On vit une époque de fous !
ça fait plus de 20 ans, bien davantage, même, qu'à chaque 11 novembre les médias nous parlent des souffrances des poilus, de la boucherie sans nom, des fusillés pour l'exemple (à croire qu'il y en a eu des dizaines de milliers) des gueules cassées, etc... Ce n'est pas d'aujourd'hui que cette vision univoque m'énerve : c'est à croire que la grande Guerre n'a été que cela.
L'opinion française n'est plus capable de penser la guerre autrement que comme absurde, et l'idée que les poilus aient été des héros avant d'être des victimes, qu'ils se sont battus jusqu'au bout pour une victoire qu'ils voulaient, tout cela n'est plus audible.
La victoire ? ça n'existe plus. Le président a refusé de la commémorer (entre autres raisons insensées : pour ne pas vexer nos amis Allemands...) et a même décrit les poilus comme "des civils à qui on avait donné des armes."
Des guerriers qui ont défendu la France et sont allés jusqu'à la victoire ? Jamais de la vie !
Tout ce que les médias relaient, tout ce que le public peut entendre, c'est qu'ils étaient les victimes d'une boucherie absurde.
Des victimes, les vainqueurs comme les morts, parce que l'opinion en 2018 n'est plus capable de les penser autrement, comme si seule la souffrance faisait sens. C'est d'ailleurs assez logique dans une société qui ne veut plus voir la mort, encore moins le sang - y compris celui des animaux, à l'extrême - et donc n'imagine plus que le combat puisse - parfois - être nécessaire.
Ce n'est même pas du "politiquement correct", c'est l'effet, pour simplifier, d'une société sans guerre depuis des générations (en tous cas sans guerre visible, parce que nous avons tout de même des soldats qui se battent, mais les médias les ignorent totalement) et même d'une société aseptisée qui refuse toue violence visible. L'objectif zéro mort est passé de la guerre aux accidents de la route. (1) Comment voulez-vous qu'une société pareille souhaite entendre parler des poilus de 1918, devenus de véritables soldats professionnels ?
Les poilus étaient des victimes, contraints de se battre par peur d'être fusillés, il n'y a plus moyen d'en discuter. C'est acquis.
En bref, ça fait bien 15 jours que je ne décolère pas. Depuis que j'ai entendu que le président n'entendait pas commémorer la victoire. (mais il n'est pas atypique : il est en phase avec la majorité de l'opinion, c'est bien ça qui m'énerve.)
Le colonel Goya a exprimé mieux que moi ce que cette décision lui inspirait :
Le 11 novembre, rien ne remplacera la victoire.Ah oui, et Pétain : devenu un sinistre vieillard autant qu'on voudra en 40, il n'en reste pas moins le premier commandant en chef sage qu'ait eu l'armée française, économe du sang de ses hommes, capable d'innover - l'année 1918 a été pour le moins difficile - bref, Pétain a été excellent pendant la Grande Guerre.
Pour une fois que notre président dit une chose historiquement incontestable, il se fait pou-rir !
On va bientôt devoir faire comme le "ministère de la vérité" sous Staline : retoucher les photos d'époque pour faire disparaître Pétain du défilé de la victoire.
(1) Ce refus aseptisé de la réalité de la mort me fait penser à une scène du film "La chute du Faucon Noir" : le chef rebelle offre une cigarette au pilote d'hélico prisonnier, qui refuse : il ne fume pas ! Le chef rebelle rigole :"c'est vrai que vous, les Américains, vous avez peur du cancer. Vous voulez vivre une vie sans risques, interminable et chiante !"
(Sérieux, un pays qui ne veut plus fêter ses victoires, parce que les victoires c'est salissant, à la limite il y a de quoi rigoler franchement !)