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CRECY en PONTHIEU (80) le 3 Septembre 1944

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Re: CRECY en PONTHIEU (80) le 3 Septembre 1944

Nouveau message Post Numéro: 21  Nouveau message de Margont  Nouveau message 19 Fév 2017, 13:59

Peut-être une occasion à saisir pour "recadrer" une future journaliste sur l'éthique de son métier ?
Bon courage si tu t'y risques, et merci pour ton témoignage ! ::victoire::
« L’ennemi se déguise parfois en géranium mais on ne peut s’y tromper,
car tandis que le géranium est à nos fenêtres, l’ennemi est à nos portes.
»
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Re: CRECY en PONTHIEU (80) le 3 Septembre 1944

Nouveau message Post Numéro: 22  Nouveau message de LUIGI80460  Nouveau message 20 Fév 2017, 13:52

bravo pour votre travail de recherche...
vous êtes vraiment au top....!!!!
une page d'histoire émouvante et terrible...pour ne pas oublier....et pour le devoir de mémoire

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Re: CRECY en PONTHIEU (80) le 3 Septembre 1944

Nouveau message Post Numéro: 23  Nouveau message de schmol80  Nouveau message 26 Sep 2019, 07:05

Bonjour,

Je suis heureux de vous faire savoir que ce post a fait son chemin. Pour preuve :

Désormais les discours prononcés lors de la dernière commémoration en étaient directement inspirés.

L'UNPRG (Union Nationale du Personnel en Retraite de la Gendarmerie) de la Somme qui est présente chaque année cite et colle le lien internet de ce post dans son compte-rendu !

Voici quelques photos de cette cérémonie du 3 Septembre 2019 :

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Voici également l'initiative appréciée du Commandant du Groupement de Gendarmerie Départementale de la Somme qui m'associe désormais à cette cérémonie :

" Le colonel Mathieu FRUSTIÉ vous remercie vivement pour votre présence à l'occasion de la cérémonie du 03 septembre dernier à Crécy-en-Ponthieu.

Conformément à ses instructions, nous avons communiqué vos coordonnées au lieutenant Rodrigue DURIEUX (commandant la communauté de brigades de RUE) afin que vous soyez intégré dans les prochaines cérémonies pour relater l'histoire de votre grand-père, le maréchal des logis-chef Émilien BERLE.

Dans l'idéal et de façon symbolique, le colonel souhaiterait que vous preniez la parole devant le monument aux Morts de la commune.

L'organisation pure étant gérée par la municipalité et la gendarmerie de Rue, ceux-ci reviendront vers vous à l'occasion de la planification de l'hommage 2020.


Emmanuel
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Elle était maquillée...

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Re: CRECY en PONTHIEU (80) le 3 Septembre 1944

Nouveau message Post Numéro: 24  Nouveau message de Dog Red  Nouveau message 26 Sep 2019, 11:45

schmol80 a écrit:Voici également l'initiative appréciée du Commandant du Groupement de Gendarmerie Départementale de la Somme qui m'associe désormais à cette cérémonie : ...


Belle reconnaissance de ton travail de mémoire !
Bravo Emmanuel !

La cérémonie 2020 prendra ainsi une dimension tout à fait particulière, orientée vers le témoignage.

::applause2::
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Re: CRECY en PONTHIEU (80) le 3 Septembre 1944

Nouveau message Post Numéro: 25  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 26 Sep 2019, 12:36

::super:: ::super:: ::super:: ::super:: Manu.
Beau travail de mémoire!!!!!
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Re: CRECY en PONTHIEU (80) le 3 Septembre 1944

Nouveau message Post Numéro: 26  Nouveau message de JARDIN DAVID  Nouveau message 26 Sep 2019, 13:21

À noter que la Gendarmerie fait vraiment un bon travail de mémoire un peu partout en France.
Et bravo aux chercheurs qui ont contribué à cette enquête.
JD
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Re: CRECY en PONTHIEU (80) le 3 Septembre 1944

Nouveau message Post Numéro: 27  Nouveau message de schmol80  Nouveau message 05 Sep 2020, 13:40

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Comme je l'ai annoncé l'année dernière, je fus convié à participer pour la première fois à la commémoration de cette année.

Etaient présents le député Emmanuel MAQUET, le N°2 de la Gendarmerie de Picardie le Colonel BAUMET (le Général FRUSTIE qui m'avait sollicité pour cette intervention ne pouvait être présent) le Commandant de la Compagnie d'Abbeville et quelques autres officiers régionaux et le Général en retraite JULLIEN, présent tous les ans, ainsi que l'indéboulonnable Roland BLONDEL, Président de l'UNPGR.

Cette intervention fut remarquée et appréciée par tous. Je suis très heureux et fier de l'avoir fait pour la famille et la mémoire de nos disparus !
Reste à voir la réaction de la presse ! Parce que chez nous, on est pas gâté de ce côté !

Voici l'intégralité de mon intervention :

Je me présente : Emmanuel BERLE, un des 6 petits-enfants d’Emilien BERLE.
Je remercie le Général FRUSTIE pour son initiative de me permettre de m’exprimer sur cette tragédie. Egalement je remercie le Lieutenant DURIEUX et Mr le Maire Gérard LHEUREUX pour l’organisation de cette cérémonie à laquelle je suis associé pour la première fois.


J’ai réalisé personnellement une enquête pour reconstituer le plus précisément possible l’enchaînement de faits, d’évènements et de comportements qui conduisirent à la mort de ces 6 hommes dont la commune commémore la mémoire chaque année.
Il en résulta l’élaboration d’un scénario qui reconstitue la chronologie des évènements en reliant les faits indiscutables et les zones d’ombre encore existantes.
On le trouve sur le net en tapant : CRECY le 3 Septembre 1944. Je vous invite à le consulter Je ne reviendrai pas sur le déroulement en détail de cette tragédie comme il est coutume de le faire à chaque commémoration avec parfois quelques erreurs et imprécisions.
J’aimerai pour la première fois innover et tout d’abord aborder le contexte historique dans lequel s’est déroulée cette tragédie quand le vent de la grande Histoire avec un grand H vient souffler sur la petite histoire des vies de chacun en traversant un village comme ce fut le cas à CRECY en PONTHIEU ce Dimanche 3 Septembre 1944.
Ensuite j’apporterai le témoignage émouvant de mon oncle, Michel BERLE, qui a vécu ces événements à l’âge de 16 ans. Michel qui a voué une admiration sans failles toute sa vie à son père l’a rejoint il ya tout juste 10 ans, le 2 Septembre 2010, à l’âge de 82 ans.
La bataille de Normandie s’est donc terminée le 20 Aout 1944 par l’encerclement, dans la poche de Falaise, des restes de la 7ème Armée et de la 5ème Panzer Armée allemandes.
Malgré tout, des milliers d’hommes de différentes unités qui composaient ces Armées, parviendront à s’en extraire avant sa fermeture et entameront une remontée périlleuse et parfois sanglante vers la Belgique.
La 15ème Armée allemande, quant à elle, était en charge dans le dispositif du mur de l’Atlantique de la défense du trait de côte allant de la frontière belge au Havre.
Plusieurs de ses Divisions furent malgré tout envoyées dans le chaudron normand au fil des semaines après le débarquement quand Hitler fut convaincu qu’il n’y en aurait pas de deuxième !
En effet, nous savons aujourd’hui que l’opération alliée FORTITUDE avait eu pour but de convaincre les allemands que le débarquement aurait lieu dans le Pas de Calais plutôt qu’en Normandie.
Cà a tellement bien marché qu’Hitler crut un temps que le Débarquement du 6 juin n’était qu’un leurre et qu’un autre aurait bien lieu dans le Pas de Calais.
C’est pour cela, qu’il retarda le déplacement de certaines Divisions de cette 15ème Armée vers la Normandie ce qui permit aux alliés de fixer une tête de pont durable…
Donc, à partir du 21 Aout, les Allemands sont contraints de se replier vers la Belgique sous la poursuite et la pression des Armées Alliées en essayant de préserver au mieux les éléments de leurs unités d’élite évadés de la poche de Falaise.
Pour ce faire, ils sacrifieront de nombreuses unités moins importantes à leurs yeux (encore stationnées dans le Nord de la France) afin qu’elles freinent au mieux de leurs possibilités la poussée alliée dominante, gonflée par le débarquement incessant de troupes depuis le 6 Juin.
A CRECY en PONTHIEU et dans la Région, des habitants virent donc à partir de fin Juin et durant Juillet le mouvement de plusieurs divisions stationnées localement partir en direction de la Normandie. Notamment la 85ème ID qui séjourna en forêt quelques jours.
De même pour la 6ème Division de parachutistes pour les abbevillois.
Puis ce fut à partir du Mardi 30 Aout au Lundi 4 Septembre que l’Ouest de notre Département fut traversé par ce vent de Libération qui généra quelques scènes tragiques comme ici le Dimanche 3 Septembre.
C’est le 2ème Corps d’Armée Canadien de la 1ère Armée Canadienne qui est le plus à l’Ouest du dispositif allié lors de cette opération de Poursuite qui reçoit la mission de libérer toute la côte picarde et l’Ouest du Département de la Somme.
Ce 2ème Corps canadien était composé de 4 Divisions (2 d’infanterie et 2 blindées).
La 1ère Division blindée polonaise qui libéra CRECY le 4 Septembre 1944 était l’une de ces 2 Divisions blindées.
Ces 4 Divisions avaient déjà livré de durs combats durant la bataille de Normandie notamment autour de CAEN.
Dans notre secteur, seulement 2 Divisions allemandes du 67 AK allemand (la 226 et la 245 ID) vont s’opposer aux alliés sur la traversée de l’Ouest de notre département au Sud de Crécy.
Ces 2 Divisions n’avaient pas été envoyé dans la bataille de Normandie parce que jugées trop faibles et sous-équipées.
La 226 ID opposera peu de résistance de par son inexpérience. Elle n’avait été formée que depuis Juin 1944. Des centaines d’hommes de cette Division seront faits prisonniers rapidement durant la traversée de notre Département et le reste finira enfermé dans la place forte de Dunkerque jusqu’à la fin de la guerre. Elle semble être majoritairement passée à l’Ouest de CRECY.
C’est donc la 245 ID, seule, qui opposera le plus de résistance à la poussée alliée sur la région du Vimeu et du Ponthieu.
Cette Division était sous le commandement du général Erwin SANDER.
Au sein de la 15ème Armée Allemande, elle a été positionnée sur le trait de côte de Fécamp à Dieppe et ce depuis la fin de l’été 1943.
Elle y a assuré jusqu’au débarquement le renforcement des installations de défense du Mur de l’Atlantique et la direction et la surveillance des travaux ordonnés par Rommel.
Elle a été formée au printemps 1943 à partir de convalescents et de survivants de la 323 ID détruite sur le front russe et compléter par des réservistes.
Fin Aout 1944, elle reçoit l’ordre de décrocher de la région dieppoise pour remonter vers la Belgique et devra s’opposer aux pointes alliés à chaque passage de rivières ou fleuves. Elle détruit les infrastructures du port de Dieppe avant de partir.
Cette Division n’était pas mécanisée, elle va donc entreprendre cette remontée avec des charrettes et des chevaux réquisitionnés dans les fermes du pays de Caux ainsi que de nombreux employés de ces fermes.
Du 30 Aout au 3 Septembre, elle va traverser de nuit nos campagnes et opposer le plus de résistance aux pointes alliées lors des traversées de la Bresle, de la Somme, de la Canche et de l’Authie.
C’est elle qui va défendre Abbeville principalement face aux Polonais alors que le QG de l’EM du général SANDER s’installe du 31 Aout au 2 Septembre à CRECY dans un pré à proximité du restaurant de la Maye.
La traversée de la Somme va lui causer des pertes et de nombreux prisonniers également mais elle parviendra à rejoindre la Belgique où elle sera reconstituée et renforcée.
Elle participera ensuite à la bataille d’ARNHEM en Hollande au cours de l’opération MARKET GARDEN du 17 au 25 Septembre, illustré par le film de Richard ATTENBOROUGH (Un pont trop loin) puis on la retrouvera dans la bataille des Ardennes fin Décembre 1944.
Par contre, son parcours depuis son départ de Dieppe fut jalonné par plusieurs représailles sur la population.
Le 30 Aout, 5 hommes sont exécutés sur le territoire de la commune de BREUILLY, à l’Est de DIEPPE
Le 31 Aout, 2 hommes sont exécutés sur le territoire de la commune de PONTS et MARAIS à l’Est de la ville d’EU
Le 1er Septembre, un homme est exécuté à la sortie Est de FRIVILLE ESCARBOTIN
Le 3 Septembre au petit matin, un homme est exécuté à FOREST-MONTIERS
Le 3 Septembre en fin de matinée, 6 hommes sont exécutés à CRECY en PONTHIEU
Le 4 Septembre en fin de matinée, 16 hommes dont une femme et un ado de 16 ans sont exécutés sur le territoire de la commune de HESMOND dans le Pas de Calais à 20km au Nord de CRECY.
Le point commun entre toutes ces exécutions : le passage de troupes de la 245 ID.
La raison de ces exécutions : des coups de feu en direction de soldats allemands pour BREUILLY et PONTS et MARAIS. Des coups de feu et l’arrestation de soldats allemands pour CRECY. Un crime gratuit à FRIVILLE ESCARBOTIN. Une opposition à un pillage pour FOREST MONTIERS. Et des représailles massives après la découverte d’un officier allemand assassiné à HESMOND.
La troupe qui a traversé CRECY le 3 Septembre faisait partie de l’arrière-garde de la 245 ID.
Elle était en contact permanent avec les pointes alliées depuis 3 jours (d’abord canadiennes dans le Vimeu, puis polonaises depuis Abbeville).
Voilà pour le contexte historique…
Maintenant à l’échelle locale et humaine, le témoignage de mon oncle Michel BERLE qui a vécu ces instants terribles comme tout le monde le sait ici puisqu’il fut témoin de la mort de ces 6 hommes dont son propre père !
On a retrouvé dans ses papiers lorsqu’il nous quitta le 2 Septembre 2010, quelques feuilles de papier où il avait essayé de rassembler ses souvenirs car marqué à vie par ces instants, il n’en parla pratiquement jamais.
Voici son récit :
Samedi 2 Septembre 1944
Ce jour là, il faisait un temps superbe. Dans la matinée, Gilbert GAFFET & Eugène PETIT étaient venus voir Papa. Mon père leur a conseillé d’aller se réfugier chez un cultivateur à ESTREES les CRECY.
J’ai appris, par ma mère, après le drame que Papa faisait partie d’un réseau de résistance important ainsi que Gilbert GAFFET & Eugène PETIT. Ce réseau était dirigé par l’abbé Jean PAPILLON de VALLOIRES. C’est pourquoi, désormais, je comprenais les visites de l’abbé à moto à la maison. Celui-ci enlevait sa combinaison dans la cuisine avant de s’enfermer avec Papa dans la salle.
Nous avions aux alentours de CRECY des rampes de lancement de V1. Il n’y avait que mon père et ses hommes qui étaient autorisés à approcher les zones de ces rampes.
Lors des visites de l’abbé, mon père lui faisait des plans de localisations.
Ils échangeaient certainement sur d’autres choses ou faits, mais je n’en ai pas eu connaissance.
Je comprenais, également, le pourquoi du souterrain creusé qui démarrait de la cave, passait sous la route et sortait dans la pâture d’en face ! Mon père avait voulu qu’on puisse être à l’abri lors des bombardements.
Je me souviens, aussi, que Maman m’avait dit, bien après cette tragédie, qu’elle s’était bien rendu compte que mon père faisait partie de quelque chose d’important suite aux visites de l’abbé Jean PAPILLON ! Elle m’a dit qu’elle lui en avait parlé, lui faisant comprendre qu’elle se doutait bien de quelque chose ! Qu’elle craignait pour nous, moi et mon frère, et qu’il fallait bien réfléchir à ce qu’il faisait et à quoi il s’engageait !
Alors, Papa lui avait répondu qu’il avait bien pensé à tout cela mais que pour lui, il ne lui était pas possible de rester sans rien faire, qu’il fallait qu’il fasse, lui aussi, quelque chose pour aider son pays à sortir de cet enfer !
C’était son devoir et son honneur d’homme pour ces enfants.
Je me suis un peu égaré mais je voulais que cela soit dit !
Dans l’après-midi, Papa faisait les cent pas sur le trottoir de la gendarmerie et Maman était à sa machine à coudre, la fenêtre ouverte en train de coudre les drapeaux alliés, américains et anglais.
Mon père la taquinait en lui répétant que ses drapeaux ne seraient jamais prêts à temps ! Que les alliés seraient arrivés avant que ses drapeaux soient accrochés à la porte de la gendarmerie.
Malheureusement, ces drapeaux allaient être installés au dessus des corps des fusillés dans la chapelle ardente de l’hospice…
Chaque souvenir m’éloigne toujours de la suite du déroulement de ce Samedi. Il faut comprendre que tout me revient au fur et à mesure que j’écris…
Je me rappelle aussi du Samedi soir. Maman, tous les samedis, nous faisait notre bain dans un grand baquet.
Ce soir-là, le docteur BALANDRA nous avait rendu visite. Cela arrivait souvent et Maman étendait une couverture au travers de la cuisine.
Papa et le docteur discutaient de l’autre côté des événements qui se passaient. Je me souviens bien que tous les deux étaient surexcités de l’arrivée des alliés et souvent ils parlaient à voix basse.
Dimanche 3 Septembre 1944
Le fils du chef de gare et deux voisins sont venus pour demander à mon père d’emprisonner des allemands qui avaient passés la nuit dans un hangar de la râperie.
Papa n’était pas d’accord. Il ne pouvait s’absenter parce qu’il attendait un coup de téléphone important, peut-être de l’abbé Jean PAPILLON !
La discussion s’est envenimée un moment et puis cela s’est arrangé et ils sont allés chercher les allemands.
En arrivant, ils apprirent qu’un des allemands avait pu s’échapper durant la nuit ! Il est presque certain que celui-ci a averti une colonne qui battait en retraite d’ABBEVILLE au travers de la forêt. C’est pour cela, qu’arrivés à CRECY, ils étaient l’arme à la main de chaque de côté de la rue en longeant les maisons !
Les allemands étaient déjà en train d’installer une mitrailleuse en face de la Poste au moment où les gendarmes arrivaient devant la gendarmerie avec les prisonniers.
Papa s’organisa pour se défendre dans le grenier et nous envoya femmes et enfants dans la cave. J’étais encore dans l’escalier qui descend à la cave lorsque j’entendis quelqu’un qui sortait tout courant dans la cour ! Je remonte et regarde aux carreaux : c’était Raymond DELANNOY qui se sauvait par les jardins ! Je n’ai pas vu Albert BEDU.
Au bout d’un certain temps, à cours de munitions, mon père et ses deux hommes qui restaient, Raymond PATRY et Edouard MARTINACHE, nous rejoignent à la cave.
Je leur demande : où est BEDU ? Ils ne le savaient pas et ne l’avaient pas vu ! Soudain Edouard MARTINACHE s’exclame : « Chef, Mme BEDU elle n’est pas là, elle est partie comme tous les dimanches chercher son lait à la ferme DAILLY et elle n’a pas pu revenir ! Donc la grand-mère impotente et le bébé sont restés là-haut dans l’appartement ! ».
Aussitôt Edouard MARTINACHE remonta les chercher et redescendit pour les mettre à l’abri avec nous.
Heureusement, parce que quand les allemands sont entrés dans la cour en donnant l’assaut, ils ont mitraillé toutes les fenêtres des appartements. Maman qui est retournée à la caserne le lendemain m’a dit que le berceau de la fillette et le fauteuil de la grand-mère étaient percés de balles…
Pas de récit de MICHEL sur la reddition et la sortie de la cave, ni sur les moments de panique et de violence qui s’ensuivirent. Je pense qu’une feuille de son récit s’est perdue ! La suite de son récit reprend au lieu des exécutions.
Mon père s’est révolté lorsqu’il m’aperçut. Il leur a dit qu’ils n’avaient pas le droit de tuer des innocents en me montrant moi et grand-père SAVREUX. C’est à ce moment là qu’ils l’ont tué à bout portant !
J’ai vu Edouard MARTINACHE, alors, partir tout courant dans la fosse et s’arrêter sur le tir d’une arme. Ils l’ont ramené à coups de pied, il titubait et avait certainement été touché ! Et ils le tuèrent aussi.
Pèpère SAVREUX leur tendait sa blague de tabac et son porte-monnaie pour qu’il le laisse tranquille. Ils l’ont abattu aussi…
Soudain, un voile devant mes yeux, puis plus rien du tout !
Je n’ai rien vu pour Raymond PATRY, ni pour Gilbert GAFFET, ni pour Eugène PETIT ! Je ne peux pas l’expliquer ! Cela a duré peut-être une demi-heure ou trois quart d’heure… Je ne sais pas.
Lorsque ma mémoire repris, j’étais toujours debout, je me sentais vidé, tout était calme autour de moi. J’ai passé mes mains sur ma figure. Je cherchais à comprendre ce que je faisais là ! Et tout à coup, j’ai tourné la tête vers la gauche et j’ai aperçu les corps dans tous les sens ! Je revis alors ce qui était arrivé à mon père, à Edouard MARTINACHE, à grand-père SAVREUX. J’ai fait quelques pas très difficilement. Mon corps avait du mal à fonctionner.
Je me suis arrêté car j’ai aperçu d’autres corps. Alors là, j’ai compris que malgré ma présence, je n’avais rien vu, ni entendu d’une partie de ce qui s’était passé !
Maintenant tout me revenait sur ce qui s’était déroulé avant d’être là. Alors, un élan très fort me poussa à retourner vers ma mère et mon frère. Mais à cet instant, je fus pris d’étourdissements et de violentes douleurs au ventre !
Ensuite, j’ai pris la route, mais je marchais difficilement et j’avais très mal à la tête. J’étais complètement étourdi, comme saoul, et je marchais en titubant.
Sur le chemin, je croise Mme BELPAUME de la Croix Rouge qui me dit : Mon pauvre
Michel en me prenant dans ses bras. Et là, je me mis à pleurer car je n’avais pas encore versé une seule larme. Je n’arrêtais plus et n’arrivais plus à parler.
Elle me demanda des détails et avec bien du mal je lui dis qu’ils étaient tous morts. Elle me soutenait quelque peu en marchant et à cent mètres de la caserne, j’aperçus Maman qui courait vers moi.
Quand elle me prit dans ses bras, j’étais en sanglots et j’avais très mal à la gorge et à la tête.
Ma poitrine était comprimée, j’étais étouffé…
Ma mère me répéta plusieurs fois : où est ton père ? Où sont les autres ? Michel, je t’en prie : dis-moi ! Est-ce qu’ils les ont tués ?
Il m’était impossible de lui dire. Je n’y arrivais pas… Je lui ai dis alors : non Maman, ils les ont emmenés avec eux.
Michel avait 16 ans … L’âge qu’avait Roger SURMONT tué 24h plus tard à HESMOND à 20km d’ici également avec son père et son autre frère de 20 ans…
Michel, au fil du temps et avec la maturité de l’âge, fut convaincu que son père lui a sauvé la vie… Et j’en suis convaincu également...
Mon grand-père, Emilien BERLE a fait face à ses bourreaux jusqu’à la dernière seconde en les invectivant jusqu’au bout pour tenter de sauver la vie de son fils et des hommes qui l’accompagnaient en s’offrant comme seul responsable !
Il est mort sans savoir qu’il réussit à sauver celle de son fils…
Merci de votre attention…
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