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Epuration sauvage en Bretagne

Tout ce qui concerne la libération de l'Europe et qui n'est pas développé au sein des sections ci-dessus.
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Re: Epuration sauvage en Bretagne

Nouveau message Post Numéro: 11  Nouveau message de JARDIN DAVID  Nouveau message 22 Avr 2022, 09:13

N'étant pas spécialiste de cette région, je suis plutôt lecteur que contributeur sur ce fil. Tout en appréciant les exposés bien structurés de notre ami Landé, je souhaite tout de même réagir à ceci :
landevenneg a écrit:Le livre de Y Mervin [Saint-Marcel] vaut le coût d'être lu. D'une manière générale l'ensemble des livres de Y Mervin forment un tout cohérent et il ne laisse pas l'idéologie prendre le dessus sur les sources. C'est toujours argumenté et sourcé. Même ceux qui ne sont pas d'accord avec lui, ont intérêt à le lire pour le débat.

C'est presque un plaidoyer d'auteur ! :mrgreen:
Le "tout cohérent", c'est surtout une unité de lieu (la Bretagne occidentale), une unité de temps (la période de la SGm) et ensuite la poursuite d'une démonstration iconoclaste, provocatrice sur le ton bien que numériquement exacte : la Résistance fut plus dangereuse pour les Bretons qu'envers les Allemands.
Le très gros intérêt des livres d'YM, c'est l'accès direct à des extraits d'archives souvent inédites, clairement référencées, donc vérifiables par le lecteur, et citées sans souci de tronquer ou de pointer seulement les deux lignes qui vont dans le sens souhaité. A ce propos "St-Marcel" accentue cette bonne orientation. On en a pour son argent avec la matière première.
Toutefois, si "l'idéologie ne pend pas le dessus sur les sources", au sens où elle ne les déforme pas, elle n'est pas pour autant absente du texte et domine un peu trop l'analyse et les conclusions. Sa forme d'expression est aussi relativement engagée, probablement excessive mais cela reste justement de la responsabilité de l'auteur. Je note des répétitions nombreuses qui montrent une relecture peu rigoureuse ou une publication peut-être précipitée (?). D'où présence de coquilles (Erquy n'est pas loin !) et, plus gênant, un plan un peu bancal, n'ouvrant pas sur une conclusion. Celle-ci est distillée au fil du texte.
Je m'explique. L'auteur déborde largement de la journée de St-Marcel, ce qui s'explique en partie par le souci louable de bien contextualiser. En aval, il s'attarde longuement sur les errements des procédures engagées par la famille LE MENE (double meurtre avec violences, couvert par la résistance) et divers épisodes peu glorieux de la période. On ne sait plus trop si l'ouvrage est centré sur St Marcel ou sur le "procès de la résistance". OK pour ces dérives, OK pour la longue mise sous le tapis qu'il convient de démontrer, mais il n'y a pas que cela dans la période. C'est donc souvent confus [comme mon post !] malgré l'abondante (et je pense vraiment honnête) documentation à l'appui. Probablement aurait-il été plus clair de compléter l'analyse chronologique par une approche historiographique plus précise montrant le "traitement de l'affaire" en séparant St-Marcel et l'affaire LE MENE. Et ce n'est bien entendu qu'une de ces affaires qui pourraient documenter une synthèse spécifique.
Pour revenir à St Marcel, je pense qu'il manque là aussi une analyse fine de la biblio disponible et une description du corpus original rassemblé par l'auteur. On découvre le tout pas à pas et ce n'est pas très facile.
Bref, un nouvel apport dont on ne peut que recommander une lecture ... critique.
JD
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Re: Epuration sauvage en Bretagne

Nouveau message Post Numéro: 12  Nouveau message de landevenneg  Nouveau message 25 Avr 2022, 13:14

c'est justement la nuit du 4 août qu'est donné l'ordre à tous les Résistants de rejoindre le maquis pour passer à l'action. Le 4 Aout le capitaine Treflez participa à la libération de
Scaer, où les Resistants FTP et FFI commirent également des exactions.
https://www.ouest-france.fr/bretagne/sc ... es-5915438
(C'est aussi un 4 août à Monterfil en Ille-et-Vilaine que trois femmes furent brutalisées et pendues.)
Des combats meurtriers ont précédé les exactions: à Lanvenegen, l'attaque du maquis de Kerbozec et la mort de deux SAS, de plus les 7 et 21 une trentaine de Resistants, dont 6 belges arrêtés localement ou dans le Morbihan furent exécutés sur la commune. A Scaer, les Allemands attaquent les Résistants à Kernabat au moment où ils réceptionnent un parachutage D'armes ( 18 Résistants tués)
( https://www.ouest-france.fr/bretagne/qu ... bat-729819 )
Malgré tout nous sommes à cent lieux du contexte généralement invoqué: Vengeance, décompensation, défoulement des combattants, et hystérie de la population à l'instant de la Libération. Les Allemands sont toujours dans le secteur (Quimperlé ne sera évacué que la semaine suivante), la menace de leur retour n'est pas définitivement écartée. La population est d'ailleurs plus sommée d'assister, voire de participer aux exactions, qu'elle n'y participe avec enthousiasme.

MARCHE NOIR
Quand on n'accuse pas quelqu'un de dénonciation, on l'accuse de marché noir. 70 après la guerre les derniers témoins retiennent l'accusation de marché noir comme la cause qui aurait conduit à la mort d'Anne-Marie Perron, en soulignant que ses tortionnaires étaient commerçants:
"F.R., le boucher, né en 1901 et surnommé "Richard Cœur de Lion",
J.P., sellier,
L.C., né en 1922, fils du forgeron, lui-même menuisier."
Un règlement de compte, la crainte d'être dénoncé par Anne-Marie?
Divorcée, élevant seule ses deux enfants dans une maison au sol en terre battue, sans eau, ni électricité, avec un chèvre. Quelle moyen elle aurait de rivaliser avec le boucher? Anne-Marie effectivement fait du marché noir. Les restrictions et pénuries de la guerre l'ont privé de l'aide que lui apportait la communauté locale avant guerre. Pour survivre elle vend au marché noir du du sel. Dans les fermes on confirme: "Nous avions de la viande mais il nous fallait bien trouver du sel pour la conserver."
Le marché noir est pour la plupart surtout un moyen de débrouille, de survie. On est loin des "profiteurs de guerre". Surtout qu'il faut faire avec les réquisitions. La population des zones côtières vit mal. Entre zones interdites et terrains minés pour la défense, la production locale ne suffit pas. il faut aller chercher du ravitaillement à l'intérieur des terres. Difficile de satisfaire tout le monde. Les paysans les plus pauvres sont d'ailleurs fermiers et doivent impérativement honorer le paiement annuel du fermage sous peine d'expulsion.
Guy Savin, né à Douarnenez mais dont la famille a déménagé à Quimperlé et futur maire socialiste de la ville, un des rares Résistants du secteur de Quimperlé à avoir reçu la Croix de Guerre, membre de la section Mefort qui opérait dans le secteur de Lanvenegen raconte, qu'avant de rentrer au maquis Il "côtoyait les uniformes vert-de-gris. On allait en campagne chercher du beurre, de quoi améliorer l'ordinaire."
Dans les campagnes les fermiers sont autant victimes du marché noir qu'il en profitent. Pour obtenir des outils, de l'essence ... ils sont bien obligés de céder de la nourriture. En 1942, le commissaire de police de Quimperlé se plaint au préfet du Finistère que les étrangers venus travailler pour la Todt « raflent tout à la campagne. Contre un litre d’essence, une pièce de machine à moteur, 100 grammes de tabac, ils s’approvisionnent copieusement en lard, beurre, œufs, saindoux, farine, févettes. Ils s’appellent Livien Geerts, terrassier, Emilo Blanes, charpentier, Achille Bekaert, manœuvre, Raphael Ledesma Fernandez, peintre, Mohamed Ben Djamaa, ouvrier mécanicien."
Choc économique et choc culturel bousculent la société rurale.

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Re: Epuration sauvage en Bretagne

Nouveau message Post Numéro: 13  Nouveau message de landevenneg  Nouveau message 27 Avr 2022, 11:17

LES DENONCIATIONS
L'assassinat de Jean Harnay est surtout un concours de circonstances. Dans la confusion de l'attaque du maquis, les Résistants qui le gardaient prennent l'initiative de l'exécuter Mais rien ne justifiait l'élimination de membres de sa famille les jours suivants. Quant aux accusations de soi-disantes dénonciations de la part d'Anne-Marie Perron, elles ne reposent sur rien. De façon générale il y a dans les maquis une phobie des dénonciations qui est peut être d'autant plus grande que les Résistants se montraient parfois imprudents dans leurs comportements. Selon des témoignages la bande de "Lucien Conan, Alexis Rannou, Pierre Madigou, Albert Norvea, Germain Cutulic, Ces bons à rien venaient parader à la boulangerie alors que les Allemands
étaient juste en face".

Germain Cutulic, sous-lieutenant responsable du secteur de Lanvenegen et futur instituteur
Alexis Rannou: Je m'interroge; Est ce que le témoin 70 ans après les faits ne confond pa Alexis Rannou, fils du Maire de Querrien avec Henri Rannou. Henri Rannou forme avec Albert Norves , Pierre Madigou et Lucien Conan (Ne serait-ce pas LC, un des tortionnaires de Anne-Marie Perron?) un commando chargé des basses oeuvres. Il est tout à fait vraisemblable que ce groupe ait participé à l'élimination de la famille Harnay.
en juin, juillet 1944 ils exécutent des collaborateurs liés à la Gestapo, tondent des femmes... Ce sont eux et leur chef Yves Redier des Vallons que Pierre Brunerie couvrira après guerre pour le meurtre de Adolphe Fontaine le jour de la libération de Quimperlé. Yves Redier des Vallons, un ancien des corps-francs en contact avec l'ORA depuis 1943. Travaillant en 1942 pour le ravitaillement il se fait remarquer par sa brutalité et sa façon de se servir pour son compte personnel. Il créera plus tard la Ouest Travaux Public, une société qui travaille pour la Todt et lui permet de disposer d'un Ausweis et de bons d'essence à volonté pour circuler il rendra d'importants services pour effectuer des liaisons entre mouvements de Résistance.


Selon les responsables allemands interrogés après-guerre, la dénonciation de l'emplacement du maquis de Kerbozec où se trouvaient les deux SAS n'avait pas été faite par Anna Theoff mais par un nommé Pierre Guillou, un Résistant arrêté auparavant, qui parla et conduisit les Allemands. Version confirmée dans le PV d'interrogatoire de l'homme qui servait de mouchard aux llemands à la prison de Quimperlé.
Pierre Brunerie dont l'une des tâches pendant l'occupation a consisté à identifier les éléments pro allemands dans le Finistère, est renseigné par le commissaire des RG de Quimper, il n'a trouvé de vraiment actif dans la région de Quimperlé que le Parti Franciste, une dizaine de membres tous étrangers au département, et sans grande envergure. (Cela reste à éclaircir car un commissaire des RG de Quimper a été assassiné par les FTP sur information du BCRA, il y avait aussi les policiers de la SPAC) Les agents de l'Abwher, notamment Maurice Zeller, ont ertainement causé davantage de dégâts que les dénonciations venant de la population.
Des affaires de dénonciations il y en a eu à Lanvenegen. Grégoire Kauffman rapporte le cas de Marguerite Nuyaouet. Véritable mégère, elle n'hésite pas à menacer de dénonciation aux Allemands quiconque a maille à partir avec elle. Et elle le fait: Entre autres, elle dénonce son neveu réfractaire au STO qui sera déporté et "probablement son fils qui s'en tirera". Crainte de tous, dans les fermes du pays on lui cède les oeufs et le beurre qu'elle collecte pour les Allemands. Marguerite Nuyaouet ne sera inquiété qu'en 1945.
Avec un Jean Harnay alcoolique, personne ne lui aurait fait la moindre confidence. Quant à Marguerite Nuyaouet, tout le monde s'en méfiait comme de la peste. Ils étaient des menaces
gérables et probablement des sources de renseignement de piètre valeur pour les Allemands. Davantage que les dénonciations par idéologie, celles faites pour des raisons pécuniaires
ou des rancunes anciennes ont certainement été plus dangereuses et sournoises. Une des femmes tondue par le groupe de Lucien Conan, indépendamment des relations qu'elle entretenait avec des Allemands, attribue le sort qui lui a été réservé à un "contentieux privé" plus ancien avec un de ses tortionnaires.

Les motifs avancés pour une exécution, même raconté par des témoins ne sont pas toujours la vraie raison. Nous savons maintenant que les deux femmes tondues puis fusillées à Scaer n'avaient pas dénoncé le parachutage à Kernabat. Arrêtées à Scaer en raison de leurs relations sentimentales avec des Allemands, on leur avait fait "avouer" la dénonciation du parachutage. Il y avait de grosses tensions entre FFI et FTP car ces derniers avaient imprudemment obtenu un parachutage sur le même terrain que les FFI venaient d'utiliser. Une imprudence qui facilita le repérage par les Allemands. Les accusations contre les deux jeunes femmes de Scaer viser à rejeter l'entière responsabilité des morts à Kernabat sur ces deux femmes en particulier, et la population qui n'avait pas pris part à la Résistance, en générale.

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Re: Epuration sauvage en Bretagne

Nouveau message Post Numéro: 14  Nouveau message de RF16  Nouveau message 27 Avr 2022, 12:51

Passionnant ce fil, merci Landevenneg.

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Re: Epuration sauvage en Bretagne

Nouveau message Post Numéro: 15  Nouveau message de Loïc Charpentier  Nouveau message 27 Avr 2022, 15:18

JARDIN DAVID a écrit:
Le "tout cohérent", c'est surtout une unité de lieu (la Bretagne occidentale), une unité de temps (la période de la SGm) et ensuite la poursuite d'une démonstration iconoclaste, provocatrice sur le ton bien que numériquement exacte : la Résistance fut plus dangereuse pour les Bretons qu'envers les Allemands.


Je suis assez en phase avec "l'analyse" de JD.

Je précise, au préalable, que mes mère et grand-mère, qui demeuraient, alors, à Lorient, avaient été contraintes, comme la majorité des habitants, de quitter la ville et se "réfugier" à Riec-sur-Belon (Finistère), à 10 bornes de Quimperlé. De mémoire, c'est l'employeur de ma Môman, une grosse conserverie, qui leur avait déniché leur "pied-à-terre" riecois - ce qui lui avait permis de continuer à bosser - elle était la secrétaire de direction du "patron" - provisoirement délocalisée.

Bref, en ce qui concerne Riec, l'évènement le plus important constaté, avait été, lors du repli des troupes allemandes vers la Poche de Lorient, suite à une attaque des FFI, au cours de laquelle, un des officiers d'une unité allemande avait été grièvement blessé, la prise en otages du maire et d'une partie du Conseil Municipal. Le "Stab" avait bien précisé que cette action ne l'enchantait pas, mais qu'il s'agissait d'une mesure pour faire cesser les attaques des FFI, et qu'il relâcherait lesdits otages, une fois, rallié Lorient. Un, les attaques s'étaient, alors, interrompues comme "par enchantement", deux, les allemands avaient tenu parole, en relâchant, immédiatement, leurs otages, dès qu'ils avaient atteint leurs "lignes" et, ce, tout en ayant été le plus correct possible durant leur "détention provisoire".

Sinon, durant la période juillet-août-septembre 1944, selon le contexte militaire local, le territoire français avait, hélas, été le théatre de nombreuses exactions perpétrées, dans la population civile, sous le couvert de la supposée excuse "de la Résistance" et de "l’Épuration nationale".

Dans bon nombre de cas, çà n'avait été que des meurtres, des assassinats et autres "joyeusetés" (vols, spoliations, viols) perpétrés, sous la fallacieuse excuse de la "Résistance Nationale", par des bandes de "malfaisants", dont leurs propres autorités étaient, elles-mêmes, incapables de se faire obéir. Au passage, on y retrouvait, souvent, des "résistants de la dernière heure", qui avaient, ainsi, trouvé une occasion de faire oublier leurs propres forfaits, durant l'Occupation.

Tout çà est, hélas, des plus tristes, mais çà fait parti des "inévitables bavures" qu'engendrent certaines situations particulières - il suffit de se référer à l'actuel conflit russo-ukrainien, pour le constater -.

Maurice, 12 ans, le crane fracassé contre un arbre
... je peux me tromper, mais je n'y vois pas aucune justification particulière d'action de "Résistance", sauf un acte d'infâmes salopards, incontrôlés et avinés - dans la Bretagne de l'époque, c'est très loin d'être un scoop ! - .

En parallèle, les justifications "bidons" de certains édiles, telles que...

Je connaissais très bien ces deux jeunes filles qui sont arrivées de Paris où elles travaillaient. Il est de notoriété publique que les filles XXX fréquentaient des militaires de l’armée d’occupation et ont été vues à plusieurs reprises en leur compagnie. Elles étaient réputées comme étant de mœurs légères surtout la plus jeune".


... révèlent bien les mentalités étroites, qui régnaient durant l'Occupation et après, car, sans en arriver, pour autant, aux dernières extrémités, le seul long cortège des femmes tondues en place publique, pour avoir, simplement, entretenu des relations avérées ou supposées avec l'Occupant - quatre ans d'Occupation en règle! - n'est pas à notre honneur! Çà me rappelle la célèbre répartie de la toute aussi célébrissime Arletty, devant ses juges, accusée d'avoir eu une liaison amoureuse avec un officier de la Wehrmacht... Mon cœur est français, mais mon cul est international!

Je veux bien que certains auteurs, de nos jours, cherchent à assurer la vente de leurs ouvrages, en évoquant une supposée "épuration sauvage de la Bretagne", mais, fort heureusement, même si ces exactions s'étaient bien déroulées, elles avaient été, essentiellement, locales et, fort heureusement, très circonscrites. Cà fait parti des dérives et excès que génère, malheureusement, tout conflit ouvert, que sa durée ne fait bien souvent qu'exacerber, en permettant à certains de révéler leurs pires penchants.

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Re: Epuration sauvage en Bretagne

Nouveau message Post Numéro: 16  Nouveau message de JARDIN DAVID  Nouveau message 27 Avr 2022, 19:44

Pour répondre à l'impression finale de Loïc, il faudrait sortir des cas particuliers et étudier comparativement plusieurs régions. Il me semble tout de même que la violence FFI-FTP en Bretagne est dans le peloton de tête, avec le Limousin.
JD
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Re: Epuration sauvage en Bretagne

Nouveau message Post Numéro: 17  Nouveau message de landevenneg  Nouveau message 29 Avr 2022, 11:35

Les thèses sur l'épuration en Bretagne montrent qu'elle a prises différentes formes dans le temps mais aussi une inégalité de répartition. L'Ille-et-Vilaine ayant été la moins touchée, c'est surtout les côtes du Nord où l'épuration prend un caractère quasi général et fortement politisé. En suivant l'action d'un groupe de Résistants le livre d G Kauffman montre aussi l'évolution de l'épuration. En juillet 1944 alors que Quimperlé est toujours occupé par les Allemands, Yves Redier organise des opérations commando aussi bien pour s'en prendre à des collaborateurs que pour tondre des femmes. Il n'y a rien de spontané ou improvisé. (Les Allemands en représailles, fait je crois unique, feront tondre 22 femmes qu'ils savent en lien avec la Résistance) Il s'agit moins de s'en prendre aux Allemands qu'intimider les Collaborateurs voire la population en générale. Lorsque la Libération est effective, les tontes sont devenues un moyen de répression comme un autre.
Ce que les thèses et les statistiques ne diront jamais c'est le fond politico-culturel qui se cache derrière les excès comme l'affaire de Lanvenegen. G Kauffman ouvre des pistes intéressantes. Anne-Marie Perrot et la famille Harnay ont moins été suppliciés pour ce dont ils étaient accusés que pour ce qu'ils étaient socialement. Que ce soit un instituteur qui "donne sa caution" à l'opération contre Anne-Marie Perrot n'est pas non plus anodin. On franchit le pas du rejet de la pauvreté à la haine des pauvres, ce groupe spécifique dans la Basse Bretagne qui est jugé par les progressistes comme un frein à l'évolution social car "impossible à rééduquer". La plupart de ceux qui participent aux exactions ne sont pas conscients de ces enjeux, ce qui permettra d'occulter rapidement les faits dans l'inconscient collectif.

Dans son livre Gregoire kauffmann n'a consacré que 4 pages a Anne-Marie Perrot sur 400. Si le livre a intéressé localement, ce n'est certainement pas pour faire 75 ans après des procès pour des faits prescrits et amnistiés mais parce qu'il parlait d'une partie de l'Histoire tenue secrète. Il a suscité beaucoup de réactions, délié des langues. Il a surtout provoqué l'intervention dans la presse de Guy Savin, ancien Maire socialiste de Quimperlé et ancien Résistant.
Peut être se se sentait il visé?
Il serait imprudent de suggérer que telle ou telle personne aurait pu assister ou prendre part à ces faits. Pourtant il est parfaitement concevable que Guy Savin se trouvait à Lanvenegen le 4 août 1944 lorsque des Résistants du groupe auquel il appartenait, le groupe d'Alexis Mefort, suppliciait Anne-Marie Perron. Guy Savin a contesté les recherches de Grégoire Kauffman et les témoignages recueillis par le Résistant G Hotte, affirmant que le massacre de la famille Harnay et l'exécution de Anne-Marie Perron n'étaient pas des exactions puisque "des ordres avaient été donnés pour éliminer les traîtres."
La déclaration a le mérite d'être clair: Pas de foule hystérique, ni de Résistants traumatisés par les exactions allemandes, qui se seraient vengés. On aurait aimé savoir qui a donné l'ordre: Alexis Mefort, Yves Rédier des Vallons qui semble commander directement le groupe Lucien Conan, ou au dessus puisque Jean Cadic, l'adjoint direct de Treflez était présent. C'est Jean Cadic qui tint le "tribunal spécial", et rejeta la grace de Anne-Marie. Jean Cadic était loin d'être une brute: C'est un notable, l'instituteur du village...
Jean Cadic sera élu maire en 1947 et ses administrés donneront plus tard son nom à la rue dans laquelle fut exhibée Anne-Marie avant son exécution. Un homme de caractère puisque après guerre, suite à un différent avec l'évêque, Lanvenegen fut frappée d'un an d'Interdit: Tous les services religieux suspendus, autant dire la mort "sociale" du bourg. Pénitence ensuite commuée en excommunication du Conseil Municipal. Jean Cadic, enfin l'instituteur qui couvait d'attention dans sa classe la petite fille d'Anne-Marie sans lui révéler qu'il était le tortionnaire en chef de sa grand-mère.
On aurait également aimé savoir si les ordres données comprenaient les viols et les tortures. Probablement non. Mais on a laissé faire, on n'a pas réprimé.
75 après les faits Guy Savin était toujours dans le déni des faits. Cela pose clairement la question de la parole des Résistants. La parole, la mémoire, la transmission de la mémoire et le devoir de mémoire, depuis 1945 constituent quasiment le fondement de l'idée moderne des Droits de l'Homme. Que doit on faire de la parole des Résistants? La considérer comme une Vérité qu'il serait "révisionniste" de mettre en doute. De nombreuses personnes ont été accusées, parfois exécutées sans qu'aucune preuve formelle n'ait été apportée. Les
Résistants se sont toujours opposés à ce qu'on reconnaissance leur innocence dans les cas avérés.
Défendre coûte que coûte les Résistants c'est faire un amalgame entre ceux qui ont fait pour le mieux et les autres.
Qui n'éprouverait pas de l'empathie en entendant les témoignages de Joseph Laudren, Edouard Favennec et Jesus Bechennec, les trois Résistants du groupe Mefort qui ont exécuté Jean
Harnais? "Simplement garder Jean Harnay avait été un supplice. L'entendre des heures entières gémir, sangloter, psalmodier en breton, tapait sur les nerfs." On peut d'ailleurs se
poser la question de la valeur des aveux de Jean Harnay et de son état mental. Au moment de l'attaque du maquis, Pris entre le devoir d'obéissance et le risque que Jean Harnay parlent, ils doivent décider seuls du sort de leur prisonnier. Laudren et Favennec refusent de le tuer.

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Re: Epuration sauvage en Bretagne

Nouveau message Post Numéro: 18  Nouveau message de Loïc Charpentier  Nouveau message 29 Avr 2022, 16:22

Bonjour,

Ta précédente intervention a l'avantage de soulever certaines particularités locales, qui existaient, alors, en vrac, les différences sociales, entre, par exemple, les "ruraux" et les "citadins", les "instruits" et les autres, ceux qui étaient uniquement francophones et ceux qui parlaient essentiellement, breton.

NOTA : A ce sujet, à Lorient (Morbihan), dans les années 1900-1950, il existait la "mode de ville", où il était de règle de ne parler qu'en français, et la "mode de campagne", qui, elle, ne concernait que la population rurale, même proche, qui continuait à s'exprimer en breton, et qu'on qualifiait, pour des raisons obscures, de "Minaouets".

C'était, ainsi, que ma grand-mère, née en 1896 et élevée à la "mode de ville", nommait, affectueusement, dans les années 50, par habitude et sans aucune méchanceté ou ségrégation particulière, les bretons ruraux, qui, les jours de marché, venaient y vendre le fruit de leurs cultures agricoles, où, les femmes, souvent veuves ou isolées, en costume traditionnel et en coiffe, constituaient le gros du (petit) commerce de détail de légumes.

Déjà, la ville de Lorient (ex-L'Orient ou An Orient, en breton) est, à l'origine, une création artificielle, mais, passons. Sinon, la Basse-Bretagne en avait pris plein la poire, notamment, durant la Révolution et les quarante premières décennies de l'existence de la III.République.

Les Hussards Noirs de la République, qui constituaient le corps des instituteurs, sortis de l'Ecole Normale, quelque était leur mérite, avaient pour consigne première d'éradiquer les patois et langues régionales, au seul profit de la seule langue française.

A cette époque, entre 1870 et 1914, seuls, les territoires annexés par les Allemands, en l'occurence, l'Alsace et le "département" de la Moselle n'avaient pas subi ce "traitement". Hormis quelques rares vallées vosgiennes, où on baragouinait un dialecte plus ou moins français - JD pourrait en parler! - , la population locale, y compris la bourgeoisie (ne serait-ce que par nécessité) s'exprimait, au quotidien, en dialecte local alémanique - avec, certes, de légères variantes, sans conséquence sérieuse sur la compréhension générale, en fonction des "territoires".

Au final, "l'obligation" de devoir, en public, s'exprimer en langue allemande n'avait été qu'un avatar, vu que, en Allemagne, d'une région à l'autre, sa pratique différait! En gros, hormis les "intellos", au nord de l'Alsace, on parlait l'allemand à la mode "Palatinat", au sud, à la mode "Pays de Bade" et, en Moselle, à la mode "Sarre", ce qui ne posait guère de problème, vu l'existence historiques des dialectes locaux naturellement très proches.

Rien de tel, en Bretagne ou dans certains autres territoires français, comme le Pays Basques, sauf que la première citée, elle, en avait pris plein la tronche, notamment, en raison de la présence historique et traditionnelle de l'Eglise, considérée rétrograde et empêcheuse de tourner en rond, dont la Révolution, malgré tous les moyens engagés, n'avait pas réussi à venir à bout et que la loi de 1905, instituant la "séparation de l'Eglise et de l'Etat", n'avait pas, non plus, pu "éliminer" dans certains territoires, à commencer par la Basse-Bretagne!

Il y avait un autre problème, qu'on a trop souvent tendance à oublier, les "axes" de communication, qu'ils soient ferroviaires et routiers, entre la Basse-Bretagne et le reste du territoire français, sont, très longtemps, restés des plus insuffisants, au-delà de Rennes;

C'est, certes, très caricatural, mais les "BD" de Bécassine, publiées à dater de 1905, là-aussi, sans aucune intention "ségrégationniste", dans le magazine "La semaine de Suzette" résument, hélas, assez bien, le sort réservé à la population bretonne de basse extraction, qui cherchait, en "migrant" à améliorer son quotidien; l'auvergnat devenait "bougnat", vendait du charbon ou gérait une gargote, tandis que le breton ou la bretonne, eux, devenait domestiques - avec le temps, après 1945, ils avaient été remplacés par les espagnols, puis les portugais! -.

Dans l'entre-deux-guerre se seraient constitués, en Bretagne, quelques fiefs communistes plus ou moins avérés, comme, par exemple, à Quimper. C'était, comme par hasard, la grande époque des mouvements scouts "catholiques" et certains des romans y afférant, un domaine d'écriture, alors, très apprécié, qui relataient à l'envie des affrontements ouverts entre scouts "catho" et "formations de jeunesses communistes" - j'en parle en connaissance de cause, ayant lu, dans un lointain passé, un certain nombre de ces "ouvrages" -.

Il est plus que probable que ces "romans" n'avaient aucune réalité sérieuse, mais çà résume, assez bien, la perception générale de la Bretagne, par le reste de la population française... en gros, hors des grandes cités, çà se résumait à une population soit "attardée" et confinée en religion, soit vouée, ponctuellement, à l'idéologie communiste.

Cà pourrait expliquer, mais ce n'est que mon opinion et, ce, pour des raisons historiques locales particulières, la gravité de certaines exactions, menées contre des civils, sous l'égide supposée de l'action "légitime" de la Résistance. Après, vu le le contexte général, aimablement bordélique, de "La Libération", on s'était efforcé de les glisser sous le tapis.

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Re: Epuration sauvage en Bretagne

Nouveau message Post Numéro: 19  Nouveau message de landevenneg  Nouveau message 29 Avr 2022, 18:35

Minaouet surnom des habitants du côté opposé de la rade de Lorient.
Terme que l'on retrouve dans l'expression "Eur fri minoued": Un nez long et pointu, par analogie avec l'outil à calfater. Pour faire bref, selon les érudits le nom vient d'un des quatre récits du Mabinogi, cycle arthurien gallois: Manawydan fils de Llyr, talentueux Calfyd, terme qui donnera le patronyme Calvez, charpentier de marine. Terme gouailleur ou péjoratif selon le temps dont ont été affublés les ouvriers qui venaient de l'autre côté de la rade et qui a été ensuite généralisé aux habitants de Locmiquelic

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Re: Epuration sauvage en Bretagne

Nouveau message Post Numéro: 20  Nouveau message de landevenneg  Nouveau message 29 Avr 2022, 20:21

[quote="Loïc Charpentier"... les différences sociales, entre, par exemple, les "ruraux" et les "citadins", les "instruits" et les autres, ceux qui étaient uniquement francophones et ceux qui parlaient essentiellement, breton."

Les divisions pouvaient être intra-familiales. Celestin Lainé était ulcéré quand jeune il retournait dans sa famille, de constater qu'à avoir été élevé en français il se trouvait coupé des membres de sa famille qui parlaient uniquement le breton. Il ressentait cette injustice autant comme une ségrégation linguistique que sociale. Cela le conduira à l'adolescence à apprendre le breton avec l'abbé Perrot.
Le lumpen prolétariat des campagnes, journaliers, paysans sans terre, fournissait les bataillons d'ouvriers et de bonnes qui s'exilaient à Paris. Les nationalistes bretons faisaient corps avec cette classe qui possédait une reconnaissance en tant que telle dans l'ancienne culture populaire de basse bretagne. (pour comprendre, "Bécassine ce n'est pas ma copine", n'a rien d'anecdotique. c'est un leg des Nationalistes bretons qui perdure. Le sujet reste épidermique et aujourd'hui la gauche bretonne s'en revendique en oubliant d'où vient le rejet de la BD dans les années 30 et pendant l'Occupation. L'inconscient populaire se venge parfois bien ironiquement.)
A l'entrée en guerre le PCF s'est détourné de ces "damnés de la terre". Récupérer ces populations rétives, organisées en paroisse à Paris, priant en breton, est devenu un enjeu politique. D'où l'assassinat de l'abbé Perrot et de certains autres, qui n'aurait pas eu lieu si un instituteur breton n'avait pas dirigé les services spéciaux du PC.

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