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L'odyssée du Graff Spee

Dans cet espace, sont rassemblés sous forme de fiches l'ensemble des biographies, résumés de bataille, thèmes importants concernant la seconde guerre mondiale.
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L'odyssée du Graff Spee

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de hilarion  Nouveau message 01 Juil 2006, 10:35

La volonté de l’Allemagne de s’équiper d’une marine capable de rivaliser avec ses homologues anglaise et française, va l’amener à doter la Kriegsmarine de navires de tous tonnages. Si les Bismarck et consorts sont les plus connus, il ne faut pas oublier une catégorie qu’elle fut la seule à posséder : les cuirassés de poche.

Mieux armés qu’un croiseur et plus rapides qu’un cuirassé, ces navires jaugeaient 14.890 tonnes pour 181 mètres et étaient dotés de 2 tourelles triples de 280mm ainsi que de 6 tourelles simples de 150mm

Des trois navires construits (Deutschland, Admiral Scheer et Graf Spee), seul le dernier s’est forgé une histoire digne d’un bâtiment de ligne :

Image


Commandé par le Capitaine de vaisseau Langsdorff, le navire appareille de Willemshafen, son port d’attache, pour rejoindre son « territoire de chasse » le 28 août 1939.

Une fois la guerre déclarée, le Graf Spee peut entrer en action, non sans avoir refait le plein de fuel lors de ses rencontres avec l’Altmark le 8 septembre, puis le 13, 14, 20 et 25 où il effectuera cette fois un ravitaillement complet (munitions, nourriture)

Ce n’est que le 26 septembre que Langsdorff reçoit ses ordres de mission : entamer immédiatement les hostilités mais en n’attaquant que les navires anglais, pas les français, éviter les engagements avec des navires de guerre pour ne pas mettre son bâtiment en danger. Il doit également respecter les lois internationales qui stipulent que les équipages doivent être évacués avant d’envoyer le navire par le fond. Enfin, éviter le moindre incident avec les USA.

Fin prêt, le Graf Spee arrive au large du Brésil le 30 septembre.

Pour mieux approcher ses victimes, il arborera en alternance les pavillons anglais et français et changera le nom peint sur la coque. Ainsi trompés, les alliés verront le Deutschland et l’Amiral Scheer en plusieurs endroits simultanément.

En 3 semaines le Graf Spee va couler 5 cargos anglais, après avoir à chaque fois fait évacuer l’équipage : Clément, Newton Beech, Ashler, Hunstmann, Trevanion.

Lors de son dernier fait d’armes, Langsdorff se rend compte que le Trevanion a eu le temps d’émettre des signaux de détresse. Conscient que les parages vont rapidement voir arriver des navires de guerre, il met le cap vers l’Océan Indien où il coule l’Africa Shell le 15 novembre.

Ayant ainsi lancé les alliés sur une fausse piste, il rejoint l’Atlantique Sud, retrouve son ravitailleur auquel il confie ses prisonniers et procède à un habile stratagème : l’adjonction d’une fausse deuxième cheminée le fait quelque peu ressembler au croiseur de bataille anglais Repulse.

Ainsi maquillé, il remonte vers l’équateur, coulant en chemin 3 nouveaux cargos : Doric Star, Tairoa, Streonschach.

Lors de cette dernière capture, Langsdorff, qui sait que son navire a besoin de révisions plus importantes que celles qu’il est possible de faire en mer et compte reprendre la route de l’Europe, apprend qu’un convoi anglais doit quitter Montevideo, 300 miles plus à l’Ouest de sa position.

Le capitaine sait que les marines anglaise et française sont à sa recherche mais le Haut Commandement allemand lui spécifie que les unités lourdes se trouvent à Freetown ou au Cap. Certes 4 croiseurs se trouvent en Amérique du Sud mais il semble bien qu’elles opèrent indépendamment. Le Graf Spee prend donc la route de Montevideo.

13 décembre

5h52 :
Pas de navire marchand à l’horizon mais 2 puis 4 mâts. L’équipage est appelé aux postes de combat.

6h10 :
Les nouveaux venus sont clairement identifiés : 2 croiseurs légers Ajax et Achilles et le croiseur lourd Exeter qui vont en ligne de file sous les ordres du commodore Harwood.
En infériorité numérique et plus lent de 7 nœuds que les croiseurs, Langsdorff sait qu’il ne pourra ni contourner ni se dérober. Il faut engager le combat

6h14
Dernier de la file, l’Exeter s’éloigne de la formation pour aller identifier la silhouette. Il ne faut pas plus de 2 minutes pour que le croiseur anglais ne reconnaisse un cuirassé de poche allemand. « Ennemi en vue par 322 degrés »

Harwood pense alors pouvoir diviser le tir du Graf Spee mais l’allemand concentre son feu sur l’Exeter. Les bordées du Graf Spee font mouche dès la troisième salve, endommageant le système de communications et déclarant des incendies. Quelques minutes plus tard, un obus s’abat sur la tourelle B (tourelle avant), la mettant hors d’usage. Les éclats qui résultent de l’explosion tuent de nombreux hommes, ne laissant que trois officiers vivants. Les autres tourelles du navire continuent à faire feu et, bien que le cuirassé allemand ait été atteint, les dommages infligés ne semblent trop handicaper ses manœuvres.

Tout en continuant à faire feu sur l’Exeter, Langsdorff engage l’Ajax et l’Achilles de ses pièces auxiliaires de 150mm.

Un autre obus du Graf Spee explose devant la tourelle A du croiseur lourd anglais, causant de nouveaux dommages mais l’Exeter remarque que l’ennemi représente alors une cible idéale pour une attaque à la torpille. Immédiatement effectuée à 6h31, cette dernière échoue car l’allemand entame une manœuvre d’esquive. L’Exeter encaisse à nouveau des coups au but, un détruisant complètement le canon droit de la tourelle A, un autre éclatant dans la salle de maistrance (pièce des officiers), perçant la coque sous la ligne de flottaison. Hors de combat, l’Exeter n’en continue pas moins à riposter de sa tourelle arrière.

Les dégâts à bord sont considérables :
Ø Le navire s’enfonce de 90 cm vers l’avant tout en accusant plus de 7 degrés de gîte
Ø Les tourelles avant (A et B) sont détruites
Ø Un seul canon de 100mm est encore en état
Ø Passerelle de commandement, radio et contrôle de tir sont détruits
Ø Le téléphone intérieur est coupé et les communications avec l’Ajax sont rompues
Ø Des incendies se sont déclarés
Ø Des voies d’eau sont ouvertes sous la ligne de flottaison
Seule note positive : les machines fonctionnent encore. Néanmoins, l’Exeter est contraint de quitter le combat : l’eau qui pénètre par les fissures coupe l’électricité alimentant sa dernière tourelle qui se trouve à son tour hors de service. Le croiseur reçoit l’ordre de se retirer alors que son commandant envisageait d’éperonner le Graf Spee.

Pendant ce temps l’Ajax et l’Achilles se rapprochent lentement du cuirassé allemand et un hydravion est catapulté de l’Ajax. Les 3 navires font cap au Nord mais alors que le Graf Spee file à 24 nœuds, ses assaillants en filent 30 aussi Langsdorff cache-t-il son navire derrière un rideau de fumée vers 7h.

Si le combat en était resté là, l’allemand serait sorti vainqueur : bien qu’atteint par 7 salves, toute son artillerie est opérationnelle. De son côté, Harwood ne peut plus compter sur l’Exeter et l’Achilles a été atteint, sans trop de dommages il est vrai.

Tout en restant abrité derrière son rideau de fumée, le Graf Spee vire à l’ouest pensant momentanément se mettre hors de portée de canons de l’Ajax et de l’Achilles.

Harwood prend alors une décision audacieuse : il se sait plus rapide que le Graf Spee et ordonne « En avant toute » à ses deux navires. Il perd certes la puissance de tir de ses tourelles arrières mais fait feu des ses quatre batteries avant à raison de 3 salves par minute et par bâtiment.

A 7h26, alors que les courses du Graf Spee et des navires britanniques sont parallèles, Harwood fait lancer 4 torpilles par l’Ajax amis l’allemand les repère et peut aisément les éviter.

Bien qu’ayant échoué, l’attaque rend Langsdorff soucieux et l’oblige à ne présenter que sa poupe à ses adversaires, réduisant d’autant sa puissance de feu. Malgré tout le Graf Spee enregistre un coup au but sur l’Ajax, neutralisant les deux tourelles arrière. La différence de vitesse amène alors l’Ajax et l’Achilles à moins 7 kilomètres de leur cible vers 7h30.

A pareille distance, le Graf Spee pouvait non seulement utiliser ses canons de 280 et de 150 mais également ceux de 90 alors que les britanniques ne pouvaient lui infliger que des dommages minimes.

A ce moment, Harwood est avertit que seuls 2 des 8 canons de l’Ajax sont opérationnels et qu’il ne reste plus que 20% des munitions et envisage sérieusement d’abandonner le combat et de le reprendre à la nuit. Aussi quelle ne fut pas sa surprise que de voir le cuirassé allemand foncer à pleine vitesse vers l’ouest.

Langsdorff ne se dérobe pas : il sait que son navire n’est plus en état de regagner l’Allemagne par ses propres moyens.

Il apparaît en fait que Langsdorff surestime les dommages causés à son bâtiment, vraisemblablement suite à une blessure reçue lors de l’engagement.

Tout en poursuivant l’allemand, Harwood s’inquiète de l’Exeter. Lorsqu’il connaît finalement l’état du navire, il lui ordonne de regagner les Falkland, d’autant plus que le Cumberland a reçu l’ordre de quitter Port Stanley pour rejoindre Harwood mais il lui faudra bien 36 heures avant d’arriver sur les lieux du combat.
De part et d’autres, alors que la poursuite continue, on s’efforce de réparer au mieux les dégâts.

Toute la journée les croiseurs vont suivre le cuirassé, échangeant quelques salves mais sans résultat significatif.

En fin de soirée, Londres dépêche sur les lieux le porte-avions Ark Royal, le croiseur de bataille Renown ainsi que 3 croiseurs et 3 destroyers. Cette mesure, à la fois tardive et inutile va toutefois peser lourd sur le sort du navire allemand.

N’ayant pas d’autre possibilité, Harwood reste au large de Montevideo, port où le Graf Spee a momentanément trouvé refuge, les uruguayens ne lui accordant que 72 heures

Langsdorff libère alors les prisonniers qu’il a à son bord et fait le nécessaire pour les obsèques de ses marins tués au combat.

De leur côté, les britanniques jouent habilement des lois internationales pour empêcher le Graf Spee de quitter le port et permettent ainsi au Cumberland de rejoindre la formation de Harwood.

Parallèlement, la BBC fait croire qu’une forte escadre, dont le porte-avions Ark Royal, est aux abords de Montevideo.

Les 72 heures imparties au Graf Spee vont bientôt arriver à leur terme quand Langsdorff, persuadé qu’une puissante escadre anglaise l’attend dans les eaux internationales, envoie un message à son supérieur :

1. En plus des croiseurs, Ark Royal et Renown. Impossible d’espérer une sortie permettant de regagner l’Allemagne
2. Propose appareiller pour livrer dernier combat en essayant de se frayer un chemin jusqu’à Buenos Aires
3. Si impossible, faut-il saborder malgré la faible profondeur ou bien internement ?
4. Demande réponse par radiogramme

La réponse de l’amiral Raeder, est claire : tenter de prolonger le séjour en eaux neutres sinon appliquer la proposition 2 mais il ne saurait être question d’internement. En dernier ressor, le sabordage est accepté en détruisant au maximum le navire

Le 17 décembre, le Graf Spee appareille de Montevideo pour son dernier voyage à 17h15.

C’est à 19h25 que l’hydravion de l’Achilles signale à Harwood que le Graf Spee vient de se saborder.

Les marins allemands seront transférés à Buenos Aires alors que le commandant Langsdorff mettra fin à ses jours le 19 décembre.

Ainsi, dès les premiers mois de la guerre, l’Allemagne du IIIème Reich enregistre sa première défaite navale. Cette dernière, qui est plus le fruit de la ruse que de la force, marque l’échec des opérations de surface contre des navires de commerce. La solution passera par la chasse silencieuse que livreront les U-Boote notamment à partir des bases françaises dès 1940. Les chiffres se passent de commentaires : 217 navires soit plus d'un million de tonnes rien que pour l’année 1940 et rendent bien faible le tableau de chasse du Graf Spee…
rédacteur Jean Sécardin
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