Post Numéro: 11 de Kristian Hamon 18 Oct 2010, 18:55
J'avais envie de revenir sur ce sacré personnage qu'était Loulou Pétri. Ce qui suit ne s'est pas passé en Normandie, peu importe. Un des témoins de cette période, que je rencontre avec toujours autant de plaisir m'a raconté ça :
Appelons-le M. Jean, car je ne souhaite pas mettre son nom sur internet. Sous l’Occupation, M. Jean était un jeune inspecteur de police à Rennes. Membre de la Résistance, il en profitait pour renseigner ses camarades et fournir des faux papiers. Au printemps 44, se sentant repéré par sa hiérarchie, il va rejoindre un maquis dans le Trégor, sa région d’origine, et faire le coup de feu lors de la libération de Paimpol. De retour à Rennes au mois d'août, ses supérieurs demandant si quelqu’un parlait le breton dans le service, il répond oui. Le voilà donc bombardé responsable des enquêtes sur les séparatistes bretons du PNB et du Bezen Perrot ! La police cherchait à identifier les membres du Bezen et ceux qui les avaient aidé. Pas facile. J’en reparlerai.
Comme souvent, les personnes âgées (M. Jean a 90 ans, chevalier de la Légion d’honneur) ont ceci de charmant que l’on part sur un sujet et généralement cela se termine sur un autre ! C’est une question d’habitude.
Donc je retrouve M. Jean pour lui demander des précisions sur le Bezen et sur la comtesse de Mauduit, de Plourivo, qu’il a connu et qui cachait des parachutistes alliés dans son château avant d’être arrêtée par la SD et déportée. Mais M. Jean avait décidé de me raconter une anecdote sur Louis Pétri. Je vous la livre.
Le lendemain de son fameux coup de main contre la prison de Vitré, le 29 avril 1944, où Loulou et ses hommes ont neutralisé la garde et libéré une cinquantaine de prisonniers politiques, Loulou arrive à Rennes totalement épuisé. Il a passé une nuit et la journée pour éviter les gendarmes lancés à ses trousses et pour planquer les résistants libérés. Loulou arrive chez M. Jean qui avait une chambre en bas du Bd de Sévigné à Rennes. M. Jean lui conseille fermement de rester au lit pour se reposer (Pétri était tuberculeux). Loulou ne veut pas, déclarant qu’il avait rendez-vous dans un café de la rue du Pré-Botté avec des résistants cheminots. M. Jean décide donc de faire un bout de chemin avec lui et ils prennent le tramway à la station de l’octroi de la rue de Paris, située à proximité de chez M. Jean. Lorsqu’ils montent dans le tramway, ils restent à l’intérieur car il y avait un groupe de soldats allemands sur la plateforme arrière. Loulou ne se déplaçait jamais sans son cartable garni de deux grenades offensives et d’un pistolet… La première grenade était destinée aux allemands, l’autre pour lui car il ne voulait pas tomber vivant entre leurs mains. Fatigué, Loulou s’endort. Le cartable tombe sur le sol et une grenade roule au milieu de l’allée centrale du tramway ! Stupéfaction des passagers qui voient la grenade. La receveuse regarde M. Jean car elle savait qu’il était policier puisqu’il ne payait pas pour se rendre à son travail, le commissariat central étant situé rue de Paris, dans l’actuel Cercle Paul-Bert.
M. Jean ramasse la grenade, la met dans sa poche et déclare à la receveuse : « Qu’est-ce qui faut pas faire dans le métier ! »
Dès l’arrêt suivant, Loulou est jeté dehors par un M. Jean pas content : « La prochaine fois que tu voudras te suicider, tu le feras tout seul ! »
Les soldats allemands de la plateforme n’ont rien vu et continuaient de discuter…
K.H.