Le 13e Régiment de Dragons
Par Alain Chazette
Historique succinct
Le 13e Régiment de Dragons est issu d’une lignée prestigieuse, puisqu’il prend ses origines le 4 octobre 1676 avec la création du Régiment de Dragons de gentilshommes. Le 10 mai 1774 il est transformé en Dragons de Monsieur, pour aboutir le 1er janvier 17991 à la création proprement dite du 13e Régiment de Dragons. Le 12 mai, le régiment se transforme en Régiment des Dragons de Condé, puis il est reconstitué de nouveau le 1er mai 1815 en 13e Dragons. En 1856, son nom est encore changé pour prendre le titre de Dragons de la Garde Impériale, puis le 1er janvier 1857, il devient Dragons de l’Impératrice. Ce n’est que le 4 février 1871, qu’il redeviendra 13e Régiment de Dragons. A la veille de la première guerre mondiale, le régiment, qui est stationné à Melun (Colonel de Latour), intègre la 1ère Brigade de Dragons subordonnée à la 7e Division de Cavalerie. Il participe aux combats de Longuyon, de Lille, de l’Yser, d’Artois, de Champagne, de Verdun, de la Somme, du Chemin des Dames, de Château-Thierry et de Saint-Mihiel.
Le régiment, toujours stationné à Melun, est doté en 1936 de chars Somua et Hotchkiss, puis est rattaché à la 3e Brigade Légère Mécanique, elle même dépendante de la 2e Division Légère Mécanique. A la veille de la seconde guerre mondiale, le régiment qui stationne dans la région de Saint-Quentin, va être engagé en Belgique dans les combats de Méhaigne, Maubeuge et sur l’Yser. Regroupé dans Dunkerque, il est évacué le 31 mai par bateaux et revient en France le 2 juin pour être réorganisé à Evreux. Après divers engagements dans l’Eue, il se replie à Tours sur la Loire et est dissous le 11 juillet 1940 dans l’Indre.
Le 1er Escadron du 13e Régiment de Dragons sera cité à l’ordre de l’Armée (n° 44 du 5 août 1940) pour ses faits d’armes entre le 12 mai et le 11 juin 1940.
Reconstitution et engagements du 13e Régiment de Dragons
Le 13e Régiment de Dragons est reconstitué à Orléans le 15 octobre 1944 grâce à l’apport de chars Somua et de B1-bis abandonnés par les Allemands et provenant de l’usine Somua, des ateliers de Rueil, de l’entrepôt de Gien ou du front de Normandie. Tous ces chars sont alors remis en état et rééquipés d’émetteur-récepteur type E.R.51 afin d’assurer les transmissions. Un premier escadron est alors formé avec 16 chars Somua et un deuxième suivra avec 17 chars B1-bis avec canon de 75 frontal. Après une brève période d’instruction, le 1er escadron de Somua quitte Orléans pour Cognac, et est mis à la disposition des F.F.O. Il rejoint le front de La Rochelle et stationne à Lonlay le 2 janvier 1945.
L’unité va subir son premier engagement le 1er mars 1945 à Saint-Jean-de-Liversay. Face au 114e R.I stationnant dans le sous-secteur n°2 soit la région de Vérines (Colonel Prous), la II.Abteilung (Major Scholtz) du Marine Regiment Zapp déclenche une attaque en direction de Saint-Jean-de-Liversay. Le front est enfoncé et les unités françaises sont culbutées (la 2e Cie est encerclée et anéantie). Le village de Saint-Jean-de-Liversay est occupé par les troupes d’assaut allemandes et les français doivent se regrouper. Le 3e Bataillon du 4e Zouaves, le 3e Escadron de Spahis et le 1er Escadron du 13e Dragons sont dépêchés sur place afin de bloquer l’avance allemande. Les Zouaves et le 2e Peloton du 13e Dragons reprennent, après une haute lutte, le village de Grand Beauregard, tandis que les deux autres pelotons attaquent sur Luché et Sourdon. Le premier engagement des Somua est un succès.
Sur le front de Royan
Face aux troupes allemandes retranchées à Royan, la Division Gironde attend des renforts en blindés, soit l’apport (en plus de la Division Leclerc), de deux Escadrons du 13e Régiment de Dragons et de quatre Escadrons du 1er Régiment de Spahis Marocains.
Le 2e Escadron du 13e R.D débarque en gare de Jonzac le 2 avril avec ses dix-sept chars B1-bis, en provenance d'Orléans, et s'installe à Cravans. De son coté le 1er Escadron du 13e R.D, stationné à Mauzé, est transféré à Saint-Genis-de-Saintonge le 3 avril avec ses seize Somua S-35, avant de rejoindre Saint-André-de-Lidon.
Organisation du régiment (Tableau)
13e Régiment de Dragons
Commandant : Chef d'Escadrons Georges Lesage
Groupe de mortiers régimentaire : Lieutenant Edmond Lebrun
Détachement sanitaire : Médecin Capitaine Louis Couturat
Groupe de dépannage (véhicules semi-chenillés dont « Le Sauveur »)
1er escadron (soit 16 chars Somua S-35) : Capitaine Christian d'Aboville sur char de commandement S-35 « Bandar »
1er peloton : Lieutenant ?
2e peloton : Lieutenant Bertoleaud
3e peloton : Aspirant Ollier
Trois pelotons de cinq S-35 chacun :
- Athos, Aramis, D’Artagnan, Portos, Myladie (les trois Mousquetaires)
- Atlas, Bacchus, Belzebuth, Titan, Vulcain (dieux grecs)
- Bagheera, Baloo, Mowgli, Kaa, Shere-Khan (le livre de la jungle)
2e escadron (soit 17 chars B1-bis) : Capitaine Edmond Voillaume
1er peloton : Lieutenant Philippe Naud
2e peloton : Lieutenant Orval, puis Lieutenant Breton
3e peloton : Aspirant Escoffier
Trois pelotons de cinq chars B1-Bis chacun, auxquels s’ajoutent un char de commandement et un char de réserve.
Leurs noms de baptêmes sont des grandes batailles (exemples : Arcole (n°19), Abbeville), des personnages célèbres (exemples : Bayard, Dugueclin (n°03), ou des noms de régions françaises (exemples : Lorraine (02), Vercors (22), Bretagne). Chaque blindé dispose aussi sur sa tourelle d’un numéro d’affectation.
Le 14 avril, le 1er Escadron du 13e Dragons, intégré au Groupement Sud, est engagé en appui des unités du Sous-Groupement Frugier. Il participe à l’attaque des avants-postes allemands dans le secteur de Semussac, bois de la Chasse et Château de Didonne et combat ensuite dans le secteur de Musson et Toussaugé en prenant à revers la ligne des avants-postes allemands en liaison avec le Sous-Groupement Faulconnier. Le bataillon I/50e R.I débouche à 6h35 en direction de Semussac qui est rapidement atteint avec l'appui des Somua des Pelotons Bertoleaud et Ollier.
Le 15, le Sous-Groupement Faulconnier doit prendre les villages de Boube et du Peu avec les bataillons de marche B.M.2 et B.M.5 appuyés par une partie des B1-bis du 2/13e R.D du Capitaine Voillaume, qui stationnent dans la région du Chay depuis la veille. Malgré la résistance allemande les objectifs sont atteints. Le B.M.2 toujours appuyé par un peloton de B1-Bis poursuit son action vers Didonne. A l'entrée de la localité le Lieutenant Philippe Naud, commandant le peloton de B1-bis de soutien, est tué par une rafale d'arme automatique. Chaque nid de résistance est pris à partie par les B1-bis et lors de cet affrontement le char “Bayard” reçoit un obus de 8,8 cm Pak, qui le met en flammes. Une partie de l'équipage parvient néanmoins à se sauver. Néanmoins les tirs ennemis tuent et blessent plusieurs hommes et Le Lieutenant Orval, qui commande le peloton de B1-bis, est mortellement blessé par un piège. Après la prise de St-Georges-de-Didonne par le bataillon de Bigorre et les B.M.2 – B.M.5, les B1-Bis sont mis en réserve aux Moulins de Didonne. De leur coté, les Somua du 1/13e R.D sont restés en réserve toute la journée près des Brandes dans le secteur du Groupement Sud.
Le 16, les Somua du 1/13e R.D du Capitaine d'Aboville, reçoivent l'ordre à 16h30 de se mettre à la disposition du III/4e Zouaves. Une heure plus tard, ils arrivent en renfort. Deux pelotons de Somua sont engagés pour la prise du PC allemands du bois de la Métairie (Stp 31). Un des deux peloton tire alors sur les blockhaus ennemis. La résistance, sérieuse dans un premier temps, faiblit rapidement face aux tirs des blindés. La position est finalement occupée à 18h30. Les blockhaus sont nettoyés et dix-huit officiers, dont le Korvettenkapitän (MA) Franz Seim (chef d'état-major de Michahelles), et cent vingt hommes sont capturés. L'attaque se poursuit à 19h30 en direction de la mer et les deux pelotons de Somua atteignent la côte à 20 heures au nord-est de la conche de Pontaillac, en rencontrant quelques résistances dans le secteur du Golf Hôtel et les deux pelotons tirent sur des maisons occupées par l'ennemi, le troisième peloton se portant sur la gauche d'où il tire sur le fort du Chay, qui résiste toujours malgré les attaques. A 21h45, les chars ne pouvant plus agir dans le noir, le 1/13e R.D rejoint le Casino pour la nuit. De leur côté les B1-bis nettoient, conjointement avec le B.M.2, les dernières poches de résistance dans le quartier du parc de Royan. Les B1-bis coopèrent aussi efficacement avec ce même bataillon pour anéantir les positions allemandes de la pointe de Vallières. Les armes automatiques en position à la pointe sont aussi neutralisées avec les chars et quinze prisonniers sont capturés après une résistance acharnée.
Le 17 avril, l'escadron de Somua du 13e R.D devant rejoindre le front du Médoc, est retiré du sous-groupement dans la matinée, et est remplacé par l'escadron de B1-bis qui rejoint la gare. Ce même jour, un fort appui blindé fourni par les B1-bis de deux pelotons du 2/13e Dragons du Capitaine Voillaume, arrivent à 10h45 pour prendre part à l’attaque du PC Amiral de Pontaillac. Le Peloton Breton à gauche attaquera l'objectif de flanc face à l'ouest, et le Peloton Escoffier à droite l'attaquera de face. L'opération débute à 11h15, provoquant immédiatement une réaction ennemie sérieuse et efficace. Rencontrant des obstacles antichar et des mines, les B1-bis avancent avec précaution suivis ou précédés par l'infanterie. Un mortier et plusieurs nids de mitrailleuses sont détruits au canon. L'étreinte se resserre autour du PC du Konteradmiral Michahelles. Progressivement investi par les tirailleurs du III/4e Zouaves, la position faiblie. A 12h45 un fanion blanc apparaît et un premier parlementaire se présente au Lieutenant Breton commandant le 2e Peloton de chars, et les premiers soldats et sous-officiers allemands commencent à évacuer le premier abri. Peu de temps après, un second parlementaire se présente au Capitaine Voillaume pour annoncer la reddition du Konteradmiral Michahelles. Ce dernier sort alors de son PC avec ses officiers d'état-major.
Ici prend fin l’action du 13e Régiment de Dragons dans la poche de Royan.
Le 22 avril, le Général De Gaulle passera en revue les troupes ayant participées aux combat dont le 2e escadron du 13e Dragons seul disponible pour la parade, étant donné que le 1er escadron est en phase de transfert vers Marennes Oléron en vue de participer à l’Opération « Jupiter » (attaque de l’île d’Oléron).
Sur le front de la pointe de Grave
Le 18 avril, les renforts en provenance du front de Royan sont enfin arrivés dans le Médoc après un long périple ferroviaire depuis Bordeaux. Le 1/13e Dragons, du Capitaine d’Aboville, monté sur S-35, est regroupé à Grayan sur l’ancien aérodrome. Ils vont êtres très rapidement engagés sur le front pour appuyer l’infanterie.
A l’ouest, le R.M.M.E et le commando Atlantique du Capitaine Olivaud Adan progressent, au nord de l’Amélie en direction de Soulac, à la suite de cinq chars Somua du 1/13e Dragons qui ouvrent la marche. Lors de cette avancée, le S-35 “Shere Khan” saute sur une mine et est immobilisé. Devant le Wn 313, dirigé par le Stabsfeldwebel Werner, les Français sont arrêtés par les tirs de mitrailleuses. Pendant près d’une heure, le point d’appui se défendra avec l’énergie du désespoir, avant d’être submergé par l’action conjointe du Bataillon Marocain, du Commando Atlantique et des quatre chars Somua. Après la prise de Soulac l’escadron est rassemblé pour la nuit au stade Dartial.
Le 19, le 131e R.I du Lieutenant-Colonel Durand est immobilisé face aux batteries des Arros et des Huttes fermant l’isthme, et de ce fait le seul accès routier permettant de rejoindre la pointe de Grave.
A 11h00, quelques chars Somua du 1/13e Dragons sont dépêchés vers les Huttes pour appuyer l'action des 13e et 14e Cies, afin de permettre de prendre d'assaut la batterie des Huttes (5./M.A.A.618) placée sous le commandement de l'Oberleutnant MA Helmut-Horst Molle. Néanmoins les chars Somua n'ont pu repérer les deux pièces de 8,8 cm encore utilisables (les deux autres ont été endommagées par les bombardements) et de se fait appuyer efficacement l'attaque de l'infanterie. Dans l'après-midi, une seconde attaque permet de faire sauter le verrou des Huttes. La batterie, après des combats acharnés, tombe enfin aux mains des 13e et 14e Cies appuyées par des chars Somua, laissant la voie libre vers la pointe. L'Oberleutnant MA Helmut-Horst Molle trouvera la mort dans ces combats. Mais la batterie des Arros tient toujours et il faut à tout prix la conquérir. Pour en finir, on décide vers 19h00 d'une action simultanée de tous côtés. Au sud, le Bataillon Marocain (II/R.M.M.E), progressant côté plage, tente avec difficultés de se frayer un passage à travers les champs de mines. Au centre, le Bataillon Mixte Etranger (II./R.M.M.E) et le Bataillon Gernica (I/R.M.M.E), suivant l'axe parallèle à la voie ferrée, progressent à couvert des dunes et des pins vers les Arros. Au sud-est, la 11e Cie du Sous-Lieutenant Hurel, appuyée par un peloton de chars Somua, se lance vers la position, mais arrivés près de la voie ferrée, les chars sont arrêtés par le remblai de la voie, qui forme, face à la batterie, un obstacle naturel (l’un deux sautera sur une mine). Néanmoins la compagnie fixe les tirs des défenseurs allemands, installés au sommet de la dune, avec leurs mitrailleuses qui fauchent tout ce qui bouge. Cette action permet néanmoins au bataillon Gernica de monter à l'assaut de la position en enlevant les tranchées de la crête établies au sud. Pendant ce temps à l'est, les 13e et 14e compagnies renforcés par le groupe franc du Capitaine Hulot, abordent la batterie en traversant la voie ferrée faisant face aux cantonnements d'intendance du Stp 307. Pris sous les mitrailleuses allemandes, la lutte devient acharnée et il faut l'intervention d'une second peloton de chars Somua pour calmer l'ardeur des défenseurs. A 20h30 les derniers défenseurs se rendent aux troupes françaises.
Le 20, la dernière position allemande du Verrier Saint-Nicolas (Wn 305) résiste toujours et encore, alors que les troupes de la pointe se sont déjà rendues avec en tête l’Oberst Prahl commandant de la poche.
Ne pouvant réduire le Wn 305 au silence par les bombardements aériens, les chars Somua du 1/13e Dragon et les TD M10 du 1er R.S.M (Spahis) sont mis à contribution, et effectuent des tirs en direction de la position, mais cela n’a aucun effet sur les ouvrages bétonnés. Il faut attendre des pourparlers et surtout un acte de reddition signé par l’Oberst Prahl pour que les derniers défenseurs se constituent prisonniers. Ici prend fin l’action du 1/13e Dragons.
Pertes du 13e Régiment de Dragon pendant la campagne : deux chars Somua du 1/13e Dragons perdus sur seize engagés soit le "Shere Khan" (sauté sur mine le 18 avril route de l’Amelie) et Somua ? (sauté sur mine le 19 avrilau nord de Soulac), et un char B1-bis du 2/13e Dragons perdus sur dix sept engagés : "Bayard” (détruit par Pak le 15 avril près de Saint-Georges de Didonne).
Après les combats de Royan et de la pointe de Grave, une partie du 1/13e Dragon rejoint Marennes Oléron afin de participer à la prise de l’île. Toutefois sur les cinq chars Somua du peloton prévu pour le débarquement, et faute de bateaux, seulement deux blindés traverseront effectivement le pertuis et participeront à la libération de l’île. De son coté, l’escadron de B1-bis envoyé sur le front de La Rochelle, n’est engagé que dans des actions secondaires à Aigefeuille et Thaire. Le 13e Régiment de Dragons n’investira la ville que le 8 mai 1945 et participera à une grande parade pour le plaisir des rochelets.
Le 17 mai, les chars embarquent à St-Jean d’Angelis sur un convoie ferroviaire et prennent la direction de leurs nouveaux cantonnements basés à Saint-Ay près d’Orléans.
A la fin de la guerre, le régiment, attribué à la 3e D.B, fait parti des forces d’occupation dans le Palatinat et en avril 1946, le 13e Régiment de Dragons est dissout à Witllich.
En 1952, il reverra le jour sous le nom de 13e Régiment de Dragons Parachutistes.
AC