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La famine ukrainienne de 1932-1933

Le traité de Versailles donne lieu à l'instauration de la République de Weimar puis à la montée du National Socialisme. Quelques années plus tard, l'annexion des Sudètes et de l'Autriche annonce les prémices de la seconde guerre mondiale.
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Nouveau message Post Numéro: 61  Nouveau message de carlo  Nouveau message 23 Mai 2008, 16:47

François Delpla a écrit:
carlo a écrit:Ceci dit, il n'y a pas qu'a l'extreme gauche que des historiens nourissent certaines arriere-pensees politiques... Personnellement, je trouve que les analyses de type totalitaire (toute la fatigante ecole qui a trouve sa lumiere avec H. Arendt) sont souvent aussi partisanes qu'un bouquin de Ludo Martens et generalement moins rafraichissante.


hé là, doucement ! Arendt vaut BEAUCOUP mieux que ses épigones de la nuance "Livre noir du communisme" ou encore les "nouveaux philosophes".


D'accord avec vous, mais il s'agit d'abord d'une approche philosophique, lorsque l'on cherche a systematiser cette approche dans le domaine de l'histoire, on tombe malheureusement dans la surenchere comparative la plus grossiere.
Je suis effraye de lire a longueur de forums, des considerations sur le caractere plus ou moins totalitaire d'un tel ou d'un tel, c'est un vrai catechisme, des etudiants demandent des tuyaux pour boucler leur travail sur l'Italie, l'Allemagne et l'URSS, comparaison des trois totalitarismes. Sans remettre en cause ou ne fut-ce que critiquer l'approche utilisee!
Dans le domaine de l'histoire de l'art, c'est strictement affligeant, on compare le realisme allemand et le sovietique sans meme ouvrir un Illustration sur les salons de peinture francais des annees trente ou pourtant le realisme le plus pompier et le plus officiel regne en maitre absolu.

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Nouveau message Post Numéro: 62  Nouveau message de tietie007  Nouveau message 23 Mai 2008, 17:14

carlo a écrit:
François Delpla a écrit:
carlo a écrit:Ceci dit, il n'y a pas qu'a l'extreme gauche que des historiens nourissent certaines arriere-pensees politiques... Personnellement, je trouve que les analyses de type totalitaire (toute la fatigante ecole qui a trouve sa lumiere avec H. Arendt) sont souvent aussi partisanes qu'un bouquin de Ludo Martens et generalement moins rafraichissante.


hé là, doucement ! Arendt vaut BEAUCOUP mieux que ses épigones de la nuance "Livre noir du communisme" ou encore les "nouveaux philosophes".


D'accord avec vous, mais il s'agit d'abord d'une approche philosophique, lorsque l'on cherche a systematiser cette approche dans le domaine de l'histoire, on tombe malheureusement dans la surenchere comparative la plus grossiere.
Je suis effraye de lire a longueur de forums, des considerations sur le caractere plus ou moins totalitaire d'un tel ou d'un tel, c'est un vrai catechisme, des etudiants demandent des tuyaux pour boucler leur travail sur l'Italie, l'Allemagne et l'URSS, comparaison des trois totalitarismes. Sans remettre en cause ou ne fut-ce que critiquer l'approche utilisee!
Dans le domaine de l'histoire de l'art, c'est strictement affligeant, on compare le realisme allemand et le sovietique sans meme ouvrir un Illustration sur les salons de peinture francais des annees trente ou pourtant le realisme le plus pompier et le plus officiel regne en maitre absolu.


L'étude des totalitarismes sont dans les référentiels d'Histoire-géographie, au Lycée, mais il s'agit surtout de relever certains points communs structurels ou fonctionnels comme le parti unique, qui avait le monopole de la représentation politique, l'embrigadement de la jeunesse par le biais d'organisation qui ont un caractère obligatoire ou l'existence d'une police politique.
Quant au statut de l'art, entre URSS et en Allemagne, il était le même. Assujetti à l'idéologie nationale et raciste, en Allemagne, à l'idéologie socialiste en URSS, il devait promouvoir le génie aryen chez les nazis et l'excellence prolétarienne en Russie soviétique, en résumé, l'art n'était pas là pour refléter l'intention de l'artiste mais pour traduire la nouvelle morale des pouvoirs en place !
Enfin ce serait l'occasion d'un autre débat sur un autre topic !


 

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Nouveau message Post Numéro: 63  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 23 Mai 2008, 17:36

Exactement, mais pourquoi poursuivre ? Vos deux interventions incarnent parfaitement l'antagonisme.

Je suis évidemment plus près de Carlo, mais je ferai un ajout qui déplaira peut-être à tous deux : l'utilisation nazie de l'art est extrêmement subtile, son instrumentalisation stalinienne parfaitement grossière.

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Nouveau message Post Numéro: 64  Nouveau message de Francis Deleu  Nouveau message 23 Mai 2008, 18:37

carlo a écrit:Aie, aie, aie, s'il y a bien un sujet casse-gueule, c'est l'holodomor, c'est malheureusement un debat ou l'objectivite n'a aucune place et dont l'instrumentalisation est poussee a un point rarement egale. Et fondamentalement je trouve odieux que les parlementaires de mon pays (Belgique) aient coules dans l'airain de la loi, la famine comme un genocide premedite contre la nation ukrainienne.
Je ne nie en aucune maniere l'existence d'une famine documentee et de grande ampleur, dans la resolution de laquelle les autorites portent fatalement une responsabilite, mais ce qui me derange c'est l'acharnement de certains a en faire l'equivalent de la Shoah et cela sur foi essentiellement d'une interpretation totalitaire de l'histoire de l'URSS.

Bonsoir,

Je rebondis avec retard sur la contribution de Carlo. Dans le mesure du possible, pourrait-il m'indiquer la date de la publication au MB du décret, arrêté ou loi qualifiant la famine ukrainienne de génocide ? Merci d'avance !

Pour en revenir à l'Holomodor ! Nicolas Werth, spécialiste incontesté de l'histoire de l'Union soviétique, s'est longtemps refusé, jusqu'à il y a peu, de qualifier de génocide la famine en Ukraine. C'est à l'occasion de l'ouverture partielle des archives soviétiques et de son dépouillement que N. Werth révise son jugement.
Plutôt que de résumer sa pensée avec le risque de la déformer, je vous propose un large extrait de son ouvrage "La terreur et désarroi - Staline et son système", éditions Perrin (collection tempus) pp 132 à 134 :

La qualification de la famine de 1932-1933 comme génocide ne fait pas l'unanimité parmi les historiens, tant russes, ukrainiens qu'occidentaux qui se sont penchés sur la question, En schématisant, on peut distinguer deux principaux courants interprétatifs. Il y a d'une part les historiens qui voient dans la famine un phénomène organisé artificiellement par le régime stalinien pour briser la résistance, particulièrement forte, des paysans ukrainiens au système kolkhozien et, au-delà, détruire la nation ukrainienne, dans sa spécificité "paysanne-nationale", qui constituait un sérieux obstacle sur la voie de la transformation de l'URSS en un État impérial d'un type nouveau dominé par la Russie, Ces historiens soutiennent la thèse du génocide. D'autre part, il y a les historiens qui, tout en reconnaissant la nature criminelle des politiques staliniennes, estiment nécessaire d'étudier l'ensemble des famines des années 1931-1933 (kazakhe, ukrainienne, famines ayant frappé une partie de la Sibérie occidentale et des régions de la Volga) comme un phénomène complexe dans lequel plusieurs facteurs, de la situation géopolitique aux impératifs d'industrialisation et de modernisation accélérées, ont joué un rôle important, à côté des "intentions impériales" de Staline. Pour ces historiens, le terme de "génocide" ne s'impose pas pour qualifier la famine de 1932-1933 en Ukraine et au Kouban. Jusqu'à récemment, je me suis senti plus proche de ce courant interprétatifs. Les travaux récents de Terry Martin, notam­ment sa magistrale reconstitution de "l'interprétation nationale" de la famine par Staline, la correspondance, depuis peu déclassifiée, de Staline avec Kaganovitch, les documents publiés par Iouri Sapoval et Valeri Vassiliev que j'ai abondamment cités ici, m'ont convaincu de la forte spé­cificité de la famine ukrainienne par rapport aux autres des années 1931-1933. Celles-ci sont les consé­quences directes, mais non prévues, non programmées, des politiques d'inspiration idéologique mises en oeuvre depuis 1929: collectivisation forcée, dékoulakisation, imposition ­du système kolkhozien, prélèvements démesurés sur les récoltes et le cheptel. Jusqu'à l'été 1932, la famine ukrainienne, qui s'annonce déjà, s'apparente aux autres famines, qui ont débuté ailleurs plus tôt. Mais à partir de l'été 1932, la famine ukrainienne change de nature dès lors que Staline décide d'utiliser l'arme de la faim, d'aggraver la famine qui commençait, de l'instrumentaliser, de l'amplifier intentionnellement pour punir les paysans ukrainiens qui refusent le "nouveau servage". Si les paysans sont le plus durement frappés - par la faim entraînant la mort, dans des conditions atroces, de millions de personnes -, une autre forme de répression, policière cette fois, s'abat, au même moment, sur les responsables locaux, les intellectuels ukrainiens, arrêtés et emprisonnés. En décembre 1932, deux décrets secrets du Politburo mettent fin, en Ukraine - et en Ukraine seulement - à la politique "d'indigénisation" des cadres menée depuis 1923 dans toutes les républiques fédérées; le "nationalisme" ukrainien est fermement condamné.

Sur la base de ces éléments nouveaux, il me paraît désor­mais légitime de qualifier de génocide l'ensemble des actions menées par le régime stalinien pour punir par la faim et par la terreur la paysannerie ukrainienne, actions qui eurent pour conséquence la mort de plus de quatre mil­lions de personnes en Ukraine et au Caucase du Nord.

Il n'en reste pas moins que le Holodomor a été très diffé­rent de l'Holocauste. Il ne se proposait pas l'extermination de la nation ukrainienne tout entière, dans sa totalité. Il ne reposa pas sur le meurtre direct des victimes. Il fut motivé et élaboré sur la base d'une rationalité politique et non pas sur des fondements ethniques ou raciaux. Toutefois, par le nombre de ses victimes, le Holomodor, replacé dans son contexte historique, est le seul évènement européen du XXe siècle qui puisse être comparé aux deux autres génocides, le génocide arménien et l'Holocauste.
Pour éviter tout malentenu, soulignons la distinction que fait N. Werth entre l'Holomodor et l'Holocauste.

Cordialement,
Francis


 

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Nouveau message Post Numéro: 65  Nouveau message de carlo  Nouveau message 23 Mai 2008, 21:27

Francis Deleu a écrit:Je rebondis avec retard sur la contribution de Carlo. Dans le mesure du possible, pourrait-il m'indiquer la date de la publication au MB du décret, arrêté ou loi qualifiant la famine ukrainienne de génocide ? Merci d'avance !



J'avais lu l'information sur wikipedia et divers sites ukrainiens, il y a plus d'un an et j'avais l'impression de l'avoir vérifiée à de meilleures sources. Mais je dois avouer :oops: que j'en suis moins sûr, car si la chose est présentée parfois comme une évidence, je n'ai trouvé comme document officiel que la proposition de résolution d'un obscur sénateur VLD:
http://www.senators.be/www/?MIval=/Registers/ViewReg&COLL=S&POS=1&PUID=50332221&TID=50333314&LANG=fr
Je suis ce soir beaucoup moins affirmatif, sinon pour dire qu'il s'agit bien d'un sujet casse gueule.

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Nouveau message Post Numéro: 66  Nouveau message de Igor  Nouveau message 23 Mai 2008, 21:46

carlo a écrit:Aie, aie, aie, s'il y a bien un sujet casse-gueule, c'est l'holodomor, c'est malheureusement un debat ou l'objectivite n'a aucune place et dont l'instrumentalisation est poussee a un point rarement egale. Et fondamentalement je trouve odieux que les parlementaires de mon pays (Belgique) aient coules dans l'airain de la loi, la famine comme un genocide premedite contre la nation ukrainienne.


Que l'Histoire soit utilisée à des fins politiques (par des associations, des partis, des dirigeants), je dirais que cela n'a rien d'original. Tout dépend du but de cette utilisation.
De plus cela ne doit pas nous empêcher de discuter de l'événement en lui-même.

Je ne nie en aucune maniere l'existence d'une famine documentee et de grande ampleur, dans la resolution de laquelle les autorites portent fatalement une responsabilite, mais ce qui me derange c'est l'acharnement de certains a en faire l'equivalent de la Shoah et cela sur foi essentiellement d'une interpretation totalitaire de l'histoire de l'URSS.


Le problème, c'est que la Shoah est devenue en quelque sorte le mètre-étalon du crime de masse. Ce qui explique que certains soient tentés de juger les crimes de Staline en prenant le génocide juif comme référence. Je pense que ce n'est pas forcément la meilleure façon de comprendre la famine ukrainienne.

Si cette catastrophe n'a pas été sciemment voulue par Staline, il n'empêche que par son attitude il n'a fait qu'aggraver les choses.
Ce que distingue son attitude de celle d'Hitler qui dès le départ avait voulu exterminer les Juifs d'Europe.


 

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Nouveau message Post Numéro: 67  Nouveau message de Francis Deleu  Nouveau message 23 Mai 2008, 22:40

carlo a écrit:
Francis Deleu a écrit:Je rebondis avec retard sur la contribution de Carlo. Dans le mesure du possible, pourrait-il m'indiquer la date de la publication au MB du décret, arrêté ou loi qualifiant la famine ukrainienne de génocide ? Merci d'avance !



J'avais lu l'information sur wikipedia et divers sites ukrainiens, il y a plus d'un an et j'avais l'impression de l'avoir vérifiée à de meilleures sources. Mais je dois avouer :oops: que j'en suis moins sûr, car si la chose est présentée parfois comme une évidence, je n'ai trouvé comme document officiel que la proposition de résolution d'un obscur sénateur VLD:
http://www.senators.be/www/?MIval=/Registers/ViewReg&COLL=S&POS=1&PUID=50332221&TID=50333314&LANG=fr
Je suis ce soir beaucoup moins affirmatif, sinon pour dire qu'il s'agit bien d'un sujet casse gueule.

Merci Carlo ! Dommage que cette proposition de résolution n'ait pas connu d'autres suites .... nos gouvernants ayant d'autres préoccupations hautement linguistico-stratégiques.
Je suis ce soir beaucoup moins affirmatif, sinon pour dire qu'il s'agit bien d'un sujet casse gueule.

Que l'Holomodor soit un sujet casse-gueule ? A mon sens non ! Hormis les porte-paroles de quelques rares officines staliniennes, aucun historien sérieux ne nie l'ampleur de la famine ukrainienne. Comme l'indique indirectement Igor, le débat porte plutôt sur le caractère génocidaire ou non de cette famine en grande partie orchestrée par Staline. Et bien sûr, juger les crimes des uns par rapport aux crimes des autres n'a généralement d'autre but que de détourner les regards sur la spécificité de chacun des crimes de masse.

Cordialement,
Francis.


 

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Nouveau message Post Numéro: 68  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 24 Mai 2008, 12:34

tietie007 a écrit:
Donc lorsqu'on connait le rôle de l'Histoire chez les léninistes, et comment cette matière fut instrumentalisée par le pouvoir stalinien à des fins purement idéologiques, je me demande qui parle, lorsque Annie Lacroix-Riz écrit des livres ...l'historienne ou la militante ?


eh bien c'est à vous de voir, au cas par cas !

Je vais vous donner un exemple-loupe.

Alain Badiou est un vert septuagénaire, adepte (du moins longtemps, et sans autocritique connue de moi) d'une version du stalinisme qui traite celle d'A L-R de révisionnisme petit-bourgeois. Or il vient d'écrire un petit livre émouvant et ouvert, pas "ligne du parti" pour un sou (sauf peut-être lorsqu'il parle de Sartre), sur les philosophes qui ont influencé sa génération normalienne. Si vous n'avez pas le goût d'aborder directement les écrits de Foucault, Derrida ou Deleuze, je vous le recommande vivement pour vous mettre l'eau à la bouche.

D'autre part, Badiou phosphore actuellement sur les rapports entre Wagner et le nazisme, en réponse aux analyses de Philippe Lacoue-Labarthe, et j'attends le résultat avec une grande impatience.

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Nouveau message Post Numéro: 69  Nouveau message de tietie007  Nouveau message 24 Mai 2008, 12:41

François Delpla a écrit:
tietie007 a écrit:
Donc lorsqu'on connait le rôle de l'Histoire chez les léninistes, et comment cette matière fut instrumentalisée par le pouvoir stalinien à des fins purement idéologiques, je me demande qui parle, lorsque Annie Lacroix-Riz écrit des livres ...l'historienne ou la militante ?


eh bien c'est à vous de voir, au cas par cas !

Je vais vous donner un exemple-loupe.

Alain Badiou est un vert septuagénaire, adepte (du moins longtemps, et sans autocritique connue de moi) d'une version du stalinisme qui traite celle d'A L-R de révisionnisme petit-bourgeois. Or il vient d'écrire un petit livre émouvant et ouvert, pas "ligne du parti" pour un sou (sauf peut-être lorsqu'il parle de Sartre), sur les philosophes qui ont influencé sa génération normalienne. Si vous n'avez pas le goût d'aborder directement les écrits de Foucault, Derrida ou Deleuze, je vous le recommande vivement pour vous mettre l'eau à la bouche.

D'autre part, Badiou phosphore actuellement sur les rapports entre Wagner et le nazisme, en réponse aux analyses de Philippe Lacoue-Labarthe, et j'attends le résultat avec une grande impatience.


Disons que je me fais une autre idée de l'Histoire qu'une simple analyse qui peut varier selon les idées politiques de l'historien ! Lorsqu'on connaît comment fonctionne un parti léniniste (cf Que faire de Lénine, 1903), on peut légitimement se poser la question sur l'objectivité de la démarche d'une historienne léniniste. Ou alors, on peut poser l'Histoire comme une matière purement subjective qui varie au gré des opinions idéologiques des uns et des autres.
Ca ne veut pas dire que Lacroix-Riz n'écrit pas des choses intéressantes, mais on peut clairement voir son idéologie sous-jacente, ce qui, parfois, est assez gênant !


 

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Nouveau message Post Numéro: 70  Nouveau message de tietie007  Nouveau message 24 Mai 2008, 13:05

François Delpla a écrit:
tietie007 a écrit:
Donc lorsqu'on connait le rôle de l'Histoire chez les léninistes, et comment cette matière fut instrumentalisée par le pouvoir stalinien à des fins purement idéologiques, je me demande qui parle, lorsque Annie Lacroix-Riz écrit des livres ...l'historienne ou la militante ?


eh bien c'est à vous de voir, au cas par cas !

Je vais vous donner un exemple-loupe.

Alain Badiou est un vert septuagénaire, adepte (du moins longtemps, et sans autocritique connue de moi) d'une version du stalinisme qui traite celle d'A L-R de révisionnisme petit-bourgeois. Or il vient d'écrire un petit livre émouvant et ouvert, pas "ligne du parti" pour un sou (sauf peut-être lorsqu'il parle de Sartre), sur les philosophes qui ont influencé sa génération normalienne. Si vous n'avez pas le goût d'aborder directement les écrits de Foucault, Derrida ou Deleuze, je vous le recommande vivement pour vous mettre l'eau à la bouche.

D'autre part, Badiou phosphore actuellement sur les rapports entre Wagner et le nazisme, en réponse aux analyses de Philippe Lacoue-Labarthe, et j'attends le résultat avec une grande impatience.


Lacroix-Riz est connu pour dénicher des archives inédites et elle s'appuie beaucoup sur les archives de certains attachés militaires français à l'ambassade française à Moscou ...notamment un certain Palasse, qui a produit force de compte-rendus sur la société soviétique, qui me paraissent, parfois, un peu complaisant, pour ne pas dire plus ! Voici un exemple de ce type de rapport, venant de l'ambassade moscovite, sur le Goulag :

On sait que la plupart des grands travaux publics entrepris depuis quelques années en Russie ont été exécutés par les prisonniers, politiques et de droit commun, enrégimentés sous les ordres de la G.P.Ou. Les Bolcheviks sont très fiers de cette organisation qui a permis l’achèvement rapide et aux moindres frais du canal Baltique-Mer Blanche et qui soumet les condamnés à un régime moins inhumain qu’on ne pourrait le penser.

Ceux-ci jouissent d’un confort relatif. Ils sont logés dans des baraques convenablement chauffées et disposent de couvertures. L’ordinaire est à base de chènevis, de soupe au poisson ou à la viande et de thé à discrétion avec une quantité variable de sucre. La ration de pain normale (1 kg par homme) est diminuée ou augmentée suivant que le travail fourni est inférieur ou supérieur à la tâche imposée. Le pain est de bonne qualité, meilleur qu’à Moscou.

Ce taux relativement élevé de la ration permet aux bons travailleurs d’en troquer une partie contre certaines denrées (lait, œufs, alcool, etc.) qu’on trouve facilement à acheter dans le pays, où le pain est rare. Lorsqu’un effort particulier est momentanément demandé, l’ordinaire est très largement augmenté, et l’on distribue même de la vodka.

Les prisonniers sont strictement hiérarchisés et l’on choisit parmi eux la plupart des hommes armés, mais cette faveur est uniquement réservée aux prisonniers de droit commun, toute arme, quelle qu’elle soit, étant refusée aux condamnés politiques. Les femmes sont autorisées à venir passer de temps en temps quelques jours auprès de leurs maris, certaines même à vivre auprès d’eux.

Des réductions de peine parfois très substantielles sont accordées aux bons travailleurs, dont certains même reçoivent des décorations, comme on l’a vu à l’achèvement du canal de la Mer Blanche.

Les “villages” de prisonniers comportent clubs, bibliothèques, cinémas et théâtres. Pour préparer les séances récréatives, des dispenses de travail, parfois assez longues, sont accordées aux condamnés doués d’un talent approprié.
La vie n'en reste pas moins très dure pour la masse, particulièrement pour les ouvriers non qualifiés auxquels sont imposées des tâches journalières supérieures à leurs forces. Aussi la mortalité est-elle très élevée.
Le recrutement de cette main-d'œuvre de choix a été très abondant au cours de ces dernières années, où sévissait la “dékoulakisation” des paysans. Il reste encore largement assuré du fait qu’une condamnation politique peut être provoquée par les motifs les plus futiles.

À noter que les communistes n’échappent pas à la suspicion générale. La tchistka [épuration, nettoyage] de cette année a même provoqué une recrudescence d’arrestations parmi eux : la proportion de communistes parmi les prisonniers politiques est passée de 10 à 50%.
Parmi ces prisonniers se trouvent aussi de nombreux officiers, et jusqu'aux grades les plus élevés. L’Armée rouge est l’objet d’une surveillance particulièrement stricte.

Et pour cause. En 1928, une cinquantaine de “Commandants rouges” de la garnison de Kiev avaient réussi, de connivence avec l’État-major polonais, à monter un complot en règle visant à proclamer l’indépendance de l’Ukraine. Ils ont été arrêtés deux heures seulement avant le déclenchement de l’affaire.

On peut conclure de là que les dirigeants de l’Union sont atteints d’une véritable manie de la persécution. Cette crainte maladive s’explique si l’on songe que tous sont eux-mêmes d’anciens conspirateurs, qu’ils ont passé leur jeunesse à saper dans l’ombre le régime établi et qu’ils savent par expérience combien vulnérables sont parfois les pouvoirs qui semblent le mieux assis. En ce qui concerne particulièrement les étrangers, cette invraisemblable méfiance, congénitale chez les Russes, a été portée au paroxysme chez les Bolcheviks par les luttes qu’ils ont eu à soutenir à leurs débuts contre les autres Puissances : ils ne sont pas encore arrivés à se défaire de la psychose interventionniste. Ils la cultivent même soigneusement chez tous leur administrés. L’intervention étrangère leur sert à la fois de mythe pour galvaniser les énergies et de dérivatif pour apaiser les mécontents.
De tous ces faits l’impression d'ensemble se dégage que les Chefs du Parti n’ont pas une confiance absolue dans la solidité d’un régime qui apparaît pourtant – et à bon droit – à l’observateur du dehors, comme un des plus stables dans le monde, à l'heure actuelle. »

URSS, RAPPORTS DES ATTACHÉS MILITAIRES, 1933-1934, ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL, DEUXIÈME BUREAU, ARCHIVES DU SERVICE HISTORIQUE DE L'ARMÉE DE TERRE, VINCENNES


Je me demande bien comment il faut prendre ces fameuses archives, venant de l'ambassade de France à Moscou qui décrivent le Goulag comme des quasi camps de vacances ...J'ai l'impression que nos grands dadais d'attachés militaires, ont du faire une petite visite dans un Goulag Potemkine !
Ce type de rapport assez complaisant avec la société soviétique est loin d'être isolé ...ce qui souligne le peu de sérieux des renseignements français en URSS. Il me semble presque clair que les sources primaires furent où des articles traduits dans La Pravda ou L'Etoile Rouge, ou bien des visites soigneusement préparés par le pouvoir soviétique pour les correspondants étrangers ou même des informations distillées par des agents à la solde du NKVD.


 

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