Post Numéro: 1 de Murdock 01 Mai 2009, 00:43
L’Histoire a retenu que Chamberlain et Daladier ont lâché la Tchécoslovaquie aux mains d‘Hitler. Mais avait il, objectivement d’autres choix possibles ?
Sur Daladier et les Français, la question est assez simple et peu se résumer à « pas de guerre sans les Anglais. ». A cela, le gouvernement français a plusieurs raisons objectives :
- le réarmement français n’est qu’à ces débuts
- l’armement terrestre est mauvais : le R35 entré en service en 1936 et déjà dépassé en 1938. Le H35 n’est qu’en faible quantité dans l’armée française et le H39 n’est pas encore produit en septembre 1938. Sur le plan blindé, la France ne dispose donc que des 70 chars B1 Bis qui sont modernes et efficaces. Les autres chars en grande quantité dans l’armée française sont les vétérans FT17.
- la situation de l’aviation est pire : aucun bombardier moderne et peu de véritables chasseurs (les Morane Saulnier MS 406 ne sont pas encore arrivé et le Bloch MB151 fait son premier vol un mois avant Munich). Les premiers Curtiss H75 arriveront en décembre 1938 et le Dewoitine D520 ne sont pas opérationnels.
- La doctrine française est basée sur la défensive
Le seul domaine où la France surclasse l’Allemagne est la Marine mais cela est bien inutile dans le cas de la Tchécoslovaquie.
Sur le plan britannique, la situation est pire si l’on peut dire.
Le 21 mars 1938, les chefs d’état majors britanniques ont remis au War Office le document suivant : « Les implications militaires d’une agression allemande contre la Tchécoslovaquie » (document présent aux National Archives à Kew, banlieue de Londre, cote CAB 27/267). Dans ce document, les chefs d’état major donnent des informations sur l’équilibre des forces en Europe (ou plutôt le déséquilibre en faveur de l’Allemagne).
Pour les britanniques :
- la Royal Navy est capable de conserver la maîtrise des mers (sauf en Baltique) même s’il y a des lacunes dans la protection anti aérienne des navires, notamment marchands, et dans celle des bases navales
- l’armée de terre ne pourrait déployer qu’un corps d’armée de deux divisions dotées d’équipement désuets
- la Royal Air Force, impressionnante sur le papier avec 420 chasseurs et 804 bombardiers ne l’ai justement que sur le papier. Sur 30 escadrons de chasse, 27 sont mobilisables et sur ce nombre 20 sont dotés d’appareils démodés (certains plus lent que les bombardiers allemands). Sur 67 escadrons de bombardiers, seulement 35 sont mobilisables dont 10 équipés de bombardiers légers incapables de se défendre contre les chasseurs allemands et les autres escadrons ne peuvent atteindre l’Allemagne en profondeur que s’ils sont basés en France.
D’ailleurs la conclusion des chefs d’état majors en ce qui concerne la RAF est assez éloquente
« Le résultat net de ces déficiences est que l’armée de l’air, aujourd’hui, n’est en aucun cas capable d’entreprendre des opérations dans une guerre de type majeur. »
Cela a le mérite d’être clair.
Au vue de cela, Chamberlain et Daladier avait il d’autres solutions que de gagner du temps vis à vis d’Hitler et de se lancer dans un réarmement important de leurs forces militaires ?
Et même sur ce plan, la situation est critique
L’industrie d’armement britannique est à revoir et à mettre en place. Voici quelques exemples de ces déficiences industrielles britanniques :
- le blindage des navires de guerre de l’Amirauté proviennent de l’étranger (américains, tchèques mais aussi allemands)
- la défense anti aériennes nationales ne peut se reposer que sur Vickers, produisant du matériel de mauvaises qualités (d’où l’achat de Bofors suédois achetés également en Belgique, Pologne et Hongrie, l’Angleterre ne disposant pas d’usine capable de les fabriquer sous licence)
- le fusil mitrailleur Bren est une arme tchèque
- les Hurricane et Spitfire sont remarquables mais armés de Browning américains
- le rééquipement de la RAF connaît un très grand retard dans les livraisons
Cette faiblesse de l’industrie britannique repose sur deux faiblesses : le manque d’ouvriers qualifiés et l’absence de fabrication de machines outils nationales (de 1933 à 1937 48,3 % des machines outils sont produites en Allemagne, 35,3 % aux Etats Unis et seulement 7,1 % en Grande Bretagne).
Au vue de ces éléments, il me semble clairement que les choix de Chamberlain et Daladier en octobre 1938 étaient beaucoup plus limités. Et le verbe de Churchill disant « Ils ont eu le choix entre le déshonneur et la guerre ; ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre » sont probablement plus à mettre sur le compte de la politique intérieure britannique que sur une possible défense armé de la Tchécoslovaquie en octobre 1938.