Bonjour,
Comme promis dans le post que j'ai ouvert concernant mes recherches sur la résistance dans les départements 28, 41, 35 et 22, voici un résumé d'une belle rencontre que j'ai fait il y a 3 semaines environ.
J'ai rencontré il y a peu à son domicile, après une première rencontre aux commémorations de la libération de Saint Malo qui ont eues lieu le 17 août, un ancien résistant Malouin.
"Jean MOREAU" (nom de code dans la résistance), membre du B.C.R.A pour Saint Malo et sa région. Il a commencé la résistance à 15 ans. Il faisait partie du sous réseau "Famille" qui faisait partie du réseau "F2" (Franco-Polonais).
Jean MOREAU est né en 1926 à SOISSONS, mais toute sa famille est ancrée à Saint Malo depuis 1700 environ. Ses convictions de jeunesse et son éducation dit-il, l'ont surement aidé à choisir de rentrer dans la résistance Malouine, car il est issu d'une famille de militaire et de patriotes de toutes époques. Il a été dans les "éclaireurs de France" jusqu'à ce que les Allemands dissolvent cet organisme.
Interne au collège CHARCOT depuis le début de la guerre, il a pour habitude de se sauver dans les couloirs et les étages de l'établissement lors des alertes aériennes, grâce à un "passe" qu'il a bricolé de ses mains. "J'aimais bien aller voir les quais quand les avions bombardaient les installations Allemandes".
Un jour, alors que tous ses petits camarades sont dans les abris lors d'une nouvelle alerte, il est encore au 3ème étage a regarder les bombes tomber et la flak tirer sur les avions Anglais, lorsqu'il entend des pas derrière lui. Et là, un "plus grand que lui", "YVES", interne également, lui demande ce qu'il fait là. Il répond qu'il regarde les quais pour voir "ce qu'il s'y passe".
Après quelques questionnements sur Jean, YVES lui demande si il veut servir son pays. Jean ne sait trop quoi répondre car il ne voit pas ce qu'il peut faire du haut de ses 15 ans pour aider son pays.
Et Yves de lui dire: "je te présenterais quelqu'un à Pontorson (dept 50) prochainement".
Jean: "Pontorson? mais c'est au moins à 30 kms!!!"
Yves: "Si tu as un vélo, nous irons là bas ainsi, ensemble. retournons à l'abri avec les autres".
Le lendemain, Yves croise à nouveau Jean et lui demande à propos de leur entrevue dans les étages du collège:
"Tu n'as pas parlé de notre conversation d'hier j'espère?"
Jean: "non, à personne, même pas à ma mère".
Rendez-vous est pris plus tard pour se rendre à Pontorson, plus exactement à l'hotel MONTGOMERY avec cette fameuse personne (que nous appelerons "Jacques" car il ne m'a pas dit son nom).
Jacques demande à Jean: "tu as une bonne mémoire? tu sais dessiner?"
Jean: "Oui j'ai une bonne mémoire et je suis meilleur en dessin qu'en calcul"
Jacques: "d'accord. J'ai des "petits boulots pour toi qui vont beaucoup aider mes chefs".
Peu de temps après, Jean MOREAU commencera ces fameux "petits boulots", qui serviront énormément pour les bombardements et la libération de Saint Malo, ainsi que sur tout l'Ille et Vilaine, car beaucoup de personnes renseigneront Jean:
-Les cheminots donneront de précieuses informations sur les trains (chargements, destinations, heures d'arrivée et de départ, périodicité et numéros de ces trains, etc...),
-Des ouvriers aussi quant aux constructions Allemandes déjà réalisées ou en cours de réalisation,
-Des personnes de Saint Malo qui faisaient du ménage chez des officiers Allemands avaient pris l'habitude de fouiller les bureau et les poubelles lorsqu'elles le pouvaient.
Puis un jour, le fameux "Jacques" de Pontorson, demande à Jean d'aller se renseigner sur la forêt du TRONCHET (20 kms environ de Saint Malo), car il semblerait que beaucoup de camions Allemands circulent en pleine nuit. "IL FAUT EN SAVOIR PLUS" dira ce fameux Jacques.
Jean se rend au Tronchet en vélo, s'enfonce dans doucement sans faire de bruit dans la forêt, et constate des barbelés; Il se dit que "si il y a des barbelés, c'est qu'il y a quelque chose à protéger pas loin". Il avance donc encore et encore avec son vélo quant tout à coup il entend un craquement de branche et entend qu'on lui demande en Allemand de stopper. Jean apprenait l'Anglais et l'Allemand au collège Charcot, "ça m'aura sauvé la peau ce jour là".
L'Allemand mitraillette au poing lui demande ce qu'il fait là en pleine nuit alors que c'est le couvre-feu, et tout à coup Jean a une idée lumineuse:
"Pilze" !!!!! "Ich bin auf der Suche nach Pilzen Herr Soldat" (champignons !!!! je cherche des champignons monsieur le soldat)
Le soldat Allemand lui demande de le suivre. Jean me dit ceci: "il m'a demandé de le suivre, donc je n'étais plus sous la menace de sa mitraillette. Nous nous enfonçons un peu plus dans cette forêt du Tronchet, et là je vois beaucoup de soldats charger de grosses bombes dans des camions; j'apprendrais plus tard que ces bombes alimentaient les "DORNIER" qui partaient de nuit attaquer l'Angleterre."
Je lui dit qu'il a du se retrouver dans une sacrée panade, et il continue son récit:
"Oui c'est ce que j'ai cru pendant un moment qui m'a semblé très très long, mais je pense que mon très jeune âge m'a sauvé ce jour là. Je suis toujours en train de suivre le boche, quand des éclats de voix troublent le seul bruit du craquement des branches que nous faisons avec l'Allemand.
Ce sont des supérieurs qui de loin lui crient en Allemand "que fais-tu? tu dois garder les barbelés, c'est ta mission!!! Retournes-y sur le champ".
"L'Allemand me fait signe de me sauver et je prends mes jambes à mon cou avec mon vélo et je rentre sur Saint Malo. Je suis vivant et libre!!!!"
A la fin de ce récit, Jean me dit: "attends moi là, je vais chercher des documents que je souhaite te montrer. Et il revient avec trois classeurs, dont 1 qui contient tous les relevés qu'il a fait au nez et à la barbe des Allemands de 1941 à 1944.
Des plans en "vues de dessus" des navires Allemands stationnés dans le port de Saint Malo, des descriptifs de voitures et camions Allemands avec les symboles et marquages, la quantité d'hommes dans chaque véhicules, etc, etc..... (Un bonheur pour mes petits yeux de passionné....).
Jean me dit: "J'ai tout répertorié, de Pontorson à St Jacut de la mer, pas un trou d'homme, pas un canon, pas une caserne, pas un nid de mitrailleuses, etc, n'a été oublié. Il faut dire que nous avions un laissez-passer pour la zone côtière interdite, car ma mère travaillait à l'hôpital d'intra-muros, et ça m'a beaucoup aidé pour les renseignements que je devais prendre".
Voilà pour la première partie de ce récit, de cette belle heure passée avec Jean. Il m'a dit "tu reviens quand tu veux me voir, ce sera un plaisir de transmettre mon histoire à un petit jeune, car je te trouve très sympathique et passionné.
J'y retournerais pour lui demander si je peux reproduire le plus de documents possible qu'il garde comme un trésor, son trésor: ses faux papiers, ses attestations de service dans la résistance, les photos des membres de groupe BCRA de Saint Malo, les croquis effectués tout au long de la guerre.
Je n'ai jamais vu autant de documents qu'hier, c'est très impressionnant. Je ne manquerais pas de vous faire part de mes futurs entretiens avec lui.
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