Dog Red a écrit:
En béotien je vais enfoncer une porte ouverte mais pour utiliser un télémètre, il faut voir la cible…
...donc batterie antinavire ou antiaérienne, non ?
C'est donc du côté de la DCA de la BEF qu'il faut chercher ?
Et j'hasarderais même une batterie lourde contre les cibles à moyenne et haute altitude…
La DCA de campagne contre les attaques à moyenne et basse altitude tire à vue avec des canons à tir rapide.
La télémétrie optique ne fonctionne qu'en tir direct, avec vision de la cible ou de l'objectif, à la limite ou au-dessus de l'horizon.
Pour un télémétreur debout, d'une taille de 1,70 m, sur un terrain plat, la limite d'horizon visible est de l'ordre de 4700 m, sans prendre en compte les conditions météo, les obstacles qui peuvent exister ( bosquet, forêt, bâtiment, dépression de terrain, etc.). En mer, par exemple, à bord d'un cuirassé, où le poste principal de télémétrie était, généralement, installé une trentaine de mètres au-dessus de l'eau, la limite de l'horizon visible était, alors, de l'ordre de 18 000 m.
Il existe une formule pour estimer la distance de l'horizon visible au-prorata de "l'altitude" de l'observateur, qui est, également, valable, en terrain vallonné ou en présence d'élévations de terrain importantes - par contre, on risque d'avoir un problème, car il faut, aussi, tenir compte de l'éloignement entre le poste d'observation télémétrique et la (ou les) batterie(s), pour lui annoncer le relèvement de la cible
-.
Les télémètres de grandes dimensions (envergure de 3m, 4 m, 6 m), utilisés dans les batteries de DCA lourdes, étaient, généralement, associés à une "batterie" de théodolites et les différents relevés d'altitude et de distance, centralisés et "triturés" par un calculateur de tir central - il existait le même type de calculateur à bord des cuirassés et croiseurs - puis convertis en signaux électriques transmis par câbles (télé-affichage) sur les récepteurs associés à chaque pièce - en général, regroupée par batterie de 4 pièces - les pointeurs étant sensés régler leur pointage, selon les données transmises.
Il existait, aussi, plusieurs tailles de petits télémètres - 0,90, 1,20 m - portables, avec support d'épaule ou pouvant être installés sur pied, qui étaient utilisés, par exemple, dans l'artillerie ou avec les pièces de DCA légères & moyennes. En général, chaque télémètre de ce type était associé à une pièce et le télémétreur annonçait vocalement les coordonnée, soit en gueulant comme un putois, à cause du bruit environnant
, soit via un laryngophone et des écouteurs. Le problème, avec ces télémètres, est le même qu'avec une paire de jumelles, à petite distance et en présence d'une cible au déplacement rapide, par exemple, un appareil volant à 350 km/h, à basse altitude, car il devient très compliqué de le garder, dans les oculaires, suivant l'angle d'observation et sa trajectoire.
A noter que le télémètre avait très rarement été utilisé dans l'artillerie antichar, car, compte-tenu des distances pratique de tir direct qui ne dépassaient guère 1500-2000 m, face à une cible se déplaçant à vitesse modérée ( +/- 45-50 km/h), les viseurs installés sur les canons de chars et les pièces antichars étaient amplement suffisants, même si les russes souffriront, tout au long du conflit, de la mauvaise qualité générale de leurs optiques ; situation qui avait sauvé les fesses à bien des Panzerounets, en 1941 & 1942, avant la mise en service, en 1942, par les allemands, du canon de 7,5 cm de 43 calibres, à bord du Panzer IV et du StuG, ou du 46 calibres (7,5 cm Pak 40), les performances des viseurs optiques des canons de 76,2 mm soviétiques, qui équipaient les T-34 & KV-1, n'excédant pas 800 m, dans le meilleur des cas! Fin 1944, il avait été prévu d'équiper la tourelle du
Panther Ausf. F d'un télémètre à coïncidence de 1,32 m d'envergure, mais il n'avait pas, encore, été réceptionné, quand Daimler-Benz, avait débuté l'assemblage des premiers (et derniers!) exemplaires, en avril 1945.
Les télémètres de petites envergures et les modèles de grandes envergures, tels que les Barr & Stroud britanniques, étaient, généralement, du modèle dit "
à coïncidence", dont l'emploi était simple, du moment que l'opérateur avait une bonne vue "générale". Les modèles dépassant 1,20 m, chez les allemands, et les grands télémètres adoptés, dans la décennie 1930, par la Marine Nationale française, étaient, eux, du type "
stéréoscopique", qui, lui, exigeait des opérateurs entrainés, dotés d'une vision "stéréoscopique", dont les deux yeux avaient strictement les mêmes "performances", mais qui ne courent pas les rues (!), le cerveau générant, alors, naturellement, la coïncidence des deux images ; le télémètre stéréoscopique, associé à cette acuité visuelle particulière, avantage l'estimation de la profondeur, paramètre que les télémètres à coïncidence ont tendance à "écraser", à moyenne et longue distance. De surcroit, les télémètres stéréoscopiques sont, nettement, plus performants en présence de fumée, de brume ou par faible visibilité.
La firme allemande d'optique, Zeiß, avait conçu le télémètre stéréoscopique, durant la décennie 1900-1910, pour ne pas avoir à payer de droits de fabrication au britannique Barr & Stroud, qui, lui, détenait, depuis la fin du XIXème, la licence de son modèle à coïncidence.
A la fin de la Première Guerre Mondiale, la Royal Navy, qui se posait de légitimes questions sur la raison d'être de la redoutable efficacité de l'artillerie navale allemande (Bataille du Jutland et autres engagements), à longue distance, s'était empressé de mettre la main sur des télémètres allemands, afin de les tester. Le rapport d'essais établi par ses services n'avait pas constaté de différence notable entre les appareils Barr & Stroud et Zeiß, mais il y a une raison toute bête qui l'explique, car les britanniques n'avaient pas jugé nécessaire, pour effectuer ces essais, de sélectionner, au préalable, des télémétreurs doués de l'indispensable vision stéréoscopique!