Un peu d'histoire des techniques....
>>>> Le terme "radar" ne sera pas utilisé ici car il ne ne sera universellement adopté que plus tard. Je maintiens délibérément dans un contexte historique et chronologique le terme en usage à l'époque : la détection électromagnétique ou DEM.PRÉAMBULEEn France, on connaissait bien l'existence des propriétés de détection électromagnétique d'un objet mais aucun dispositif opérationnel n'existait ou n'était encore à l'étude.
Face à la menace et au risque croissant d'incursion et d'agression par voie aérienne, le gouvernement français confia, en 1928, au Laboratoire National de Radioélectricité (LNR), minuscule laboratoire des PTT alors institution d'état composée d'une petite équipe de quelques ingénieurs, le soin d'effectuer des recherches destinées à utiliser les propriétés connues des ondes radioélectriques pour détecter la présence d'aéronefs en vol.
Le principe adoptée fut le plus simple et consistait à disposer de deux équipements séparés et indépendants, un émetteur et un récepteur reliés chacun à sa propre antenne et éloignés l'un de l'autre de plusieurs kilomètres.
Ce concept de ce qu'on appellera ultérieurement
"radar bistatique", est par ailleurs toujours en usage de nos jours pour certaines applications particulières.
HISTOIREUn des ingénieurs du laboratoire précité, Pierre David, expérimenta en 1934 un dispositif fonctionnant sur une longueur d'ondes de 4 m (75 MHz) dont l'émetteur de 50 Watts transmettait sans discontinuité et dont le signal ininterrompue était reçu par un récepteur distant de 5 km, limite de portée maximum de la liaison directe.
Le passage d’un aéronef au-dessus de cette ligne virtuelle se révélait à la réception par un léger changement de fréquence (effet Doppler), caractérisé dans le casque par un son audible variable généré par la différence entre le trajet direct entre les deux antennes et celui réfléchi par l'aéronef.
Ces essais, effectués au Bourget, permirent d'obtenir des détections d’avions jusqu'à des distances de plusieurs kilomètres à une altitude de 7000 mètres.
Cependant, on avait bien remarqué et observé, dés les premiers essais, que
cette technique était imprécise et n'était pas en mesure de connaître, ni l'altitude, ni la position, ni la nature de l'aéronef, ami ou ennemi.Quoi qu'il en fut, il n'en fallut pas plus et les résultats de ces expérimentations incitèrent l'Armée de L'Air à commander, en 1938, 30 de ces dispositifs de détection. Ce qui fut fait.
Du nom de son concepteur, ce système de barrage électromagnétique fut baptisé
"Barrage David".
Les équipements, fabriqués par SADIR et LMT furent livrés à l'Armée de l'Air au printemps 1939.
Les "
Barrages David" devinrent les tous premiers systèmes français de DEM et devaient être capables de détecter le passage d’aéronefs.
Il est à noter que ce système de détection, avait pour vocation de se superposer au dispositif de guet à vue existant et suppléer les limites des observations visuelles de nuit ou par temps couvert. Il était installé dans des tours de veille du système d'alerte dans lesquelles du personnel se relayait en permanence pour surveiller le ciel de toute intrusion.
L’Armée de l’Air, créa, pour la circonstance, une modeste
"Compagnie de Détection Électromagnétique", chargée de déployer un
"Barrage David" ininterrompu de la frontière belge jusqu'aux Alpes et pour lequel elle disposait des 30 stations commandées en 1938.
Cependant, elle n’aura jamais le temps d’assurer le déploiement et son installation ne fut que partielle.
Lors de l’invasion allemande, l'unité se replia à Cavaillon, d'où elle installa le seul
"Barrage David", couvrant sur une longueur d'environ 150 km, la Camargue et le nord de Marseille et qui s’avérera, par la suite, d’une totale inutilité !
La Marine décida, de son côté, d’équiper les abords des ports de Brest, Toulon, Cherbourg et Bizerte du même dispositif mais seul, celui de Brest, était en fonctionnement avant le début du conflit.
Implantations du "Barrage David" de Brest.Une tour de détection d’un "Barrage David" utilisé par la Marine, source: Marine NationaleUn barrage électromagnétique fut aussi, semble t'il, mis en œuvre tardivement par la Marine aux abords de Toulon en 1941. On se demande bien pourquoi...
QUELQUES OBSERVATIONSOn peut d'ores et déjà noter la grande simplicité et l'extrême rusticité d'un tel dispositif mis en oeuvre par les forces armées françaises et dont l'efficacité insuffisante et le manque de précision et de fiabilité, lorsqu'il est utilisé seul, aurait probablement démontré rapidement le mauvais choix initial des autorités.
En révélant les limites d'un tel système, pourtant connues depuis ses origines, on aurait probablement accéléré l'adoption d'un dispositif plus performant parmi ceux équipés d'émetteurs à impulsions et qui étaient déjà disponibles bien avant le conflit mais dont le choix fut excessivement tardif.
Bien que la
"Chain Home" en Grande Bretagne ait été conçue à l'origine à partir des observations réalisées au cours d'expériences d'un dispositif bistatique, les britanniques ne s'attardent pas sur cette technique et privilégièrent immédiatement un système monostatique à impulsions avec antennes émission et réception à proximité.
Consolons nous.... A la même époque, l'Armée rouge fit un choix tout aussi désastreux en adoptant, pour sa défense aérienne, la même technique bistatique, très peu efficace et tout aussi obsolète, nommée
RAPID.
De même, début 1941, l'armée impériale japonaise, pays pourtant à la pointe des recherches, fit curieusement installer, certes expérimentalement, le long de la côte de la Chine, un prototype de détection d'aéronefs appelé
"Détecteur D'interférences Bistatique Doppler -BDID-" composés de stations fixes, basé sur la même technique, et qui était en mesure de détecter un aéronef jusqu'à une distance de 500 km, mais seulement détecter... comme son homologue notre
"Barrage David" bien français.
C'est pourtant conjointement au cours de cette même période, à l'approche de la guerre, et face à des préoccupations identiques, que la France se rapproche de la Grande Bretagne et coopère avec elle dans le domaine naissant des émetteurs hautes fréquences à impulsions.
En 1938, les armées françaises font même l'acquisition auprès de la Grande Bretagne de plusieurs installations
"Chain Home" pour évaluation et décident au printemps 1939 d'adopter la même technique de détection à impulsions britannique.
Sont associés à cette collaboration accélérée la plupart des fabricants français et la coopération y est tellement fructueuse, qu'entre juin 1939 et mai 1940, pas moins de six équipements nouveaux sont développés et testés avec succès, comme en février 1940 durant lequel LMT installe dans l’île de Port Cros, au large de Toulon, le tout premier système DEM métrique à impulsions de fabrication française.
Opérationnel, d'une grande portée, son émetteur, d'une puissance considérable pour l'époque, fut conçu en "détournant" celui initialement prévu pour la télévision de la Tour Eiffel.
Il permit, dans la nuit du 12 au 13 juin 1940 de détecter, à 120 km, les attaques aériennes des italiens.
D'autres équipement DEM fonctionnant avec des émetteurs à impulsions, déjà acquis aux britanniques ou développés dans l'urgence, furent aussi déployés au même moment mais, bien qu'efficaces, ils se révélèrent très largement insuffisants.
Ainsi vont les bons et les mauvais choix des états-majors. C'est quand on a le nez bien dedans qu'on s'aperçoit que c'est bien ça.... et que ça sent vraiment pas bon !
https://fr.wikipedia.org/wiki/Barrage_Davidhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Moyens_de_détection_électromagnétique..._._