Post Numéro: 3
de Nicolas Bernard
14 Jan 2008, 10:41
J'ai apporté quelques précisions supplémentaires sur la genèse du procès
dans ce message.
En substance :
1) Staline cherche à imposer un procès pour glorifier le rôle joué par l'U.R.S.S. dans le second conflit mondial, imputer aux Allemands la responsabilité de la guerre, leur attribuer la paternité du massacre de Katyn, et légitimer le tout par un procès public, de même que les grands et petits procès soviétiques des années trente avaient pour but, d'une part d'expliquer les échecs économiques et sociaux du régime par l'existence d'un grand complot infiltré au parti communiste, d'autre part de renforcer la popularité de Staline auprès des masses.
2) Le gouvernement britannique, de son côté, semble très réticent au concept même d'un procès. D'une part en effet, Churchill redoute que les pressions soviétiques en ce sens n'aboutissent à une comparution publique de Rudolf Hess en temps de guerre, ce qui aboutirait à révéler quelques secrets gênants sur l'existence d'une ancienne faction pacifiste au sein des hautes sphères anglaises en 1940-1941 - sans oublier le fait qu'une audience publique pourrait accoucher du même résultat catastrophique que les fameux et fumeux "procès de Leipzig" de 1921, et contribuer paradoxalement à réhabiliter le national-socialisme. D'autre part, le
Foreign Office et autres administrations londoniennes refusent de poursuivre les criminels de guerre. Tout au plus convient-on que les plus haut gradés d'entre eux devront être passés par les armes, mais cette solution est subordonnée à un accord passé avec les Américains et les Soviétiques.
3) Le 3 mai 1945, Churchill se rallie enfin à l'idée du procès, à la suite des pressions du Président Truman, et peut-être parce qu'il vient d'apprendre que les deux plus redoutables orateurs nazis (Hitler et Goebbels) sont décédés - motif qui ne me convainc qu'à moitié (pour ne pas dire moins), car rien ne prouvait à cette date que ces deux dangereux personnages étaient effectivement réduits à l'état de cadavres. Bref, le rôle joué par la Maison-Blanche a été déterminant, pour ne pas dire exclusif, dans ce revirement éclair du Premier britannique.
4) Il demeure que la mauvaise volonté de l'administration britannique dans son ensemble aboutira à ce qu'aucun mécanisme de poursuite des criminels ne soit prêt à agir, au printemps 1945. D'où, tout d'abord, un certain nombre de bavures résultant de l'inexpérience des militaires britanniques (plusieurs chefs
S.S. sont retrouvés suicidés chez les Britanniques en mai 1945 : Himmler, Prützmann, Glücks). D'où, ensuite, des retards dans certains procès (pour le personnel de Bergen Belsen par exemple). D'où, enfin et surtout, le fait que de nombreux nazis échapperont aux poursuites en zone britannique (ex. : Lammerding, Schellenberg), ou feront l'objet de mesures de clémence (Von Manstein).
« Choisir la victime, préparer soigneusement le coup, assouvir une vengeance implacable, puis aller dormir… Il n'y a rien de plus doux au monde » (Staline).