Bonjour,
Sur 1 076 000 Français de souche européenne, 176 500 hommes ont été mobilisés de 1943 à 1945, soit 16,4 % de la population.
L'Armee dite "d'Afrique" comptera un maximum de 450 000 combattants.
Donc, environ 273 500 "indigenes".
Leur intervention en Tunisie a ete notable, certes, mais pas vraiment essentielle, l'Afrika Korps etait au bout du rouleau.
Par contre, en Italie, c'est autre chose:
Ce qui suit est un peu long, mais cela merite d'etre raconte:
"C'est en disposant, grâce à la population d'Afrique du nord, des moyens de porter les effectifs français à près de 400.000 hommes, lesquels vont tenir une place très honorable parmi les alliés lancés à la reconquête de l'Europe, que de Gaulle va être en mesure de revendiquer pour la France, à la table où sera signé l'armistice, ce siège pour lequel il se battra avec autant de hauteur que d'habileté. Ce siège vaut aujourd'hui à notre pays d'être l'un des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il lui permet, en particulier, d'y disposer d'un droit de veto. Nous verrons plus loin à quel prix cet effectif respectable a été atteint.
C'est un Pied-noir, enfant de Mondovi, fils de gendarme mais major de Saint-Cyr, qui fut désigné par le général de Gaulle, avec l'accord du général Giraud, pour en prendre le commandement. C'était un grand chef.
C'était aussi un fin diplomate. Cachant sous un sourire débonnaire une
intelligence subtile, il sent qu'après le lamentable effondrement de
notre armée en juin 1940, il nous faut nous garder de toute arrogance et
que nous devons avant tout reconquérir patiemment l'estime de nos
alliés.
Plus gradé et plus ancien que le général Clark, commandant en chef de la
Vème Armée américaine, il accepte néanmoins d'être placé sous ses
ordres. Au vocable Armée d'Italie, qui pourrait porter ombrage à la Vème
Armée US, il préfère celui, plus modeste, de Corps expéditionnaire
français. L'essentiel, pense-t-il, n'est pas de donner des leçons aux
alliés, mais d'abord de "faire son trou", puis de faire ses preuves et
de regagner leur considération. Dans un premier temps, le corps
expéditionnaire qui lui est confié ne compte que 120 000 hommes.
Le 9 septembre 1943, les alliés ont débarqué dans la botte italienne,
près de Salerne, au sud de Naples. L'affaire n'a pas été facile. Les
Américains ont subi de lourdes pertes. Les Allemands offrent une
résistance déterminée. Ils sont dirigés par Kesselring, un aviateur
devenu "biffin" qu'Hitler, pour défendre l'Italie du Sud, a préféré à
Rommel dont la fidélité lui inspire, à juste titre, quelques doutes.
Sous l'énorme pression des alliés, les Allemands ne se replient que
lentement, et en bon ordre. Ils abandonnent Naples, mais ils se
retranchent ensuite solidement derrière une ligne de défense que
l'organisation Todt a eu le temps de structurer en profondeur. Elle
comporte ses bunkers qui peuvent croiser leurs feux, ses positions de
résistance qui se couvrent mutuellement, ses nids de mitrailleuses dont
le champ a été dégagé, ses réserves de munitions enterrées dans la
montagne. Elle a été baptisée "Ligne Gustav". Longue de 135 km, elle est
située à cent kilomètres environ au nord-ouest de Naples, derrière les
rivières du Garigliano, du Liri et du Rapido. De là, à travers les monts
de Maiella, elle rejoint l'Adriatique à Tossacesia, ville située
quelques kilomètres au nord d'une autre rivière, le Sangro.
Derrière cette ligne fortifiée, les Allemands alignent quatorze
divisions. Pour leur livrer assaut, les Alliés en envoient le même
nombre. A priori, l'avantage revient aux défenseurs.
D'un côté, au nord-est, la VIIIème armée britannique, rentrée de Lybie
et dirigée par un Anglais, Leese, et de l'autre, au sud-ouest, la Vème
Armée US, dirigée par le général Clark. Le corps expéditionnaire
français est intégré à cette dernière.
Alphonse Juin, "d'abord reçu sans chaleur fin novembre 1943 à Naples"
sait très vite susciter la sympathie de l'Américain Clark dont, au
demeurant, les troupes ont été très secouées et auquel l'arrivée d'une
relève partielle n'est pas faite pour déplaire.
On concède un créneau aux Français, au centre même du dispositif. La
Vème Armée US est située à leur gauche, du côté de la mer Thyrénéenne et
la VIIIème Armée britannique à leur droite, le long de la mer
Adriatique. En face d'eux, les Apennins forment une masse montagneuse
opaque dont les défenses naturelles sont telles qu'il ne devrait pas se
passer grand-chose dans ce secteur .
C'est dans les plaines littorales, pense l'état-major allié, que
devraient se dérouler les décisives batailles de chars. Les Allemands
pensent de même. Or, pour le moment, les Français, s'ils disposent de
quelques unités de chars, n'alignent encore aucune division blindée.
Leur rôle ne devrait donc être qu'assez statique. Dans le créneau
central qui leur est attribué, leurs deux divisions d'infanterie, la 2°
division marocaine et la 3° division algérienne, s'alignent côte à côte,
face aux Allemands. L'ensemble forme un corps d'armée
bien étoffé en infanterie et en artillerie d'appui direct.
Ultérieurement, la 4ème division marocaine de montagne et la 1ère
division française libre compléteront le Corps expéditionnaire français
ou CEF.
On est en décembre, dans la neige, le brouillard, la boue. La vallée du
Liri, un affluent du Garigliano qui coule au pied du Monte Cassino et
remonte en direction de Rome, offrirait, songe Clark, une voie de
pénétration assez large
pour rejoindre ensuite la capitale. Mais elle est dominée de part et
d'autre par des massifs montagneux solidement tenus par les Allemands.
Ceux-ci ne s'en laisseront pas déloger facilement.
Qu'à cela ne tienne! En guise de témoignage de reconnaissance pour la
place qu'il vient de leur accorder, Français et Marocains vont offrir au
général américain le cadeau de Noël qu'il n'osait même pas espérer. Le
16 décembre, les Français du 5° régiment marocain attaquent et
s'emparent du mont Pantano. Les 25 et 26 décembre, c'est au tour du 6ème
régiment de tirailleurs marocains de s'emparer de la crête de la
Mainarde et de Monna Casale. Les sommets étant ainsi tenus, les deux
divisions françaises, au prix il est vrai de lourdes pertes, enfoncent
un coin dans la ligne Gustav. La 3ème division d'infanterie algérienne,
commandée par le fougueux général de Montsabert, franchit même le
col d'Acquafondata. La 2ème division d'infanterie marocaine pousse alors
jusqu'à la Costa San Pietro (12-13 janvier 1944), proche du sommet du
Belvédère.
Les routes de crêtes et les chemins de montagne sont placés sous les
feux de l'ennemi. Les unités françaises engagées jusque sur l'autre
versant, ne peuvent plus rebrousser chemin. Elles ne peuvent pas
davantage s'enterrer car le sol est rocheux, aride et couvert de neige.
Elles vont passer sur place les trois mois d'hiver sans qu'on parvienne
à les relever.
Mais le désir du général Clark a été exaucé: le flanc nord de la vallée
du Liri est à présent dégagé. Comme les Allemands, les Alliés sont
stupéfaits mais doivent bien se rendre à l'évidence. Dans le secteur
tenu par la VIIIème armée britannique, le long de l'Adriatique, les
attaques frontales, courageuses mais vainement coûteuses des
Britanniques et des Polonais n'ont pas permis aux Alliés d'y progresser
d'un pouce. Dans le secteur occupé par la Vème armée américaine, la
ligne Gustav a tenu bon. Pire encore, un nouveau débarquement tenté par
Clark derrière cette ligne, dans la baie d'Anzio, au nord de Naples, en
vue de contourner la ligne de défense allemande et d'ouvrir ainsi aux
Américains la route de Rome, a complètement échoué.
Kesselring a rapidement contre-attaqué et les Américains, en s'enterrant
sur place, n'ont réussi que de justesse à éviter d'être rejetés à la
mer. Ils sont désormais enfermés dans une tête de pont qui allonge leurs
lignes et ne leur sert à rien.
Le seul résultat positif, la seule avancée que l'offensive d'hiver a
procurée aux Alliés, c'est cette conquête, par deux divisions françaises
fraîchement débarquées, d'un certain nombre de hauteurs stratégiques qui
rompent la continuité du dispositif allemand.
Ce premier succès a laissé de profondes traces dans la conscience
collective allemande. il comportait tous les ingrédients d'un drame
romantique. La montagne couverte de neige et environnée de brouillard
offrait son décor sauvage. La "furia francese" qui animait les
attaquants, leur désir de prendre une revanche sur le lamentable
effondrement de nos armées en juin 40, la violence de leur
passion, fournissaient le ressort de l'action. Le mystère, l'inattendu,
l'exotisme, étaient assurés par ces inquiétants guerriers vêtus de
burnous sombres dont les silhouettes fondues dans la nuit et le
brouillard, s'infiltraient en silence au sein des lignes allemandes
pour, toutes à la fois brandissant grenades et mitraillettes, jaillir
subitement des rochers tout proches.
Le capitaine Robert Abdesselam fit des prisonniers. Quand il se présenta
à eux et dit son nom, les Allemands le supplièrent de les remettre
immédiatement entre des mains américaines. En entendant son patronyme
kabyle, ils avaient été pris de panique, "pensant, racontait-il avec
humour, que j'allais les égorger l'un après l'autre de ma propre main".
Début 1944, pour contourner l'avancée française, les Allemands
construisent en hâte une nouvelle ligne de défense cohérente. Ils la
baptisent "ligne Hitler", rien de moins !
En face, Alphonse Juin n'a dorénavant nullement besoin de faire état des
cinq étoiles qui ornent ses épaulettes. Le respect l'entoure
spontanément. Quand il faut préparer l'offensive de printemps, son avis
est largement pris en compte. Connaissant bien ses troupes, aimé par
elles, il va inspirer un plan d'ensemble dans lequel elles vont jouer un
rôle clef et être employées au mieux de leurs capacités et de leur
enthousiasme.
En bon stratège, il veut utiliser pleinement le seul élément de
supériorité dont il dispose face aux forces ennemies. S'il est un
domaine où les régiments d'Afrique du Nord ont toutes chances d'être
plus performants que les Allemands, c'est celui de la guerre en
montagne. Cet atout, il va le faire abattre à l'endroit le plus
stratégique par ceux qui en ont la meilleure maîtrise. Il va ainsi
confier à la 4ème division marocaine de montagne et aux vingt deux mille
tabors du colonel Guillaume un rôle d'infiltration par les crêtes qui
leur convient parfaitement. S'ils atteignent leurs objectifs, le
contrôle des hauteurs permettra d'opérer ensuite un large mouvement de
débordement par le sud et l'ouest, menaçant directement les lignes
logistiques allemandes et ouvrant grande la route de Rome.
Les tabors sont des guerriers de la montagne qui délaissent les
uniformes trop sophistiqués et trop fragiles fournis par l'intendance
américaine pour se vêtir à leur façon traditionnelle. Bien protégés du
froid dans d'épaisses djellabas rayées, tissées dans des laines non
teintées, aux couleurs naturelles de leurs moutons, le marron et le
noir, ils fondent leurs silhouettes brunes dans le paysage rocheux. Ces
vêtements munis d'un capuchon leur servent à la fois de
manteau, de sac de couchage et de tenue camouflée. Ils sont armés de
mitraillettes, de grenades, de fusils mitrailleurs et de mortiers, mais
ils ne se séparent jamais de leur couteau, plus discret.
Quand le terrain est nettoyé, suivent les "brêls", des mulets habitués
eux aussi à l'escalade. Sur les rochers, leurs sabots sont aussi précis
et sûrs que ceux d'un bouquetin. Ce sont eux qui portent les pièces
lourdes: les musettes de grenades, les caisses d'obus, les affûts de
mortier.
Cette fois encore, l'attaque démarre là où les Allemands ne l'attendent
pas, dans la partie du front qui semble la mieux protégée par la nature.
Le II mai à II heures du soir, le ciel soudain s'embrase. Pour ménager
l'effet de surprise, Juin n'a pas voulu de longue préparation
d'artillerie. Dès que le tir de barrage s'allonge, dans la fumée qui
rampe au niveau du sol, les premières vagues d'infanterie embarquent
dans des canots pneumatiques et franchissent la rivière. Le 83ème Génie
a lancé trois ponts Bailey baptisés des noms de code de "Tigre", "Lion"
et "Jaguar" et ouvre la piste d'accès "du Mouflon". Sur l'autre rive,
les vagues d'assaut progressent par bonds. Elles tentent de coller au
feu roulant qui avance devant elles et que crachent à l'unisson 2.400
pièces d'artillerie, soit deux fois plus de bouches à feu que n'en avait
réuni le Kronprinz sur le front de Verdun pour lancer l'attaque majeure
de l'armée allemande, le 21 février 1916 !
Mais les chars qui devraient appuyer l'assaut de l'infanterie pataugent
dans la boue. Dans la nuit, ils craignent d'écraser leurs propres
fantassins. Comme les vagues de la mer, les vagues d'assaut françaises
se succèdent sans réussir à gagner du terrain.
En face, la riposte est très dure. Les lance-flammes allemands font des
ravages dans les rangs des assaillants. Le 12 mai au soir, à l'exception
du sommet du Faito, qui a été pris par le 5ème régiment de tirailleurs
marocains, les objectifs ne sont pas atteints. Cette avancée "en doigt
de gant" est trop localisée pour pouvoir être exploitée. Des colonnes
entières de mulets ramènent les blessés vers l'arrière. Chaque bête
porte sur chacun de ses flancs une sorte de grande corbeille en rotin
dans laquelle gît un homme recroquevillé. Toujours présent aux premières
lignes, Alphonse Juin assiste au retour des blessés. Il mesure la
lourdeur des pertes. Durant les heures de la nuit, il hésite à
poursuivre la manoeuvre dont il a été l'inspirateur et dont les troupes
françaises doivent être les principales exécutantes.
Puis il donne l'ordre de reprendre l'attaque: "Il faut que çà passe!" Le
13 mai à l'aube, l'offensive reprend, toujours aussi meurtrière. Cette
fois-ci, puisqu'on ne recherche plus l'effet de surprise, l'artillerie
prépare longuement le terrain. Elle insiste, laboure le sol, fait sauter
en éclats les murs de béton derrière lesquels l'adversaire, toujours
aussi résolu, se protège et riposte. Quand cessent les éclatements
d'obus dont les flammes font voler la pierre, surgit de la fumée qui
traîne de rocher en rocher, une nuée de diables des montagnes, de
véritables djenouns, les démons du Rif. Ils courent, sautent, dansent;
grenades à la main, jusqu'au sein des positions allemandes.
Juin connaît l'importance des facteurs psychologiques dans l'issue d'une
bataille. Sur ses ordres, les unités chargées de l'attaque ont emporté
de larges drapeaux destinés, le moment venu, à démoraliser l'ennemi.
Longtemps, le combat reste indécis.
Mais soudain, dans l'après-midi, le destin frappe à la porte. Visible
sur l'ensemble du front par tous les observateurs de la vallée, là-haut,
au sommet du Mont Majo qui domine tout le paysage, un immense étendard
tricolore se déploie. C'est le signal. Les montagnards du 5ème Marocain
ont atteint leur objectif! Les Français tiennent les hauteurs d'où ils
assurent à présent la couverture de la vallée !
Une division entière, tabors sur les pitons, blindés dans les vallons,
déferle à présent et, sur la gauche du dispositif, s'empare des monts
Aurunci. La Vème armée américaine peut se joindre à l'offensive. La
vaste manoeuvre de débordement par le Sud et l'Ouest, conçue par Juin,
va pouvoir se dérouler. Menacés de voir leurs lignes logistiques
coupées, les Allemands sont dans l'obligation de décrocher.
Kesselring se résout à donner l'ordre d'abandonner la ligne Hitler. Pour
les Allemands, l'heure de la retraite générale a sonné. Les blindés
alliés, dont les assauts avaient jusque là toujours échoué sur les
infranchissables défenses allemandes, peuvent à présent s'élancer à la
poursuite de l'ennemi, sur la route de Rome"
Algérie, mémoire déracinée, René Mayer, l'harmattan, ISBN2-7384-8489
Au passage, pour ceux que la guerre d'Algerie interesse, voir le site de M. Jean Jacques Viala:
http://jeanjviala.free.fr/
Attention, il est pied-noir et anti-Gaulliste dans l'ame.
Cordialement
Daniel