Opération Jéricho :
Mi-janvier 1944 , par le biais du réseau Alibi , le réseau de la Résistance SOSIES de Dominique Ponchardier alerte Londres . Dans l'hiver 1943-44 les Allemands ont multiplié les arrestations et mis à mal l'Organisation Civile et Militaire , giraudiste et les Francs Tireurs et Partisans , communistes de la Somme . 11 d'entre eux qui opéraient dans la zone de Mer-les-Bains sous les ordres de l'enseigne de vaisseau le Sec ont été fusillés en décembre à Amiens , des dizaines d'autres sont en attente à la prison de la ville : Jean Baurin , chef local des FTP , le docteur Mans , responsable de l'OCM d'Abbeville , le fils adoptif de Ponchardier M. Cruel , chef de bureau de la préfecture de la Somme . Les FTP attaquent la prison de St-Quentin mais échouent . Le seul espoir est donc une attaque aérienne . Plans et renseignements nécessaires parviennent à Londres où , à la veille du Débarquement , il semble impératif de soutenir la Résistance . Le 14 février , le sous-préfet d'Abbeville , M. Vivant , éminent gaulliste , est arrêté lui aussi .
Le 140th Wing du Group Captain Picard est choisi . Les pilotes des 3 Squadrons connaissent bien la zone , leurs attaques sont précises mais on dit aussi que Picard a rencontré Ponchardier , et l'Anglais est connu de la Résistance par sa participation au raid de Bruneval et à ses actions au sein du 161 Squadron . Le plan de l'opération Jéricho assure l'engagement dans un timing scrupuleux de trois vagues de 6 Mosquitos des 3 Squadrons . La première section est fournie par le No 487 Squadron néo-zélandais , approchera de la prison à 15 m d'altitude et ouvrira l'enceinte extérieure , haute de 6 m , épaisse d'un mètre . Une deuxième section s'en prendra au mur nord et au bâtiment principal avec des bombes de 227 kg de divers types équipées de fusées de retard à 11 s . Le souffle devrait ébranler les murs et permettre aux détenus d'ouvrir leurs portes de cellules . En même temps le No 464 Squadron australien s'approchera à la perpendiculaire des autres à 30 m d'altitude , détruira les murs de la cour intérieure , le réfectoire et les postes de garde . En cas de problème , le No 21 Squadron de la RAF est en réserve . Chaque formation de Mosquitos sera escortée de 8 Typhoons des No 174 , 245 et 609 Squadrons . Près d'Amiens ils mitrailleront sur l'aérodrome de Glisy les éventuels appareils allemands .
Les équipages étudient une maquette de la prison et un groupe de résistants se tiendra près de la prison pour recueillir les évadés . Un jour passe puis une éclaircie permet le lancement de l'attaque , le 18 février . Bien qu'il n'ait effectué que 5 ou 6 missions diurnes à basse altitude , le Group Captain Pickard en prend la tête .
A 11 h , 19 Mosquitos décollent ( un appareil photographique accompagne le raid ) . Mais le secret de la mission est tel que les chasseurs décollent dans la confusion , à 11h10 , sans réservoirs largables . A cause du mauvais temps le 609 refuse de prendre l'air mais six pilotes du No 198 Squadron décollent , seulement trois achèvent la mission . Les Typhoon ne trouvent pas tous leurs protégés . 4 Mosquitos , deux du 21 et deux du 464 font aussi demi-tour . Mais Pickard donnent l'ordre de continuer car les prisonniers seront fusillés le lendemain . Près de l'objectif , un Mosquito est touché par la Flak et doit renoncer .
Le Wing Commander Smith et ses ailiers attaquent le mur ouest . Après le passage des deux premières vagues , Pickard observent les murs détruits , le bâtiment principal éventré : des prisonniers commencent à s'enfuir . Par le message " The Oranges are ripe " il décommande la troisième vague , le Mosquito photo fait son travail au-dessus la prison . Sur le retour , un Mosquito est touché par la Flak au-dessus d'Albert , navigateur tué , le pilote est capturé . Pickard , soucieux de l'équipage , survole les lieux du crash . Il est aussi touché par la Flak , puis c'est l'attaque des Fw 190 du II./JG26 basé à Cambrai/Epinoy . Une fine couche de nuages à 300 m les a cachés aux yeux des Typhoons . A 12h10 , un Typhoon est descendu par le Leutnant Waldemar Radener , pilote capturé . Pickard est abattu par le Fw 190 du Leutnant Wilhelm Mayer , les deux membres d'équipage sont tués . Le vol de retour , quoique hasardeux , se passe sans autre incident .
Deux jours plus tard , deux Mosquitos escortés de 4 Typhoon du No 247 Squadron vont évaluer les résultats . Au retour , un Typhoon est touché par la Flak et s'écrase en mer . Les photos montrent que l'hôpital Saint-Victor et des habitations ont été touchés en plus de la prison . La Résistance mentionne la mort de 95 détenus et 87 blessés . Dans les morts , 56 des 180 résistants que devait libérer le raid . 74 autres sont toujours prisonniers . Le docteur Mans et le capitaine Tempez de la Défense Civile refusent de s'enfuir à cause des victimes : le premier sera déporté à Neuengamme , le second fusillé . Parmi les 258 évadés , il y a 179 prisonniers de droit commun . La propagande vichyste rebondit et fustige l'action de la RAF .
A Londres , la France Libre est perplexe car on ne peut pas tirer quelque chose du raid pour la propagande alliée et les évadés sont majoritairement communistes . Vivant réussira à s'évader ; mais l'affaire ne sera célébrée officiellement en France que le 28 octobre , alors que les Mosquitos l'avaient fait bien avant et continuaient leurs raids dévastateurs sur des objectifs restreints .
Source : Vincent Greciet , dans Wingmasters n° 9 : Mosquitos casseurs de prisons .
Bye :wink: