Bonjour, l'oiseau qui figure sur les insignes de la RAF est-il un Albatros ou un aigle?
La littérature en langue française sur la RAF, ne nous aide pas beaucoup, suivant l'article, c'est un albatros, dans un autre, un aigle voir aussi un charognard!
Chaz Bowyer, auteur britannique, et ancien de la RAF, indiquait dans son livre écrit en 1983: RAF Handbook 1939-1945, qu'aprés avoir consulté les archives de l'Amirauté et du War Office, il s'agissait sans ambiguité d'un aigle.
La contreverse à ce sujet n'est pas réservé qu'aux collectionneurs, pour preuve cet article paru dans la revue de l'armée canadienne: La Feuille d'Erable du 17 mai 2006 vol.9 n°19. (à noter que ARC signifie Aviation Royale Canadienne)
Albatros ou aigle? C’est bien un aigle
par le Lcol avn F.H. Hitchins
Il était un temps, vous diront les anciens, où le simple fait d’aborder au mess la question de l’oiseau figurant sur les boutons et insignes de l’Aviation royale du Canada lançait immanquablement un débat qui durait jusque tard dans la nuit.
Cette controverse autrefois vive entourant la véritable identité de l’oiseau s’est pratiquement éteinte, et (il est à souhaiter que) les recrues sont bel et bien informées qu’il s’agit d’un aigle. Cependant, si vous osez en parler à un ancien combattant qui porte les galons de la Première Guerre mondiale, vous courez le risque de relancer le débat. S’il a fait partie de l’ancien Service royal de l’aéronavale et c’est le cas de trois chefs d’état-major de la Force aérienne sur quatre, vous allez voir une lueur dans ses yeux et il va tenter de vous convaincre. À la troisième tournée, vous allez finir par acquiescer poliment qu’il ne s’agit pas d’un aigle du tout, mais – comme n’importe quel cruche peut le voir – d’un albatros.
En réalité, le débat a été réglé (officiellement) bien avant qu’il ne commence, et pour ceux qui l’ont subi ou qui auront un jour à le subir, voici les faits.
Tout a commencé durant l’été 1914 quand le Conseil de l’Amirauté a pris l’initiative, au mépris d’ordonnances du Cabinet publiées deux ans auparavant, de rebaptiser l’aile navale du Royal Flying Corps sous le vocable de Royal Naval Air Service (RNAS) et de publier des règlements applicables à l’organisation, aux appellations de grades et à l’uniforme du Service. Dans ces règlements du 23 juin 1914, il est énoncé clairement que les officiers du RNAS porteront sur la manche de gauche un aigle placé immédiatement au-dessus du galon. On a aussi remplacé l’ancre sur les boutons, les insignes de coiffure et les autres insignes par un aigle. Suivant la tradition, les Lords commissaires de l’Amirauté ont adopté le dessin de l’aigle (ailes déployées et tête inclinée vers la droite) inspiré d’une épinglette que l’épouse d’un officier de la Marine avait achetée à Paris. Ainsi, dès sa conception, l’oiseau était un aigle.
Cependant, comme bon nombre de personnes vous le diront, les règlements sont imprimés et pas forcément respectés. Il est possible que le déclenchement de la guerre quelques semaines par la suite ait fait passer sous silence les détails des règlements – ou encore qu’on ait décidé de les lire à la mode de Nelson, la lunette d’approche fixée sur l’oeil aveugle. Ou les pilotes de la Marine ont peut-être décidé que l’aigle, un oiseau de terre, n’avait pas sa place au service naval. Quoi qu’il en soit, les membres du RNAS n’ont pas tardé à décrier comme digne de haute trahison toute suggestion voulant que leur oiseau soit autre chose qu’un albatros de mer. Le débat a couvé pendant des années encore, surtout dans les mess, quoique de temps à autre quelqu’un prenne la peine de s’asseoir et de rédiger une note de service sur le sujet.
Au déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, la controverse a refait surface. On disait à des milliers de recrues de l’époque que l’oiseau qu’elles portaient à l’épaule et à leurs boutons de cuivre comprenait un albatros. À des milliers d’autres, on a affirmé que c’était un aigle. D’autres se sont contentés de dire qu’il s’agissait d’un oiseau tout simplement, et un officier irrévérencieux a même osé suggérer qu’on avait affaire à un canard engrossé. Bien entendu, personne ne s’est donné la peine de consulter les règlements.
La controverse aurait dû être réglée une fois pour toutes en janvier 1943. Depuis 1924, l’ARC utilisait comme insigne « officiel » l’insigne de la RAF, modifié par l’ajout d’une banderole portant l’expression « Royal Canadian Air Force ». Dix-huit ans par la suite, on a découvert, un peu sur le tard, que cet insigne de l’ARC n’avait jamais été approuvé ni sanctionné officiellement. Le héraut de Chester, qui avait été nommé inspecteur des insignes de l’ARC, a donc conçu un dessin en bonne et due forme, une amélioration de la version de 1924, et en janvier 1943, cet insigne général de l’ARC a été approuvé par Sa Majesté le roi. La description que le héraut de Chester (1) fait alors de l’insigne précise que l’oiseau illustré est « un aigle volant affronté, la tête inclinée à sénestre (2) ». Bref, il s’agissait encore et toujours d’un aigle – même si l’albatros est aussi un très bel oiseau. Cela n’a pas empêché les murmures de mécontentement de se faire entendre jusqu’à la fin de la guerre.
Aujourd’hui, il y a dans l’ARC si peu d’anciens membres du RNAS qu’ils peuvent difficilement faire plus que marmonner entre leurs dents. Cela dit, si jamais le sujet revient sur le tapis et qu’un ancien combattant se trouve dans les parages, gare à vous. Ce pourrait être un ancien du RNAS, et si c’est le cas, il insistera pour vous faire croire que c’est bel et bien un albatros.
Le Lcol avn Hitchins est historien de la Force aérienne
(1)- Un héraut ou héraut d'armes est un officier de l'office d'armes, chargé de faire certaines publications solennelles ou de porter des messages importants
(2)- Senestre, ou sénestre, est un terme en vieux français (du latin sinister) signifiant gauche, par opposition à dextre. Si le mot est aujourd'hui littéraire et rare, il est néanmoins toujours utilisé en héraldique
Le lien vers cet article: http://www.forces.gc.ca/site/Commun/ml- ... sp?id=2605
Amicalement jph