Post Numéro: 1 de LENEVETTE Roger 28 Mar 2009, 18:02
Le Maquis de Broualan dans les Archives
A propos de Brionne :
Le 2 juin 1944, une "Centaine" de la Franc-Garde quitte Paris pour Poitiers où elle est équipée et armée. Cette "Centaine" composée de jeunes méridionaux, reçoit le nom de "Deuxième unité de marche de Bretagne" et part pour Rennes le 8 juin.
A son arrivée, elle est placée sous le commandement de Di Constanzo, chef régional de la Franc-Garde, et cantonnée au 5 Rue du Griffon , où elle procèdera à de nombreuses tortures. De là, une "Trentaine" prend aussitôt la direction de Fougères sous la direction de Le Neuf de Neuville, Inspecteur de la Milice, et procède à plusieurs arrestations dans la région.
Du 25 au 30 juin, sa présence est signalée à Saint-Aubin-d'Aubigné, Feins, Saint-Médard-sur-Ille, où Jules Nodet et Alfred André sont arrêtés.
Le 28 juin, c'est au tour de Jean Dufil à Saint-Aubin-d'Aubigné. Toujours dans le canton, 13 personnes sont arrêtées le 30 juin dont Jules Thiollais à Montreuil-sur-Ille, qui avait été contacté par Amand Brionne* de Saint-Aubin-d'Aubigné, pour créer un noyau de résistance. Jules Thiollais est attaché avec du fil de fer sur son établi de menuisier, puis Le Neuf de Neuville lui vole sa montre "pour ne pas la casser". Roué de coups, il est ensuite emmené sur la place de la commune et mis en présence de son fils auquel Le Neuf de Neuville déclare : " Donne une cigarette à ton vieux, ce sera la dernière, car tu ne le reverras plus."
Emmené à l'asile Saint-Meen pour y être torturé, Jules Thiollais en réchappera mais sera très diminué après six jours de coma.
Avant de revenir sur Rennes pour être cantonnée à Saint-Meen, la Milice récupère 200 millions de francs enfouis dans les caves de la banque de France de Fougères. 120 millions sont transportés à rennes, la différence étant versée sous forme de primes aux familles des miliciens tombés au Champ d'Honneur.**
Ces miliciens ont été vus un peu partout en Bretagne, mais cette Deuxième unité de marche ne participera qu'à des opérations très brèves contre les maquis, essentiellement en Ille et Vilaine et dans le Morbihan.
* Brionne a donné son nom au collège de Saint-Aubin-d'Aubigné
** ADIV 1439 W 18
Broualan et les Nationalistes Bretons :
Au mois de juillet 1944, les troupes alliées sont toujours enlisées en Normandie face à la résistance d'une armée allemande qui s'avère plus forte que prévue, procèdant en cela de la configuration bocagère de la région.
La Résistance de son côté un combat capital en fixant les troupes allemandes loin du front et en sabotant les lignes de communications. Prise dans une spirale de plus en plus répressives, la formation Perrot multiplie ses sorties. Ses membres sont directement impliqués aux côtés de l'armée allemande et de la Milice, ainsi à Broualan en Ille et Vilaine, et à Locminé. Un membre du groupe d'Action du P.P.F. décrit l'expédition de Broualan :
" Dans l'après midi du 6 juillet 1944, nous avons tous été consignés au cantonnement. Vers 23 heures, nous l'avons quitté pour nous rendre à la caserne de la Milice à l'asile se Saint-Meen. Nous avons attendu 20 minutes, et nous sommes partis en direction de Broualan L'expédition était conséquentes, car outre l'autocar bondé de miliciens, une camionnette de la Formation Perrot chargée d'une trentaine d'hommes revêtus de l'uniforme de S.S.
" L'expédition contre le maquis de Broualan est dirigée par le chef de la milice DFi Constanzo qui va torturer l'adjudant Lambert, et un résistant, Capitan qui sera abattu d'une balle dans la nuque. On relèvera 8 fusillés à Saint Rémy du Plain le 7 juillet 1944, et à Broualan 3 tués dans le village et une blessée qui ne survivra pas et 2 fermes incendiées *
* ADIV, 213 W25.
Les Allemands à Cuguen
Le Nord de ce département voit passer de nombreuses troupes allemandes, rendues particulièrement nerveuses à l'annonce du débarquement.
C'est ainsi que le 7 juin 1944, une petite formation traverse Cuguen, commune située entre Combourg et Dol-de-Bretagne. Un des soldats isolés à l'arrière de la colonne est abattu en plein jour par deux hommes qui prennent la fuite. Des renforts demandés par le lieutenant Poppner dit "Bébé Rose" arrivent aussitôt de Combourg
"Bébé Rose" rassemble les habitants du village et les enferme dans l'église, puis place une mitrailleuse face au porche. Pendant ce temps, les allemands procèdent à des perquisitions dans le bourg et réquisitionnent toutes les bicyclettes. Il faudra l'intervention de personnalités locales pour empêcher qu'ils ne mettent le feu à l'église et au village. Trois jours avant le drame d'Oradour, le pire est évité. La troupe ne traîne pas et prend la direction du Front de Normandie, non sans avoir incendié la mairie, l'école et la maison du secrétaire de mairie. *
* ADIV 1045 W 46
La Milice avec la Bezen Perrot à Broualan :
A quelques kilomètres de Cuguen se trouve le
maquis du Bois de Buzot en Broualan. C'est un des rares que compte l'Ille et vilaine, mais c'est un camp de transit utilisé par une centaine de F.T.P.F. et de réfractaires au S.T.O. originaires de la région malouine. Un parachutage devait y être fait mais rien n'a eu lieu..
Le 6 juillet 1944, venant de Cuguen où ils avaient été repérés, trois hommes armés de mitraillettes descendent d'une traction Citroën et pénètrent dans un café du bourg de Broualan. Se disant du maquis de Haute Savoie, ils veulent entrer en contact avec un "adjudant Lambert"
Trouvant ces individus "louches", la patronne du café se rend au village de la Lopinière, un hameau situé à quelques centaines de mètres de Broualan, pour prévenir Raoul Bourdet, un résistant de 38 ans originaires de Paramé.
Celui ci se rend alors sur les lieux pour voir de quoi il retourne, mais à son arrivée, les trois individus avaient déjà quitté le bourg. Cette étrange visite ne manquant pas d'éveiller les soupçons des résistants, le camp est mis en état d'alerte et les sentinelles renforcées.
Bien leur en a pris, car le lendemain 7 juillet, vers 4 heures du matin, une centaine de miliciens de la Franc-Garde, le Groupe d'Action du P.P.F. et trois groupes du Bezen Perrot, dirigés par le S.D. investissent Broualan
Parfaitement renseignés, les Allemands arrêtent aussitôt l'adjudant Lambert qui dormait au bourg chez son beau frère M. Hubert. L'autocar s'arrêtent en plein bourg et presque aussitôt l'adjudant Lambert a été amené par des miliciens et des civils *(ADIV 213 W 25) déclare lors de son interrogatoire R.P., un des membres du Groupe d'Action. Le chef du maquis arrêté, le convoi part donner l'assaut au camp situé à quelques kilomètres.
R.P. affirme que lui et son groupe assuraient la garde des véhicules pendant que les Allemands, la Franc-Garde et les membres du Bezen montent à l'assaut. Il y a tout lieu de le croire, la présence d'éléments en civil lors de cette attaque, risquant en effet de compliquer les choses.
Grâce aux précautions prises la veille, les maquisards étaient sur leurs gardes et parviennent à se dégager en bon ordre pour se regrouper pour se regrouper à Vieux Vel. Peu de temps après, toujours selon R.P. les miliciens reviennent avec une douzaine d'hommes dont certains à peine vêtus. Ces résistants ont été arrêtés, certains dans leurs sommeils alors qu'ils avaient trouvé refuge dans une ferme de la Lopinière, situé à mi chemin entre Broualan et le Bois de Buzot. La ferme pillée et incendiée, ils sont ensuite dirigés vers le bourg où stationnent les autocars.
Parmi ces résistants, on retrouve : Raoul Bourdet : Lorsque j'ai été arrêté à Broualan, je me suis trouvé avec 17 autres prisonniers alignés le long d'un talus, à environ 200 mètres * (ADIV 213 W 47. PV du 2 octobre 1945)
Ce qui va alors se passer au bord de cette petite route qui mène de la Lopinière à Broualan est d'une rare violence confirmée par tous les témoignages recueillis à la Libération.
Imbert, le chef du groupe d'Action, ordonne à l'adjudant Lambert de se déshabiller, puis Di Constanzo, le chef des Francs-Gardes le frappe à coups de ceinturon. On rerouve là une pratique courante chez tous ces tortionnaires : dénuder l'adversaire pour lui ôter toute dignité.. Une liste de résistants ayant été trouvée dans ses vêtements, l'adjudant reçoit l'ordre de se revêtir mais tombe à terre sous les coups.
Un autre membre du groupe d'Action R.C., originaire de saint-Servan, reconnait alors René Capitain, un résistant de Saint-Malo; parmi les prisonniers. S'acharnant sur lui à coups de nerf de boeuf, il lui donne l'ordre de se déshabiller, et pour l'avilir encore plus, lui ordonne de se lettre à cheval sur le dos de l'adjudant Lambert. Les coups pleuvent à nouveau et Capitain ne peut plus se relever.
Un officier de la Milice décide de l'abattre, mais un membre du Groupe d'Action le repousse en criant : Je veux essayer mon colt ! Il envoie une balle à bout portant dans la nuque de Capitain puis déclare au milicien Chouette, je sais qu'il marche ! Une femme d'une cinquantaine d'année, armée et portant un brassard de la Croix Rouge, tourne alors la tête du malheureux avec son pied.
Pendant ce temps "Héric" un des membres du Bezen présent sur place, remarque un adjudant du 1er Régiment de France (Jean Lambert) et un officier américain parmi les résistants arrêtés à la Lopinière. L'officier américain était en civil mais portait sa plaque d'identité militaire. Sur l'ordre de Péresse, qui l'avait réclamé comme prisonnier de guerre pour être mis à la disposition des autorités allemandes, je fis office d'interprète et le questionnait : 28 ans, originaire de New York, il était capitaine dans l'aviation. Fait prisonnier à Saint-Lô, il s'était évadé. Je demandais les clés des menottes à Constanzo. Celui ci me répondit qu'il n'en apportait jamais, n'ayant pas l'habitude de libérer ses prisonniers. Aidé de mes camarades, jr fis sauter ses menottes, ce qui permit à l'officier de boire et de manger*
( ADIV 213 W 36. Interrogatoire du 10 novembre 1944.)
Le cadavre de Capitain, laissé sur place, le convoi quitte Broualan, non sans avoir fait trois victimes dans le bourg : Jean Lebois, Hélène Lebois et Joseph Hue, puis prend la direction de Rennes.
Sur le chemin du retour, les miliciens de la Franc Garde en profite pour effectuer des contrôles et procèder à des arrestations. Après avoir parcouru une quinzaine de kilomètres, le convoi s'arrête au bord de la route à proximité de Saint-Rémy-du-Plain.. Les miliciens font alors descendre de la camionnette, les résistants arrêtés et les emmènent par un chemin creux dans un bois situé à environ 200 mètres de la route, déclare R.P. qui est toujours dans l'autocar
Au bout d'une vingtaine de minutes d'attente, les membres du convoi perçoivent nettement le bruit des rafales de mitraillettes, puis sept ou huit maquisards reviennent escortés par les miliciens, déclare R.P. qui remarque aussi que l'un d'entre eux porte le blouson de cuir d'un jeune résistant de Saint-Servan qui venait d'être abattu.
Quand à l'officier américain selon "Héric" son sort semble avoir été décidé dans l'intervalle : deux ou trois heures après, Péresse change d'idée avec l'accord de Di Constanzo et de Rieck de la S.D., il décide de faire fusiller cet officier. Après que Rieck ai pris sa plaque miolitaire, Péresse nomma pour le fusiller "Poher", "Lizidour" et "Jan". Tous rois refusèrent. Se présentent alors comme volontaires : "Targaz", 'Gwirieg" et "Glaz". Accompagnés de Rieck, Péresse et Constanzo, ils emmènent l'officier à environ 200 mètres, et le lieutenant de la milice tira dans le dos de l'officier qui ne se rendit compte qu'au dernier moment de ce qui lui arrivait. Avant l'assassinat de cet officier, les miliciens avaient déjà tué six autres personnes au même endroit dans la matinée du même jour *
* ADIV 213 W 36)
Lors de son interrogatoire, "Cadoudal", qui n'était pas sur les lieux donne une autre version : Ils ont fait prisonnier un officier américain. Tout d'abord il a été décidé qu'il serait considéré comme prisonnier de guerre. Mais Di Constanzo prétendant qu'il était en civil a voulu qu'il soit fusillé et a demandé des volontaires. Il s'est adressé à "Lizidour", "Cardinal", "Héric" qui ont refusé. Constanzo l'a abattu lui même *
* (ADIV 213 W 33)
Huit résistants, dont l'adjudant Lambert, sont exécutés dans cette ancienne carrière de Touchasse. Le convoi reprend sa route vers Rennes et l'asile Saint-Meen où les personnes arrêtées sont regroupées puis dirigées vers le château d'Apigné pour y être interrogées par la milice..
Toujours dans cette région une autre opération est menée le 27 juillet 1944 à Saint-Marc-sur-Couesnon, et sera la dernière du Bezen sur l'Ille et vilaine.