L'histoire de la Résistance française se dégage-t-elle enfin du mythe pour approcher de la vérité historique ?
Cf. la revue Esprit, n° 1, janvier 1994, « Que reste-t-il de la Résistance ? », notamment, page 19, « L'historisation de la Résistance » par J.-P. Azéma et F. Bédarida (« La production historique concernant la Résistance a longtemps été une hybridation entre la science et le mythe. ») ; page 36, « Historiens sous haute surveillance » par P. Laborie (« La Résistance est un champ d'étude historique où les relations entre chercheurs et témoins demeurent extrêmement délicates. » - p. 47 : « [...] le rôle de l'historien n'est pas seulement de distinguer la mémoire de l'histoire, de séparer le vrai du faux, mais de faire de cette mémoire un objet d'histoire, de s'interroger sur l'usage éventuel du faux comme vrai et sur le sens que les acteurs veulent ainsi donner à leur passé [...], de poser à ce passé toutes les questions du présent. »)…
Exemple de l’attaque allemande du 26 mars 1944 à Monthiévret sur le plateau des Glières (seulement des témoignages de maquisards ; pas de documents ni de témoignages allemands).
Voici comment un document daté du 4 avril 1944 (AHG 13 P 51) voit cette attaque allemande : [Le poste attaqué] fit face au premier choc et faucha littéralement les boches […][qui] continuèrent l’attaque au mépris des morts ; avançant coude à coude par trois et en groupes de cinquante, ils montaient sur leurs cadavres.
Bien sûr, dès cette époque, il existe des témoignages écrits plus vraisemblables, mais ni publiés ni versés aux archives publiques, comme celui de mon père, chef de groupe à Monthiévret, qui écrit dans son carnet de route rédigé en avril 1944 : Vers cinq heures du soir, des coups de feu éclatent derrière nous ; l'alerte est donnée ; on ne voit rien ; un copain part en éclaireur et nous prévient qu'un nombre imposant de Boches nous ont pris à revers. La situation est critique : sur le grand alpage de Monthiévret, on est seulement dix-huit éparpillés en petits groupes. Les Boches, dissimulés par les arbres, avancent sans bruit. Brusquement, ils font leur apparition : les armes automatiques crépitent et les grenades explosent partout... Plusieurs camarades sont touchés... Plus de nouvelles de la première sizaine qui est avancée... Les Boches projettent des grenades depuis la barre rocheuse située en arrière ; la position devient intenable... L'ordre de décrochage est donné. A six, on se replie dans les rochers ; une grotte nous sert d'abri.
Dans les livres « d’histoire », l’exagération (euphémisme !) perdure jusqu’à tout récemment :
- François Musard (Les Glières, Robert Laffont, 1965, p. 155 et suiv.) : Une marée humaine [d’Allemands] déferle inexorablement sans se soucier de ses propres pertes. […] [Les soldats allemands répondent] comme des automates aux commandements rauques de leurs officiers. […] [Beaucoup sont tués et] interrogent le ciel de leurs yeux vitreux.
- Brigitte Friang (« Les Glières », Histoire secrète des maquis, Crémille, 1975) : […] dix-huit maquisards gardent la passe dans un abri de rondins […]. […] un lieutenant allemand leur crie de se rendre, qu’il a deux bataillons derrière lui […].[…] Les maquisards tombent un à un, tués ou blessés. […] Baratier […] est le seul survivant. […] Il est pris à revers et tué. […] Il a tenu sa position tout seul une heure et demie durant. [NDLR : S’il n’y a pas de survivants, comment Brigitte Friang sait-elle tout cela ?] […] Toute la matinée, inexorablement, les soldats allemands émergent de toutes parts, par tous les sentiers, en masses compactes.
- Michel Germain (La liberté est au bout du chemin…, Le cercle d’or, 1985) : Les chasseurs alpins bavarois et autrichiens montent à l’assaut […] sans se soucier des hommes qui tombent à leurs côtés.
- Michel Germain (Glières, mars 1944 - « Vivre libre ou mourir ! » - L'épopée héroïque et sublime, La Fontaine de Siloé, 1994) : Lorsque les premiers soldats ennemis arrivent à portée des postes, Chocolat donne l'ordre d'attaquer. A ce moment, un feu nourri se déclenche sur l'assaillant. Les dix-huit gars font face à une très grosse compagnie, cent cinquante hommes environ. [...] Chocolat lance ses grenades à deux mains, en les dégoupillant avec les dents. La première vague d'assaut allemande se replie. […] Les autres gars de la section de Chocolat, quasiment encerclés, se battent comme des diables. La première sizaine est anéantie. [...] D'autres gars, anonymes, sont gravement atteints.
Voir ma nouvelle page pour un éclairage, je l'espère, plus proche de la vérité historique : http://alain.cerri.free.fr/index19.html