Bonjour à tous.
Conférence dans une atmosphère studieuse : « Viens rejoindre notre armée ! »
Comme promis, je mets en ligne un compte rendu perso de la conférence prononcée le samedi 5 mars par Yves MERVIN. N’étant pas un spécialiste de la Bretagne, il se peut que quelques erreurs involontaires ou imprécisions se soient glissées dans ce papier. Je compte sur l’interactivité (et la convivialité) du net pour y remédier.
Studieuse. C’est la première impression qui se dégage lors de la conférence-débat organisée au Centre culturel breton de Guingamp (Kreizenn Sevenadurel Vrezhon Gwengamp, ci-devant Roparz HEMON).
Une cinquantaine de personnes attentives composent un public masculin à 90% et de moyenne d’âge dépassant allègrement la soixantaine.
L’intervention s’est articulée en deux parties : un exposé appuyé par un powerpoint à vocation illustrative suivi d’une série de questions-réponses. Après avoir détaillé très honnêtement ses méthodes de travail, proches de l’enquête policière (dossiers, fichiers, pièces, croisement des sources, visites sur place, travail en archives, témoignages …), l’auteur a expliqué comment il en est arrivé à constituer une somme de dossiers qui lui permettent maintenant de tirer quelques lignes directrices. L’analyse des faits induit la théorie, pas l’inverse. Yves MERVIN insiste beaucoup pour bien séparer le factuel des « jugements de valeur » et autres a priori rendus d’autant plus faciles que leurs auteurs s’expriment après les faits, une fois connue la « fin de l’histoire ». D’ailleurs, Yves MERVIN précise qu’il ne souhaite pas théoriser mais exposer des faits que chacun pourra interpréter ou juger à sa guise.
Des bilans d’opérations militaires entre les maquis et les Allemands toujours exagérés. Yves MERVIN explique qu’il n’est pas facile de faire émerger la vérité quelques décennies après les faits … surtout quand elle se trouve en contradiction complète avec les récits dits de référence.
Le maquis de Coat Mallouen est pris en exemple, mais le principe est identique pour La Pie, Saint-Marcel ... Comment faire passer de telles remises en cause ? [note JD : problématique similaire aux Glières, à la Piquante Pierre, à Viombois …]. D’après la doxa, plusieurs centaines d’Allemands auraient été mis hors de combat à Coat Mallouen, chiffres irréfutables puisque fixés à 537 suite à des confidences invérifiables mais passées à la postérité. D’où chaque année cérémonies patriotiques, discours, etc. Dans ce cas précis, les archives allemandes ont conservé un bilan nominatif et exhaustif qui se limite seulement à 5 morts, 1 disparu, 12 blessés. Sans modifier le bilan des pertes côté maquisards. Yves MERVIN estime, dossiers en mains, qu’il faut diviser les pertes allemandes revendiquées (jamais prouvées) par 10 à 100 et surtout en venir à un constat : en Bretagne, l’action militaire des maquis n’a pas eu un impact considérable sur l’issue du conflit. Autre contradiction avec les affirmations de l’orthodoxie résistante.
Pour l’ensemble des cas documentés et listés par le chercheur, la fourchette à retenir est de 200 à 300 Allemands tués en Bretagne [note JD : sur 4 ou 5 départements ?] au cours des combats avec la résistance. Pas plus.
Les règlements de compte plus meurtriers pour les bretons que la résistance pour les Allemands ! C’est la deuxième conclusion iconoclaste d’Yves MERVIN. D’après ses calculs et la compilation de ses dossiers, pas moins de 600 bretons (des civils, dont des femmes et des enfants) ont perdu la vie avant la Libération et lors de l’Epuration. Nombreux exemples dans le livre. Chiffre à rapporter à la fourchette des morts allemands ci-dessus. N’en déplaise aux contradicteurs, les chiffres sont têtus …
Le cas des nationalistes bretons, une mosaïque de destins. Cette partie de l’exposé a particulièrement retenu l’attention du public. N’étant pas spécialiste du tout de cette question, je propose une synthèse des échanges qui se sont prolongés par des questions très pointues. Refusant le manichéisme, Yves MERVIN a présenté l’historique du mouvement nationaliste puis national breton jusqu’aux différentes formations agissant sous l’occupation. Lire le détail dans « Viens rejoindre notre armée » pour décortiquer les linéaments des relations entre Lu Brezhon, Bagadou Stourm, Kadervern … suivant essentiellement un modèle irlandais et non germanique (et encore moins nazi). L’auteur décrit très bien le durcissement progressif de fin 43 début 44 et les destins qui basculent. Tel ancien des Bagadou se retrouve à la Bezen Perrot, tel autre dans le maquis résistant Liberté … Mais ces parentés et nuances ne sont pas forcément à mettre en avant. C’est pourtant toute l’argumentation, brillante et étayée, d’Yves MERVIN. En quelque sorte, le mouvement breton a été assimilé par ses contradicteurs aux pires exactions des auxiliaires du SD, sans distinction aucune. Je ne commente pas les développements plus récents puisqu’ils s’éloignent du segment temporel qui nous occupe ici.
Les réécritures post 1944. Yves MERVIN donne quelques exemples de réécritures et des difficultés pour faire émerger la vérité. Sont évoqués les fusillés de Garzonval (affaire de la maison SOURIMANT à Bourbriac) et en contrepoint les sabotages du maquis Liberté. Quelle différence de traitement par l’Histoire ! D’une part des dossiers de victimes dont les caractéristiques résistantes ont été, disons, amplifiées et magnifiées par les cérémonies, et de l’autre l’obligation faite aux anciens de Liberté de montrer patte blanche et de littéralement « prouver » leurs faits de sabotage et de résistance. Aucune plaque commémorative pour ces résistants ! Par contre, des certificats de complaisance attribués par le parti que l’on sait et qui n’étaient pas soumis à pareille procédure.
En conclusion, un exposé posé, sans contradicteur dictateur venu semer la confusion. Un moment de vérité et d’ouverture, du très factuel qui tranche avec la caco-stéréophonie habituelle.
JD, spectateur d’un jour