tietie007 a écrit:carlo a écrit:tietie007 a écrit:
J'ai déjà donné mon point de vue sur la question. Je n'ai pas de déclaration de Staline, ni de Molotov sur le désir de reprendre les territoires perdus ...Mais il suffit de voir que les territoires réannexés appartenaient tous, sauf la Bucovine du Nord, à l'ancien Empire russe ...
L'empire russe était territorialement plus étendu que l'URSS, ça me paraît une fatalité. Mais pourquoi, si Staline chausse les bottes des Tzars, ne pas revendiquer Varsovie, Helsinski ou même Harbin?
tietie007 a écrit:Donc c'est une interprétation personnelle, vous n'êtes pas obligé d'y adhérer. Les intérêts stratégiques de la Russie n'ont pas changé en passant du régime tsariste au régime soviétique, et on y retrouve des permanences malgré la différence des systèmes !
Bien sûr il y a des permanences géographiques, mais si Staline avait eu les obsessions grand-russes que vous lui prêtez il me semble qu'il aurait été moins prudent après-guerre, lâchant prise sur toute une série de dossiers: les détroits, l'Azerbaïdjan iranien, Port-Arthur ou la Grèce... Ce portrait d'une URSS impérialiste a bien sûr des aspects séduisants, mais comme pour la paranoïa sur un autre fil, il me semble insuffisant pour caractériser l'action de Staline en politique étrangère. Il me paraît extrêmement réducteur et de nouveau un peu simpliste, ceci dit sa politique a des aspects impérialistes et des justifications qui sonnent parfois grand-russes, mais généralement
a posteriori. La base de l'expansion étant essentiellement opportuniste et à vrai dire, même si je sais que vous n'aimez pas le mot, défensive.
2°)
Carrère d'Encausse, dans son
Staline, 1979, parle de la réhabilitation de la nation russe, dans les années 30, notamment par le biais des études historiques. Je n'ai pas le livre sous la main, mais il y a eu, dans les années 30, un changement radical dans l'objet des études historiques, se réduisant alors quasi-exclusivement à la génèse de la Révolution bolchevique et se concentrant désormais, sous l'impulsion de
Staline, sur la réhabilitation des grands hommes de l'histoire russe. Le cinéma soviétique connaîtra la même évolution, avec des sujets révolutionnaires, dans les années 20, jusqu'à l'
Alexandre Nevski de 1938 ou d'
Ivan le Terrible, en 1944. En fait, la nation qu'invoque les dirigeants bolcheviques, dans leurs discours post-invasion, en 1941, avait été réhabilitée depuis quelques années et le passé russe n'était plus occulté comme dans les années 20.
Evidemment, l'expansion soviétique, comme je l'ai déjà précisé, à d'autres raisons, mais il ne faut pas négliger cet aspect nationaliste qui revient avec le
Petit Père des Peuples.
Source : Staline, L'ordre par la Terreur, d'Hélène Carrère d'Encausse, Champs Flammarion, 1979.
1°) La réhabilitation de la nation (p.77-85).
Les bolcheviques avaient, dès le début, été confrontés aux problèmes nationaux et durant plusieurs années, le régime soviétique s'est réclamée d'une société fondée sur la conscience de classe et non sur la conscience nationale.
Or dès le début des années 30, on distingue un changement idéologique qui va conduire à réhabiliter la nation sous diverses formes.
L'apparition d'une conscience nationale collective peut se situer aux alentours de 1934-35. Des éléments extérieurs expliquent ce changement et l'Allemagne nationale-socialiste a certainement joué un rôle considérable. La vision colonialiste d'Hitler, à propos de l'URSS, va entraîner un réflexe de défense nationale. Cette évolution est favorisée par l'effacement du Komintern qui ne se réunit plus en Congrès à partir de 1935.
Dès 1934, deux termes font alors, dans les journaux, une réapparition éclatante, termes oubliés, abandonnés, à cause de leurs résonances nationales et non sociales : Russie et Patrie !
Ce retour à la Nation est confirmé dans la lutte contre l'opposition avec des accusations de « cosmopolitisme » dondée sur des « origines nationales étrangères à la Russie ».
La Constitution de 1936 est d'ailleurs là pour rappeler que l'Etat transitoire de Lénine devient durable, correspondant à une réalité historique lointaine, l'Etat russe. Au cours de la discussion, les Izvestias soulignent cet arrière-plan historique de l'Etat soviétique, en invitant les citoyens soviétiques à connaître l'histoire de la Russie.
Juste après la révolution bolchevique, l'étude de l'histoire de la russie fut reléguée au profit d'une conception historique nouvelle fondée sur l'étude des classes en lutte. Jusqu'en 1932, cette conception fut celle de toute l'école historique soviétique dominée par le grand historien Pokrovski.
Dès 1932, la perspective développée par l'école de Pokrovski ne semble plus coïncider totalement avec l'idéologie générale. Dans un article de Proletarskaia Revoliutsia, Staline met en route une critique de l'histoire qui conduira rapidement à une condamnation sans appel.
Vers 1936, l'école historique soviétique s'intéresse non seulement à ces mouvements populaires, mais aussi à la formation de l'Etat russe. Des films comme Pierre le Grand ou Alexandre Nevski, d'Eisenstein, à partir de 1937-1938, s'inscrivent dans cette réhabilitation du passé russe.
Les éditions d'Etat publie Tolstoï et le gouvernement célèbre solennellement le 125e anniversaire de la bataille de Borodino, en 1937.