Post Numéro: 270 de Beogles 30 Juin 2017, 15:42
J'avais préparé un tableau, mais je n'ai pu le télécharger. Voici donc, en moins soigné, mes conclusions sur les mouvements entre le 15 et le 18 mai 1940 et mes questions.
Merci
NOUS SOMMES ICI APRES LA DEBACLE DE BULSON., LE 15 MAI 1940
Voici 3 km de fait, c’est plus calme maintenant. Nous nous retrouvons à 8 avec le Lt C. et tranquillement dans la nuit qui s’avance nous dirigeons vers Chémery.
ILS FUIENT SE DIRIGENT VERS CHEMERY. ILS Y ARRIVENT AU SOIR DU 15 MAI 1940
Il est nuit lorsque nous y arrivons. Couraud nous laisse un moment pour aller trouver le général et prendre des ordres. Cet officier supérieur est tout heureux de trouver quelqu’un qui vient de la bagarre. Il ne sait pas lui-même au juste ce qui se passe.
NUIT DU 15 AU 16 MAI DE CHEMERY ILS PARTENT POUR OCHES (15KM) PENDANT LA NUIT. ILS SONT PRESQUE ARRIVES. ON VIENT LES CHERCHER ET ON LES RAMENE A BULSON.
A Chémery, un monde fou, des armées qui montent, d’autres qui partent. C’est effrayant. 1 h d’arrêt et nous repartons harassés pour Oches1, encore quelque 15 km à parcourir2. Nous sommes harassés. Mais il faut partir. Tout de suite, nous prenons la route de Vouziers. Ce sera tout au long une longue suite de tanks, de véhicules hippo. C’est un embouteillage invraisemblable dans lequel nous nous infiltrons risquant à chaque seconde de nous faire prendre par un roue ou une chenille, ou de recevoir un coup de pied. Quel cauchemar. De temps à autres nous nous reposons un peu et puis, en route3.
MATIN DU 16 MAI 1940 RETOUR A BULSON
DONC, ils vont d'abord de Chemery vers Oches à pied, puis remontent vers le nord, à Bulson.
Vers 5 h du matin4 une voiture vient enfin nous chercher… Nous arrivions5.
Rien de prêt à Bulson si ce n’est un tonneau de vin à notre disposition. J’en bois 2 quarts d’un trait. Je mange un peu quelques biscuits et cherche un endroit pour dormir.
Cela ne va pas durer. L’aviation va commencer à nouveau à faire des siennes. Cette fois il y a quelques combats mais une infériorité numérique monstre pour nous. Cela ne va pas durer.
Et toujours des troupes qui passent, qui s’embouteillent. C’est du propre. Il faut nous attendre à tout instant à un bombardement et alors ce sera du propre. Et l’ordre de filer n’arrive pas… Et c’est toujours la chaîne des convois. Quelle vie.
16 MAI 1940 DEPART DE BULSON DIRECTION INCONNUE
Enfin il faut partir. Les tracteurs et camions sont alignés. Nous sommes prêts. Je dois partir avec les tracteurs mais il faut attendre, au milieu de cette foule, sur cette route, survolé par les avions. Gare à la casse. Un avion anglais passe à quelques mètres de nous, il fume. A 1 km environ, un Messer6 l’attaque à ras du sol et l’abat comme une masse.
C’est inouï que nous restions ainsi. Nos chefs sont inconscients, ou fous…
Enfin, en route. La colonne de tracteurs part en queue. J’ai près de moi le Lt Couraud qui se demande bien où nous en sommes7.
Nous croisons une batterie de 758 en position, puis des tanks, puis de l’infanterie…
Et l’aviation allemande est toujours dans les airs, menaçante.
Nous avons quitté la grand route pour prendre une route d’intérêt secondaire. Nous sommes sur un plateau.
ATTAQUE DES CAMIONS
Alerte, l’aviation pique. Les tracteurs stoppent. Nous allons dans un bois voisin. Ce n’est pas nous qui sommes attaqués, mais la grand route en bas. Cela dure 10 min, 15 min, 25 min pendant lesquelles c’est une suite ininterrompue de coups sourds, de bombes, de tac-tac de mitrailleuses.
Dans la plaine un dépôt d’essence brûle.
COMBAT AERIEN
Et tout à coup c’est la bagarre9. Ils sont 5 des nôtres qui arrivent. C’est le combat qui s’engage. Nous pouvons en suivre les péripéties avec anxiété. J’ai là devant moi à quelque 200 m un bombardier allemand qui passe. Un Curtiss le prend par dessous, il l’abat d’un coup. A droite c’est un autre qui explose ne formant qu’une boule de feu. Plus loin un pilote saute en parachute. Et c’est ainsi que 5 appareils ennemis sont abattus. Le ciel est balayé en un clin d’oeil nous pouvons partir.
Encore quelques km et je vois les tracteurs qui me précédaient arrêtés. Il s’agit d’une autre alerte. Il y a là un dépôt de caisses de vin et d’alcool abandonné. Comme tout le monde est fatigué et assoiffé, en un clin d’oeil les tracteurs sont pleins. Nous sommes avantagés par rapport à ces pauvres fantassins qui ne peuvent faire de provisions. Mais il faut intervenir pour empêcher trop d’abus.
Plus loin c’est un village que nous traversons. Il porte les traces de pillage… pillage fait par des français, pillage qui n’a rien à voir avec le besoin de s’alimenter. Tout est bon à ces voleurs… C’est un crime. Où en sommes-nous ? C’est beau la France !
17 H LE 16 MAI 1940
Vers 5 h nous rejoignons nos camarades partis en camion. C’est vers eux qu’était dirigée l’attaque entendue tout à l’heure. Pas de blessés ni de tués, mais ils ont eu chaud. Une balle a percé une roue d’un camion, une bombe lui a brisé les vitres et enlevé la moitié de sa bâche… C’était un mélange de réfugiés et de soldats. C’est triste.
16 MAI 1940 19 H ARRETES LE LOND D UNE GRAND ROUTE - ATTAQUE
7 h11, nous sommes arrêtés le long d’une grande route. Il y a un monde fou, réfugiés, troupes. Quel spectacle ! Il restera toujours devant mes yeux. Ces femmes, ces vieillards, ces enfants qui fuient, perdus, les joues creusées par la fatique, l’angoisse, la peur.
Nous allons manger. La roulante12 est arrêtée un peu plus loin. Nous sommes à peine servis qu’une alerte nous fait nous disperser. Cela va être du propre. Ca y est, ils suivent la route, ils ont commencé là-bas. Les bombes se rapprochent. En voilà pour nous. Les balles sifflent, les bombes tombent. Quel travail ! Cela dure ainsi peut-être 10 min… c’est long.
Ouf, ils sont partis. On se relève, on13 crie, on cherche à voir ses amis.
Nous avons été sérieusement arrosés, l’alerte a été chaude mais il n’y a pas de mal. Personne de chez nous n’est touché. Personne d’ailleurs dans l’entourage.
Je n’ai pu voir, heureusement, la course éperdue des femmes et des enfants lors de l’alerte. Au lieu de se terrer, ils couraient, criaient, les pauvres… quelle pitié.
16 MAI 1940 ENTREE DE LA NUIT REPARTENT – NE SAVENT NI OU ILS SONT NI OU ILS VONT
Nous partons enfin. Je laisse quelques provisions et 1 litre de vin à un pauvre homme traînant 2 enfants, sa femme et quelques bagages insignifiants.
La nuit nous surprend14 sans que nous sachions au juste où nous devons aller mais elle nous amène un peu de calme et de tranquillité. Je suis sur mon tracteur et m’endors un peu en attendant un ordre.
NUIT DU 16 MAI AU 17 MAI 1940 23 H .DEPART SE RETROUVE A 3 KM DE GRANDPRE
Vers 11 h du soir je suis réveillé en sursaut. C’est l’adjudant Thiebault de la 7e15 Brie qui réveille son monde. Il faut partir, mais où ? “Je ne sais pas”, me dit-il, “il faut suivre”. C’est ce que je fais autant que je le peux mais la route est encore encombrée et c’est souvent que nous sommes coupés. J’ai la chance de voir le dernier tracteur prendre une route à gauche, je m’y engage aussi… désormais je suis seul sans savoir où je vais, je ne vois plus personne devant moi. Je double des colonnes d’artilleurs. Ils sont fatigués eux aussi et ne peuvent me renseigner.
Finalement je me trouve seul avec 3 tracteurs qui me suivent. J’arrête la colonne16 pour voir un peu où j’en suis. J’ai la chance de trouver D. dans le dernier tracteur. Il nous faut d’abord nous reposer. Nous allons à quelque 500 m et trouvons une borne : Grandpré17 3 km. Que faire ? Nous sommes seuls dans ce coin, un calme profond règne aux environs. Que c’est bon de se sentir ainsi après les dures journées précédents. Mais que faire, où aller ? Nous allons attendre encore un peu, peut-être d’autres voitures arriveront.
La colonne que nous avions doublée nous dépasse à nouveau. J’avais M. comme chauffeur, il est saoul… et dort derrière le tracteur.
J’apprends le détail de l’accident dont Débouis18 dans l’après-midi19. C’est en sautant du tracteur au cours d’une alerte qu’il s’est fait prendre par une voiture arrivant à très vive allure. Pris sur le côté il a fait quelques tours sur lui-même avant d’aller s’abattre dans le fossé. Le docteur qui l’a soigné rapidement ne croit pas à un accident grave. Heureusement.
17 MAI 1940 MATIN TOUJOURS AUX ENVIRONS DE GRANDPRE NE SAVENT PAS OU ALLER VOIENT DES OFFICIERS SORTIR D UNE FERME
De quelle ferme s'agit-il ? Mon père indique, sur son croquis “ferme de Beaurepaire” mais je n'ai trouvé aucune trace de cette ferme aux environsde Grandpré.
Nous attendons encore quelque temps, jouissant du calme et de la fraîcheur du matin20. Nous sommes prêts au départ lorsque enfin arrive une colonne de tracteurs : c’est la 9e Brie . Ils ne savent pas au juste où ils vont eux non plus. Je m’adresse au lieutenant-chef de colonne, lui explique ma situation, lui demandant l’autorisation de le suivre. Il me dit que pour l’instant il a l’ordre de se camoufler dans les environs. Je vais essayer moi aussi. Nous poussons un peu plus loin et21nous trouvons arrêtés près d’une grande ferme. Je ne comprends pas. Je trouve Thié22 dans son camion. Je lui demande des explications. D’un air confidentiel et affolé il me dit que nous nous sommes trompés, nous sommes peut-être prisonniers à cette heure, l’ennemi est à Grandpré”. Malgré moi je souris… la région est trop calme. Puis je vois sortir de la ferme des officiers supérieurs parlant à voix basse, la mine anxieuse. Nous devons faire demi tour. Y aurait-il du vrai dans tout cela ?
Je retrouve le Lt Duc, qui s’étant endormi, avait oublié de communiquer les ordres… mais heureux de retrouver là ses tracteurs.
17 MAI 1940 FILENT VERS VERDUN VIA ORFEUIL
C'est bien curieux comme trajet. Ils sont aux environs de Grandpré, ils filent vers Verdun, via Orfeuil.
Encore un peu d’attente et il est décidé que nous allons filer vers Verdun ou ses environs. Le jour est arrivé… Nous allons partir séparés, avec 1 km de séparation entre 2 véhicules. J’ai un itinéraire détaillé, c’est mieux.
Il fait une chaleur torride mais tout se passe très bien. Il passe bien quelques avions mais ce n’est pas pour nous.
Nous passons par Orfeuil. Nous traversons des villages et partout ce sont des militaires qui sortent des caves, des maisons. C’est écoeurant, mais je ne m’étends pas là-dessus. J’y reviendrai plus tard.
Rien à signaler pour cette journée23. Nous avons pu pour une fois manger tranquilles au bord d’une route dans un petit coin à l’ombre. Nous nous apercevons alors de notre24 aventure. La roulante25 est restée à Bulson et nous devons jusqu’à la fin manger à la 9è26 . Il en sera ainsi jusqu’à la fin d’ailleurs.
NUIT DU 17 AU 18 MAI ARRET A CORROY PUIS PENDANT LA NUIT DIRECTION VERDUN ET SOMMEDIEUE.
J’arrive dans un coin planté de pins. On m’arrête, c’est là que nous devons coucher. Nous sommes près de Corroy27. Avec mon tracteur j’arrive un des derniers.
DONC ILS ONT FAIT GRANDPRE ORFEUIL CORROY ET REPARTENT VERS VERDUN. C EST UN TRAJET TOUT A FAIT ETONNANT. EST CE CREDIBLE ?
NUIT DU 17 AU 18 MAI ARRET A CORROY ET DEPART POUR VERDUN
Nous nous retrouvons tous et après avoir mangé nous nous reposons en attendant la nuit. Hélas, nous n’en avons pas encore fini. A la nuit l’ordre arrive de partir plus loin. Où ? Mystère. Cette fois je demande à être relevé de mon tracteur. Je suis fatigué et puisqu’il n’y a pas de pièce je n’ai plus de raison de rester toujours sur ce mauvais engin. C’était d’ailleurs prévu. Je pars sur le grand camion tôlé.
Il me serait difficile de raconter ce trajet. J’ai dormi pendant presque tout la route jusqu’à Verdun. De là nous filons sans nous arrêter vers Dieue, Sommedieue et le bois du Rozelier28. Enfin un peu de repos.
La suite du texte indique qu'ils font des livraisons de munitions à partir de Sommedieue. J'aurai d'autres questions sur cette partie.