Perso je pense que Gorbatchev était un mauvais politique.
L'exemple emblématique est une de ses premières décisions : la limitation très stricte de la vente de la vodka (en Russie !) qui évidemment a donné lieu à tous les trafics imaginables et à un mécontentement général, ce qui était prévisible... L'idée partait d'un bon sentiment : au KGB, on s'était aperçu que l'espérance de vie
baissait en Union Soviétique, et l'alcoolisme était un des facteurs, donc il fallait en diminuer la consommation.
(C'est au KGB, alors sous la direction de Youri Andropov, futur chef d'état, qu'a été prise la décision de réformer le système communiste pour le rendre plus efficace. C'est un peu étonnant, mais c'était le seul endroit d'URSS où on pouvait discuter librement des vrais problèmes, et avec les bons chiffres, pas des statistiques gonflées. Ils étaient arrivés à la conclusion que l'économie stagnait et que le système où tout appartenait à l'état était trop rigide. Andropov prendra Gorbatchev comme successeur : il avait été ministre de l'agriculture, le poste où on pouvait le mieux constater les défauts du communisme.)
Mais l'erreur majeure de Gorbatchev, pour moi, a été de vouloir introduire en même temps les réformes économiques et une vague de démocratie. Quand vous dirigez un pays qui vit depuis 70 ans sous un carcan de police politique très sévère, et que vous voulez changer les règles de fonctionnement de l'économie il faut le faire avec la plus grande prudence : si vous lâchez la bride aux gens, le désir de liberté est tel que tout risque de vous exploser à la figure avant même que l'économie ait fait le moindre progrès.
C'est d'ailleurs ce qui s'est produit : les Russes ont eu avec Eltsine la démocratie et l'anarchie économique, un cauchemar qui a duré 10 ans. (Alors que l'état était propriétaire de tout, absolument tout (appartements, magasins, usines, fermes,...) Eltsine a soudain décrété que l'état n'était plus propriétaire de rien. Le résultat a été une anarchie insensée, où chacun essayait de s'accaparer une part du gâteau, et où plus rien ne fonctionnait. Les Russes ont gardé durablement de ces années l'idée que le capitalisme et la libre-entreprise c'est ça : le vol, la loi du plus fort, la prédation armée. C'est Poutine qui a remis de l'ordre dans ce bordel total, par exemple en reprenant aux oligarques des pans entiers de l'économie qu'ils s'étaient accaparés, en s'appuyant souvent sur des équipes formées d'anciens du KGB. Par exemple, il a fichu en camp de travail Mikhaël Khodorkovski : celui-ci a bêlé que c'était parce qu'il avait fondé un parti démocratique, mais en réalité il avait mis la main sur la moitié du pétrole russe. C'est au moment où il allait vendre une partie de Ioukos à des actionnaires américains - pour bénéficier d'une protection internationale - que Poutine lui est tombé dessus et à rendu son pétrole à la Russie.)
Et on s'étonne que Poutine soit populaire ? Quand le peuple a faim, il se fout de la démocratie, il veut du pain !
La seule excuse que je vois à Gorbatchev pour s'y être pris aussi mal, c'est qu'il tentait une expérience nouvelle dans une société qui n'avait pas bougé depuis des décennies, et qu'il n'en connaissait pas d'autre. Il a donc pris comme modèle les démocraties occidentales, ce qui était trop ambitieux.
(A la même époque, pourtant, la Hongrie, durement réprimée en 56, avait réussi une expérience de libéralisation des petits commerces, des artisans et des PME qui avait apporté une certaine prospérité - "la cellule la plus agréable du Bloc" -
cela sans autoriser aucune liberté politique, de peur de voir les chars russes revenir leur tomber dessus. Gorbatchev aurait pu commencer ses réformes de la même façon, le peuple russe l'aurait adoré !)