Post Numéro: 139
de Christian27
28 Mai 2016, 11:05
Dans les deux dernières pages de son livre, Les secrets d'une reddition, consacré à l'opération Sunrise, capitulation de l'armée allemande d'Italie, Allen Dulles révèle les contacts qu'il a eus avec des Japonais en Suisse.
Allen Dulles, Les secrets d'une reddition pages 354 et 355
Avant même que nous en ayons terminé avec Sunrise, les représentants japonais en Suisse en eurent vent. En avril 1945, alors que la bataille d'Okinawa battait son plein, nous fûmes contactés, Gaevernitz et moi, en Suisse, par des représentants de l'armée et de la marine japonaises ainsi que par des personnages, officiels japonais de la Banque pour les règlements internationaux, de Bâle. Ils désiraient savoir exactement s'il ne leur serait pas possible de profiter de la filière ouverte vers Washington en faveur de Sunrise, afin d'obtenir la paix pour le Japon. J'en informai Washington et fus autorisé à écouter ce qu'avaient à proposer les Japonais. Per Jacobson, le conseiller économique de la Banque de Bâle, fut amené à participer à ces conversations et il y eut une intense activité dans les relations entre Washington et Berne.
Le 20 juillet 1945, sur instructions reçues de Washington, je me rendis à la conférence de Potsdam et fis un rapport au ministre Stimson sur ce que j'avais appris en provenance de Tokyo : les Japonais désiraient capituler, à condition de pouvoir conserver leur empereur et leur constitution, bases essentielles au maintien de l'ordre et de la discipline au Japon, quand les nouvelles accablantes de la capitulation seraient portées à la connaissance du peuple. La nouvelle de la reddition en Italie et la manière dont elle avait été acquise avaient alors été largement relatées dans la presse; l'effet en fut contagieux. Malheureusement, en ce qui concerne le Japon, le temps nous manqua. Avant que les autorités de Tokyo puissent bien se rendre compte qu'il y avait une filière sûre, grâce à laquelle elles pourraient faire la paix, et que les Américains auxquels elles s'adressaient avaient un contact direct avec Washington, Moscou était inter¬venu comme médiateur et le gouvernement japonais décida de faire la paix par l'intermédiaire de l'Union soviétique. Robert J. C. Butow, dans son livre La Décision japonaise de capituler, termine son compte rendu des négociations en Suisse par cette déclaration : « Quand arriva enfin le jour inévitable de la capitulation, le commandant Yoshiro Fujimura se rappela avec dépit l'aveuglement qui avait poussé son gouvernement à ne pas poursuivre les négociations par la voie bien plus avantageuse de la Suisse. » Et, à Zurich, le lieutenant général Seigo Okamoto « inscrivait son nom d'une manière indélébile sur le registre sacré des Samouraïs, par le suicide ». Ces deux hommes avaient été mêlés aux conversations qui avaient eu lieu en Suisse. Si nous avions eu un peu plus de temps pour approfondir cette voie de négociations, l'histoire de la capitulation japonaise aurait eu peut-être une conclusion différente.