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Nouveau messagePosté: 09 Jan 2006, 18:14
de Carman
Attention, n'allez pas me prendre pour un héros...Je n'ai été que simple spectateur !
Vous savez, quand je vois ce qui se passe aujourd'hui dans certaines régions du monde, je me dis qu'il y a des jeunes qui "en bavent" plus que nous.

Nouveau messagePosté: 10 Jan 2006, 04:55
de Audie Murphy
Les spectateurs de cette «représentation» commencent à se faire rares et c'est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir continuer de livrer vos précieux témoignages sur notre forum. Vous enrichissez ainsi notre culture et nous l'apprécions.

La guerre n'est pas finie

Nouveau messagePosté: 11 Jan 2006, 09:41
de Carman
Merci à Audie Murphy.
Et, puisqu'il m'y encourage, je continue, ou plutôt je termine.
Une fois la libération acquise, la suite des opérations militaires nous parut une formalité.
Ce n'était pourtant pas le cas, et les restrictions ne cessèrent pas du jour au lendemain.
En novembre, j'ai eu quelques inquiétudes en entendant une conversation au cours de laquelle des jeunes (des "grands" pour moi), qui semblaient regretter la retraite allemande, faisaient état d' armes nouvelles qui permettraient à Hitler de renverser la situation...
Une grande distraction des ados était de parcourir les bois des environs à la recherche de munitions abandonnées.
Et on en trouvait ! Je me souviens d'obus, calibre 20 mm je crois, qui jonchaient le sol autour de leurscaisses éventrées. Les plus hardis tentaient de séparer les obus des douilles, puis de dévisser les détonateurs. Les accidents mortels n'ont pas cessé, des mois durant.
Un élève de 3ième a exhibé en classe, toute une journée, une grenade à manche. Le soir, sur le chemin du retour, il a déclenché l'explosion. On imagine la peur rétrospective de ses camarades, le lendemain...
Un jeudi, mon frère avait découvert un "site". Il a donné le tuyau à un camarade de classe, lequel s'est rendu sur les lieux la semaine suivante. Là, il a commis l'imprudence de cogner une munition contre un arbre pour désolidariser l'obus de sa douille. L'obus a explosé et le garçon en est mort.
J'ai participé à une expédition d'un genre un peu différent. C'était au début du printemps 1945. J'ai accompagné un cousin et mon frère, qui avaient 17 ans, toujours en vélo, à Toussus-le-noble où les américains avaient installé une base secondaire. A l'extrémité du terrain était entreposé un cimetière d'avions. Des bombardiers criblés d'impacts, dans lesquels se trouvaient encore des trésors à récupérer pour l'excellent bricoleur qu'était mon cousin. Oui, mais ce terrain était "terrain militaire", donc interdit et bien gardé.On est rentrés quand même en douce. Je jouais à me promener sur des fuselages et des ailes, quand une patrouille nous a rejoints. On nous a conduit au poste de commandement, après nous avoir dit (et je crois que ce n'était pas du bluff): "Vous avez de la chance que les jours rallongent, car, si nous vous avions vus à la même heure cet hiver, nous ne nous serions pas dérangés; nous vous aurions tiré dessus directement à la mitrailleuse".
Un gradé s'est livré devant nous à un simulacre de jugement. C'est du moins ce que je crois, car je ne comprenais pas les propos qu'il échangeait avec le soldat qui nous gardait. Sur le bureau du gradé était posé en évidence un énorme pistolet...Je me demandais s'il allait nous traiter comme des franc-tireurs, car j'avais entendu parler de snipers "passés par les armes", quand le soldat a introduit 3 cartouches dans le chargeur de sa carabine, et la terreur m'a envahi...
Nous avons été embarqués dans un GMC au commissariat de police de la ville. Un brave agent qui retournait chez lui, en nous apercevant, a demandé: "Qu'est-ce qu'ils ont fait?" Ses collègues l'ont mis au courant. Il a alors cru très drôle de déclarer à notre adresse: "Oh, alors, ça mérite la guillotine !" Mais je n'étais pas du tout sûr qu'il plaisantait ...
Nous avons été relâchés, et l'affaire s'est arrêtée là.
Les bonnes nouvelles s'affichaient dans la vitrine d'un libraire sous forme d'une grande carte sur laquelle des fils tendus par des punaises marquaient de jour en jour le rétrécissement du territoire allemand.
Puis vint un beau jour de Mai où nous fut annoncée la fin de la guerre, qui, en fait, n'était pas finie, puisqu'il restait le Pacifique. Mais c'était loin de nos préoccupations.
Il y eut le retour des déportés; on les reconnaissait dans la rue à leur extrême maigreur.(Quand je vois des films tournés aujourd'hui sur un sujet de l'époque, les acteurs sont peu crédibles car ils ont trop bonne mine)... Le sort de Laval, le procès Pétain; la bombe d'Hiroshima qui suscitait des commentaires d'une rigueur scientifique douteuse...
La suite relève de la politique...
Voilà, j'ai fait un récit linéaire; si certains souhaitent me poser des questions sur des points particuliers, je reste disponible.

Erratum

Nouveau messagePosté: 15 Jan 2006, 11:22
de Carman
J'ai écrit dans le post "La libération"
<<les canons de la 2ième DB qui tiraient depuis le pont de Sèvres sur une batterie allemande implantée à Buzenval. >>
Il fallait lire: Bougival...!

Mes Souvenirs De La 2WW

Nouveau messagePosté: 25 Jan 2006, 21:15
de roty georges
Comme je vous l’ai déjà dit, je suis né le 7/04/1942. Mon père à fait la campagne des 18 jours avec son unité du 2ème chasseur à pied de Charleroi qui faisait partie, en mai 1940, de la 5e division d’infanterie. Comme beaucoup de ses compagnons, lors de la capitulation de la Belgique, il est devenu prisonnier de guerre et détenu au stalag IV A, ensuite au stalag IV B.
En Allemagne, il a eu un peu de chance. En effet, les autorités allemandes ont décidé de libérer les prisonniers de langue flamande, mais le convoi que les allemands avaient prévu à cet effet n’étant pas rempli, ils décidèrent donc d’organiser un examen de néerlandais pour les prisonniers francophones. Ayant réussi cet examen, mon père pu rentrer à la maison en mars 1941.

Nous demeurions à proximité de la gare de Fleurus, mais dès le début de la guerre, pour des raisons de sécurité, mes parents décidèrent de quitter la ville pour loger chez mon grand père maternel qui demeurait Heppignies, un petit village entre Fleurus et Ransart, beaucoup moins exposé aux bombardements.

Pour ma part, mes souvenirs sont toujours bien présents. Je me souviens que mon grand-père, qui faisait partie de la résistance, écoutait radio Londres dans une petite pièce de sa maison qui donnait sur une prairie, fin août 1944, une chenillette allemande vint stationner dans la prairie juste devant la fenêtre, cela n’empêcha pas mon grand-père d’écouter la radio, au grand dam de sa famille. Etant fossoyeur, il profitait aussi de son métier pour cacher dans des caveaux armes, explosifs, même un émetteur radio, que des membres de la résistance lui avaient confiés. Il était aussi en rapport avec un certain commandant, mais il n’a jamais dévoilé son identité.

Je me souviens également, que tout le village avait sorti des drapeaux alliés, et nous étions sortis pour voir passé les troupes américaines sur la route entre Ransart et Fleurus. Les Américains passaient aussi sur la route de Charleroi-Bruxelles. Quand nous sommes rentrés au village, à notre grande surprise, les Allemands y étaient encore. Ils essayaient de fuir mais ils étaient encerclés et donc très agressifs, soudain, une voiture transportant un groupe de résistants armés arrive dans le village, ils sont une dizaine, ils discutent entre eux pour attaquer les allemands qui, entre temps, se sont retranchés dans un petit bosquet situé sur la route entre Mellet et Fleurus. Ils ne sont pas tous d’accord, une partie d’entre eux voudrait attendre les blindés d’avant –garde des américains qui ne sauraient tarder. Enfin ils décident d’y aller, hélas, juste armés de leurs armes légères, ils se sont fait hacher sur place par les allemands qui leurs opposèrent une forte résistance. Lors de l’arrivée de nos libérateurs, on ne retrouva plus que les corps sans vies de nos malheureux résistants. On peut voir désormais un petit monument érigé par la commune à la mémoire de ces braves.

Après la libération, nous sommes rentrés à Fleurus, ce qui m’a marqué le plus, c’est les femmes qui avaient collaboré avec l’ennemi, et étaient tondues en pleine rue. Je me souviens également des vagues de bombardiers qui volait vers le front et vers l’Allemagne. Ensuite un GI venait à la maison, il courtisait la sœur de maman, c’était le sergent Hoecks Romain, puis il a été rappelé avec son unité pour le front, et depuis, personne dans ma famille n’a plus eu de nouvelles de lui. Ce qui me rappelle les privations de la guerre, c’est que j’ai vu ma première orange en 1947, et je n’ai pas voulu la manger car je ne savais pas ce que c’était.

Voilà en quelques lignes les faits qui m’ont le plus marqués, comme j’étais assez jeune, je ne me rappelle pas autre chose, c’est tout ce dont je me souviens de cette triste période.

Georges Roty.

PS merci a mon fils gerard pour son aide

Nouveau messagePosté: 25 Jan 2006, 22:07
de Prosper Vandenbroucke
Bonsoir Georges,
Merci beaucoup pour ce témoignage, simple mais émouvant
Cordialement
Prosper