Le chapitre 21 du tome 2 du
Troisième Reich de William Shirer est éloquent sur les préjugés qui handicapaient en 1960 la réflexion d'un homme compétent, passionné par la météorique aventure hitlérienne et dévoré du souci de la comprendre.
Il accorde une large place au souhait hitlérien d'une paix avec l'Angleterre en mai-juin 40, mais semble ne voir là qu'une illusion. Ainsi croit-il Churchill sur parole quand il écrit que le cabinet n'en a jamais discuté : un préjugé que la révélation, en 1971, des minutes du cabinet, sera lent à dissiper, sous l'impulsion principale de John Lukacs. Le rôle de Halifax, qui vient de mourir l'année précédente, ne semble pas soupçonné par le perspicace journaliste américain.
Plus étonnant encore, citant l'entrée du journal de Halder sur la réunion du 13 juillet, il n'en retient que la décision de l'opération Seelöwe, et non celle de Barbarossa ! dont il devrait pourtant savoir qu'elle a été, au contraire de l'autre, suivie de puissants effets.
En conclusion du chapitre, il met les pieds et les agite dans une vieille pataugeoire : Hitler et les Allemands en général auraient été des terriens incapables de lire un globe terrestre et d'envisager les aspects maritimes d'une stratégie.
Ainsi, à l'apogée de ses succès vertigineux, Hitler et ses capitaines hésitaient. Ils n'avaient pas pensé au pas suivant. Cette fatale négligence sera l'un des grands tournants de la guerre (...).
Nullité de Hitler ou grain de sable churchillien, il faut choisir !
C'est bien du rôle de l'individu dans l'histoire, variable selon les époques et maximal, à mon avis, dans la Seconde Guerre mondiale, qu'il s'agit. Hitler représente l'impérialisme allemand et Churchill le britannique, mais chacun dans un style extrêmement particulier d'une part, et d'autre part en ayant fait un choix, maintenu contre vents et marées face à des entourages qui ne le partagent pas et souvent n'y comprennent rien. Hitler, le choix précisément de n'avoir de vues que continentales, et d'obliger les empires maritimes à s'y résigner. Churchill, celui d'unir contre Hitler le diable, le bon Dieu et tous leurs supplétifs... à condition qu'ils soient hors de l'Allemagne.
Hitler : celui qui cherche désespérément à opposer Churchill à l'establishment britannique. Churchill : celui qui ne cherche surtout pas des alliés en Allemagne pour renverser Hitler.