Post Numéro: 9 de François Delpla 18 Oct 2011, 13:18
Chère Nelly,
vous nous apportez un filon très intéressant.
La lettre à Reynaud, éditée par Plon en 1981 dans le tome 2 de sa correspondance, p. 476, pose un problème, puisqu'il est indiqué que de Gaulle a porté sur son exemplaire la mention : "Je ne sais plus si cette lettre a été envoyée" (de ce point de vue, les historiens, moi le premier, ont été trompés par Lacouture, qui cite cette lettre intégralement -et donc nous dispense de nous reporter au recueil- comme une lettre envoyée, sans parler de cette mention). Donc, jusqu'à plus ample informé, nous pouvons penser que ce texte reflète son état d'esprit du 3 juin, mais ne dit rien de ses activités ni de ses déplacements.
Comme le note Daniel à partir de mon livre, nous sommes, semble-t-il, dans un moment flou de l'emploi du temps du Général, au moment où il s'apprête à quitter sa division et sollicite de Reynaud et de Weygand un autre poste, civil ou militaire. En fait, entre l'entrevue avec Weygand du 1er juin et son arrivée à Paris le matin du 6, ses biographes ne nous disent ni ce qu'il fait, ni où il est. Simplement une lettre à sa femme, le 5, semble indiquer qu'il est avec sa division. Il y a donc parfaitement place pour une escapade en avion le 3.
Robert Belot a dit dans un exposé en 2009 que la lettre du 3 était écrite depuis Londres : il faudrait savoir d'où il tire l'info... et pourquoi cette lettre ne laisse rien paraître d'une telle expatriation. On attendrait au moins une phrase du genre "Je peux vous assurer que les Anglais sont solides...". Peut-être Belot se trompe et croit que la lettre est écrite au moment du premier voyage jusqu'ici connu de DG vers Londres, le 9 juin.
Vos éléments invitent au contraire à dater la lettre du matin : elle serait écrite avant ce long voyage.
Nous voilà donc réduits à votre document et à lui seul : de Gaulle fait un voyage de 5h 25, avec deux atterrissages. Cela a effectivement un petit goût d'Angleterre (il décollerait du Bourget ou de Villacoublay, atterrirait à Londres et reviendrait rendre compte à Reynaud)... mais peut aussi vouloir dire bien d'autres choses. Une mission en France ? donnée par Mandel, ministre de l'Intérieur ? par Weygand avec qui il ne serait pas encore tout à fait fâché ?
Dans mon dernier livre (sur Mers el-Kébir) je fais état d'une mission secrète donnée par Reynaud au patron de presse Jean Prouvost, qui revient le 5. Il s'agissait de convaincre Beaverbrook puis Churchill que l'Angleterre devait demander l'armistice en même temps que la France. Pas très cohérent avec un envoi de De Gaulle en même temps ou juste avant.