratie. Concernant les usines, le tableau est aussi sombre : 9300 entreprises ont été détruites ou endommagées.
Luttes politiques et idéologiques sont vite ranimées par l’inégalité sociale. La hausse des prix et la spéculation sur la rareté des produits a accéléré le déplacement des richesses. La bourgeoisie petite et moyenne d’avant-guerre, celle des rentiers, des petits propriétaires, des professions libérales héréditaires disparaît, décimée plus que les autres classes. Les ouvriers, travaillés par la propagande communiste, se dressent contre le gouvernement issu des élections de novembre 1919 : celles-ci ont été un triomphe pour les modérés et les conservateurs. Comme en 1870, le pays a envoyé nombre d’anciens combattants à peine démobilisés qui composent cette « Chambre bleu horizon ».
L’agitation sociale se double de sérieuses difficultés économiques. La mauvaise volonté des Allemands à s’acquitter des dettes de guerre et la réduction progressive des réparations consenties à la France, jointes à la chute rapide des cours mondiaux dans le courant de l’année 1920, conduisent à une dépréciation du Franc. Entre la gauche, qui réclame la taxation du capital et la diminution des contributions indirectes, et la droite hostile aux impôts directs, le ministre de l’Economie, Marsal, adopte la solution de facilité : l’emprunt à court-terme, bons de la défense nationale, une inflation déguisée, plus dangereuse que celle du papier monnaie, car exigible.
L’occupation de la Ruhr en janvier 1923 fait renaître de vifs espoirs. Charles Benoist écrit dans son « Journal » : « L’Allemagne se décompose. Nous y sommes pour rien. Si notre intervention a pour conséquences d’accélérer sa décomposition, c’est qu’elle portait en elle la cause de sa ruine »
Loin de précipiter le délitement de l’Allemagne, l’occupation de la Ruhr a pour effet de ressouder un peuple divisé. L’Allemagne fait taire ses querelles pour opposer un front uni.
Occupation de la Ruhr - 1923
Contrastant avec les difficultés gouvernementales du « Cartel des gauches », arrivé au pouvoir en 1924, l’économie est en voie de stabilisation. Vers 1925 , la reconstruction est à peu près achevée. Les départements envahis ont retrouvé leur population de 1913, les terres arables, sont, sauf exception, quasi reconstituées. L’extraction de la houille est en progrès constant, passant de 45 millions de tonnes en 1913 à 46 millions en 1925. On observe le même rétablissement dans les autres branches de la production : acier, textile, notamment. Le commerce extérieur reflète cette embellie et, à l’inverse de l’avant-guerre, la balance commerciale est bénéficiaire. La vie artistique, la vie littéraire, la vie sportive brillent d’un vif éclat. Montparnasse supplante Montmartre comme foyer des arts. Les Jeux Olympiques de Paris se déroulent dans le nouveau stade de Colombes. L’exposition de 1925 dite « des Arts décoratifs », déploie ses fastes sur l’esplanade des Invalides. Le pays est prospère, mais son équilibre financier reste précaire et la démagogie du « Cartel des gauches » -- pour régler la dette publique, on avait au cours de la campagne électorale, lancé des slogans clientélistes : « Prendre l’argent où il est » -- prépare son gouvernement à des lendemains difficiles. Si la prospérité est patente, d’autres indices sont inquiétants : la lente progression de la population, la faible productivité et la lenteur des progrès techniques, le caractère arriéré de l’outillage, qui diminue les marges bénéficiaires et empêche le renouvellement, l’étroitesse du marché intérieur et les faibles ressources en matières premières, l’accroissement de la dette publique font peser sur la vie économique du pays une menace qu’amplifiera la crise de 1929.
Carte Postale de l'expo de Paris - 1925