Bonjour mon cher Dperreault,
Je serai ravi de répondre à tes questions, notamment sur les français qui tirent sur d'autres français, mais je n'en détiens malheureusement pas la réponse, quelques travaux en font mention mais à ma connaissance aucun ouvrage n'a encore traité exclusivement de l'aspect psychologique/traumatique du combattant étayé de témoignages sur le thème du soldat qui tire sur un autre soldat de la même patrie.
On trouve des exemples par-ci par-là, comme en Syrie où "la Légion refuse de tirer sur la Légion".
Mais pour étudier en ce moment l'attitude de l'armée de Vichy, je m'aperçois que le raisonnement est le suivant dans beaucoup de témoignages : c'est navrant, mais les "gaullistes" sont considérés comme traîtres à la patrie. Dès Mers-el-Kébir, où des alliés jusqu'ici tirent sur des Français, tout ce qui est assimilé aux anglais est mauvais, l'anglophobie rejaillit et les Britanniques rejoingnent le banc des ennemis ancestraux aux cotés des Allemands et cela va se retrouver dans toutes les campagnes par la suite.
Toi qui connait bien désormais le général Le Couteulx de Caumont
, et bien pour avoir réussi à mettre une "petite gifle" aux anglais en les retardant en Syrie, il reçoit un mot d'un ami le félicitant... L'Anglais de l'entente cordiale redevient réellement la perfide Albion.
Cela dit, l'attitude qu'adopte l'EMA dans son ensemble diverge sous Vichy. Jusqu'à l'invasion de la zone libre, dans la troupe, dans les bureaux, en général, schématiquement les gaullistes sont des traîtres déserteurs, les italiens les lâches qui ont déclaré la guerre sans coup férir alors que les relations, notamment sur le plan de la coopération du renseignement, étaient plutôt bonnes jusqu'à la fin des années 30, les allemands ne perdent rien pour attendre, car l'on prépare la revanche contre eux et les anglais c'est le coup de couteau dans le dos, sentiment encore plus fort dans la marine qui l'a payée de son sang.
Cette attitude est mitigée à ma connaissance dans l'unique 2e bureau, dans les services de renseignements et de contre-espionnage (car bien qu'interdit, ce service perdure sous la pacifique appellation d'une société de Travaux Ruraux à Marseille).
Par définition, les espions sont en effet un peu plus machiavélique dans leur conception de la guerre et dans l'ouvrage de Simon Kitson intitulé
Vichy ou la Chasse aux espions nazis, il est clairement montré pour faire simple qu'un agent gaulliste arrêté sera traité avec rigueur, un agent anglais peut-être un peu moins, dans l'optique d'un échange d'information qui dans certains cas c'est concrétisé, un agent italien ou allemand sera détenu dans le plus grand secret de peur qu'il ne soit découvert. Il existe même une villa d'interrogation pour traiter les espions...
En vérité il semble que du point de vue de l'armée et encore plus du point de vue du 2e bureau, la volonté de neutralité s'affirme et le traitement des espions étrangers est en théorie le même... Voilà pourquoi je m'interesse beaucoup au comportement de
l'armée de Vichy, qui, quand il est étudié profondément, et notamment jusqu'à la mort du général Huntziger, diverge de
l'aspect politique du régime de Vichy.
J'espère t'avoir éclairci... N'hésite pas à aller faire un tour sur le nouveau forum sur le régime de Vichy, j'y ai mis des ouvrages en Bibliographie dont celui de Simon Kitson et celui de Robert O. Paxton sur
l'Armée de Vichy qui constitue une référence en la matière. Tu y trouveras également les débats en cours où ces thèmes sont traités ou abordés.
A bientôt, Amicalement,