Ci-joint un article très très intéressant sur les évolutions de l'artillerie pendant la seconde guerre mondiale et en plus en français:
https://www.cairn.info/revue-guerres-mo ... age-43.htm
files3945c/10453_Artillerie ww2.pdf
Outre l'évolution des canons et une certaine standardisation américaine, ce sont surtout la motorisation pour tracter mais surtout pour assurer la logistique en munitions, l'observation par avions dédiés à l'artillerie et la radio qui vont fortement améliorer l'efficacité de l'artillerie.
Extraits:
Le moteur et la radio ont accéléré la manœuvre de l’artillerie et modifié de manière significative l’emploi des canons sur le champ de bataille dans le cadre de cette organisation.
La rapidité du tir de l’artillerie est la première conséquence. Lorsque les batteries sont en place, la demande de tir d’un observateur est quasi instantanée. L’observateur, qui est un officier ou un sous-officier d’artillerie, suit les combats au sein d’une unité de mêlée (infanterie ou char). Il est en relation directe soit avec le poste de commandement d’un groupe d’artillerie qui « coiffe » plusieurs batteries, soit directement avec une batterie. Le commandant de groupement se trouve avec le pc de l’unité appuyée. Il y a donc constamment un échange d’informations et de renseignements entre « l’appui » et la « mêlée ». Cette coordination, qui est renforcée par le rôle des avions d’observation, permet de diriger le rythme de la bataille. Les batteries avancent, « en perroquet » à la vitesse des engagements. Une batterie est en position de tir, pendant qu’une autre se déplace pour rejoindre une autre position. Ceci, associé à une manœuvre des trajectoires permise par la portée des tubes, permet d’assurer une permanence de l’appui feu. L’artilleur français est passé maître dans l’art du maniement des trajectoires. C’est un jeu de l’esprit qui nécessite la conceptualisation en trois dimensions des trajectoires suivant des modèles mathématiques dans le but d’obtenir la meilleure efficacité des coups sur l’objectif tout en gérant parfaitement l’économie des munitions.
L’artilleur devient aussi un conseiller du fantassin ou du cavalier, ceci a été particulièrement développé et expérimenté durant la campagne d’Italie, Le corps expéditionnaire français en Italie,...
. L’officier d’artillerie doit être animé d’un esprit de géométrie et d’un esprit de finesse. La technique de l’arme est très cartésienne, mathématique, mais il faut aussi être ouvert et comprendre les troupes appuyées. L’artilleur propose des plans de feux, mais dit aussi ce qu’il ne peut pas faire. C’est de ce dialogue entre artillerie et infanterie qu’évolue la manœuvre au fil des combats. Le renseignement obtenu par les avions permet, en outre, d’avoir souvent un temps d’avance sur la manœuvre ou d’effectuer des réglages et des tirs sur des objectifs qui ne sont pas vus par l’observateur terrestre. Ce concept général marque de manière durable toute la conception du combat interarmes jusqu’à aujourd’hui.
Le règlement américain de mai 1944 d’emploi de l’artillerie
prévoit15 :
1/ la mission principale de l’artillerie est d’appuyer l’infanterie ;
2/ l’artillerie n’a un bon rendement que si tout objectif est pris à partie par
toute l’artillerie disponible. Le commandement de l’artillerie doit donc
rester aussi centralisé que le permettent les circonstances ;
3/ la recherche du renseignement est vitale d’où une préoccupation « renseignement
» à tous les niveaux, mais aussi des personnels et des matériels
spécifiques.
La préparation graphique, marquée par le système américain, remplace
la préparation calculée qui a été, pendant longtemps, l’apanage des officiers
d’artillerie polytechniciens. Le réglage en grille accélère quant à lui l’action
de l’observateur et donc la délivrance des feux. La doctrine américaine et
ces procédés de calcul de tir et de réglage simplifiés, dérivés des possibilités
du matériel permettent d’effectuer des tirs d’emblée et des tirs sur objectifs
mobiles de batterie ou de groupement. C’est là l’une des grandes nouveautés
dans l’emploi de l’artillerie. Ainsi, par exemple, en Italie, un tir de sept
groupes – soit plus de quatre-vingts tubes – repéré et réglé par un Piper-cub
arrête et détruit totalement en quelques minutes deux bataillons allemands
sur une route au col d’Esperia le 17 mai 1944.
Il est intéressant de comparer aussi les consommations de munitions
dans des cadres tactiques qui semblent similaires, par exemple, la poursuite
des troupes allemandes entre Rome et Florence, puis quelques mois plus
tard dans la vallée du Rhône. En Italie, la consommation moyenne pour les
105 hm2 français a été de 70 coups/pièce/jour. En France, elle n’est plus
que de 7. Cette différence significative est liée à la façon de combattre des
Allemands : en Italie, ils manoeuvrent en retraite ; dans la vallée du Rhône,
ils fuient.
À partir de septembre 1944, l’importance des consommations et surtout
les difficultés de transport depuis la base de Marseille jusqu’aux dépôts, ont
soulevé d’importantes difficultés allant jusqu’à l’épuisement des disponibilités
et devenant l’une des causes de l’arrêt des combats dans les Vosges les
19 octobre et 6 novembre. Vers la fin novembre, les allocations étaient de
10 coups/pièce/jour pour le 105 hm2, alors que les consommations dépassaient
les 80 coups ; et, mi-décembre, il ne reste que 400 coups de 105 dans
les dépôts. Après avoir tiré les dotations de batteries, les combats doivent
s’arrêter le 25 décembre 1944, non pas pour une trêve de Noël, mais parce
qu’il n’y a plus de munition d’artillerie ! Les combats cessent faute d’obus.
Le rôle de l’artillerie et de sa logistique est donc un élément particulièrement
important dans cette guerre de mouvement. C’est l’artillerie qui
donne le tempo de la bataille.