Post Numéro: 69 de RoCo 30 Mai 2015, 09:43
Bonjour,
Je tiens à préciser que la lettre de Guderian ne sort pas d'une autobiographie, mais il s'agit
là d'une lettre retrouvé dans les documents de l'inspecteur des blindés datant de 1943 . Mais
elle démontre l'indécision des Allemands quant à l'emploi de ces nouveaux blindés . Ce n'est pas
comme en 1940, où on a pu, pendant 5 ans, élaborer des tactiques de combat adapté au matériel .
Guderian comprend très vite les avantages (canon de 88 et le blindage) et les désavantages (coût,
nombre restreint, mécanique fragile) du Panzer VI et cherche un moyen de l'utiliser plus efficacement .
Guderian passe en quelque sorte directement au point 2 des phases de combat énumérés par Daniel .
"Les Tiger vont en quelque sorte "escorter"(*) l'ensemble en apportant leur appui feu à plus longue portée et en "attirant" la défense antichar adverse (contre laquelle ils sont plus résistants) permettant alors à l'infanterie d'accompagnement et aux "moyens" de neutraliser la défense antichar ainsi découverte."
Et pour bien démontrer le dilemme dans lequel se trouvent les stratèges Allemands : au moment
que Guderian écrit cette lettre, sort la " Heeres-Druckvorschrift 47a/29" (manuel de l'emploi des blindés lourds)
datant du 20.05.43 (probablement écrit en février-mars 43):
" Grande puissance de feu, blindage important sont les caractéristiques des blindés lourds de la Tigerkompanie . Elles
permettent :
1. attaquer des défenses en faisant partie de la première vague d'attaque
2.détruire de blindés ennemis et d'autres cibles blindés à grande distance
3.détruire les défenses ennemis
4.rompre les défenses ennemis
La compagnie de blindés lourds est l'unité la plus puissante de l'arme blindée . En principe, elle est utilisée
pour rompre très vite la défense ennemie, pénétrer loin dans les défenses ennemies en tirant avantage d'une
puissance de feu supérieur et d'un blindage puissant ."
Deux points de vue très différentes : le manuel se basant sur la théorie du "blindé de rupture", Guderian se basant
sur les premiers enseignements pratiques venant du front . On peut encore ajouter la discussion concernant l'attachement
de Panzer III N aux bataillons de blindés lourds ( le commandant de la sPzAbt.501 le considère comme nécessité absolue,
le commandant de la sPz Abt 503 y est opposé) ou la discussion concernant l'attachement d'une compagnie Fkl au
bataillon lourd .
On a les mêmes exemples en ce qui concerne le Panzer V : pour différentes raisons, c'est le chef du Pz Rgt"GD", von Strachwitz,
qui commande les Panther de la Pz Brigade 10 pendant les 4 premiers jours de "Zitadelle" . Considéré comme un des meilleurs
officiers de blindés de la Wehrmacht, mais ne connaissant pas du tout les caractéristiques des Panther, il les mène littéralement
à leur perte . Ce n'est que le 10 aout, que Burmeister (qui connaît le Panther) reprend le commandement de la Brigade et qu'on
assiste à une diminution presque spectaculaire des pertes .
Donc soyons bien clair : le Panzer VI, à la base, devait être un blindé de rupture, mais la réalité sur le
terrain montre très vite ses limites dans ce rôle . L'armée allemande est obligé d'adapter les tactiques de combat
au fur et à mesure des enseignements qui arrivent du front, ce qui diminue évidemment très fort l'efficacité
de ces nouveaux blindés dans un premier temps (cela s'ajoutant aux problèmes mécaniques dû à une quasi-absence
de tests préliminaires) .
Roger