Post Numéro: 4 de le laonnois 30 Nov 2019, 19:25
La compagnie est passée à la 8e demi-brigade (lieutenant-colonel Simonin).
Le 19 mai, la compagnie est réservée. Position de départ, bois au nord de la Cité des Cheminots. Ellel se déplace une première fois, puis doit se porter pour attaquer les lisières sud de Crécy sur Serre, afin de permettre l'entrée dans ce village d'une compagnie de R 35. Arrivée sur place, la compagnie voit les R 35 qui se replient. Elle part à l'attaque mais n'est pas suivie. Les D2 vont chercher les R 35 et les lancent dans Crécy, mais les R 35 ne peuvent passer les ponts à l'intérieur du pays qui sont minés et battus de part et d'autre par des canons antichars. Les D2 se précipitent dans le barrage. Un D2 passe 2 barrages, l'Alma du lieutenant Boudard, mais saute sur le troisième où il est pris à partie par des armes antichars et un Pz III. Le char du lieutenant Goddalis saute sur le deuxième barrage, le char du capitaine reçoit trois obus, derrière d'autres D2 tirent à la mitrailleuse et permettent aux équipages des deux premiers chars d'évacuer leurs engins en flammes et de retourner dans les lignes amies
Parmi eux, le lieutenant Boudard a reçu un coup au front, le sous-lieutenant Goddalis est blessé de deux éclats dans les épaules, le chasseur Martineau a le pied cassé.
Le passage est impossible, le pont a sauté.
La compagnie se met en bataille derrière la ligne de chemin de fer, elle y reste jusqu'à sept heures du soir en attendant l'infanterie qui n'arrivera pas.
Voici le réçit de l'assaut de la 345éme compagnie du 19éme BCC:
"Les R35 débouchent sur la place pendant que mes D2 bis les protègent en mitraillant les couverts de la gare. Cela se passe trés bien cette attaque. Trop beau pour être vrai! L'enfer se déchaine d'un coup, se rue sur nous, flambe par toutes les portes, toutes les fenêtres, tous les soupiraux. Crécy est une redoute antichars, une énorme embuscade où d'innombrables tubes de tous les calibres nous assaisonnent à pleine cadence. Sous l'effroyable canonnade, les R35 ont perdu pied et se replient en catastrophe. Plusieurs flambent déjà. Il ne s'agit plus de nettoyer le village mais d'engager un duel au canon à bout portant. Ce n'est pas leur travail, mais le notre. "En avant Accélérez!". Et la Cie bien groupée, se précipite sur le village. "l'Alma" est en tête. Il éparpille un premier barrage, en écrase un second, s'élance sur le pont qui franchit la Serre, saute avec le pont, miné. Des étages, des greniers les antichars allemands tirent à une cadence exaspérée, et pour parachever le tout, les Pz III camouflés derrière les maisons, lancent leurs 40 tonnes et leurs 75 de tourelle à l'assaut. Le ventre ouvert, couché sur le coté droit, "l'Alma" déguste des obus qui le percent, "l'Orléans" qui le suivait à quelque métres, perd ses chenilles sur une autre mine et, immobilisé, se fait traverser par plusieurs antichars. L'un d'eux tiré d'un premier étage, perce le persiennage et blesse le lieutenant. Mon "Rocroi" , en troisième position, stoppe à vingt mètre du pont. Je balaie la place avec ma mitrailleuse de tourelle et j'alterne au 47, obus de rupture et explosifs. j'y vois mal. L'ennemi est bien camouflé, et ce sont les maisons de gauche qui tirent lorsque je poivre celle de droite. Je déguste terriblement, plus de cinquante obus en quelque minutes. Un choc formidable. Ma tourelle dérive, frappée à la base. La boîte de pointage latéral est bloquée. La tourelle n'obéit plus. Je m'acharne furieusement sur elle, frappe la boite et au moment où je vais désespérer la débloquer, la tourelle joue, je tire bing! Un gros calibre s'écrase en oblique sur le haut de ma tourelle, qui rougit et se fend. Un autre enlève le pot d'échappement. Dans le vacarme ahurissant, j'entends mon radio 51 qui m'appelle : "Mon capitaine, y'a le feu dans le bazar. Prends l'extincteur! Il le décroche et arrose la chambre des machines entre mes jambes pendant que je continue à arroser, au canon, la place de Crécy. "Alors ce feu?" "Terminé mon capitaine ouf" ! ça pleut toujours mais non serré. Nous avons quand même fichu pas mal d'antichars en l'air. Tout prés de moi, un allemand décapité par un de mes 47 est resté crispé sur sa piéce, et pendant que la Cie continue à arroser la place de Crécy de toute ces armes, je fais un rapide bilan.
J'ai deux chars en feu, et leurs équipages qui ne sont pas sortis, deux chefs de section d'un coup! Et ailleurs comment cela s'est-il passé? et l'infanterie qui n'arrive pas! je fais replier ma Cie derrière le passage à niveaux. Nous tiraillons sur tous ce qui bouge. L'infanterie n'arrivera pas. Par la fente de tourelleau j'inspecte lentement le terrain, encore une attaque ratée et qui coûte chère a la compagnie. Cinq char détruits en trois jours. Deux équipages disparus, sept manquants déjà...
Qu'est-ce que c'est que ce rampant? Le mécano de "l'Orléans". Je sors par la porte de tourelle, me laisse glisser derriére mon char, appelle le pilote. Que s'est-il passé? Le chasseur Brébat, tout pâle, cherche sa respiration. Il peut enfin me répondre et me montrant du doigt un petit bois à 300 métres à droite, en bordure de la voie ferrée, articule : Ils sont tous là. Mon lieutenant est blessé et le pilote de "l'Alma" a une patte cassé. Les autres n'ont rien. Le coeur bondissant, je dégaine mon pistolet, conduis moi, vite. Je n'aurais jamais cru pouvoir ramper si vite. Le bois, le chef de section de la 2(2éme section) Goddalis, est là couché dans les herbes humide et marécageuses, un éclat dans l'épaule, un autre dans le dos. Il souffre terriblement, pendant que Boudard(chef de la 1) et moi lui taillons sa veste de cuir au couteau pour le soigner, ses yeux chavirent. Il est blême et luisant de sueur, mais il n'a pas pas une plainte.
Après un pansement sommaire, je luis passe ma chemise puis toujours rampant et le plus doucement possible nous regagnons la Cie en portant les blessés. Ce n'est qu’après leur évacuation que j'ai commencé à me demander comment ils avaient bien pu sortir de leurs chars en feu sous une grêle balles et d'obus et regagner nos lignes. Mais ils ne le savaient pas eux-même...19 heures, la Cie tire toujours lorsque je reçois l'ordre de repli..."