Si vous le voulez bien, résumons-nous. A la question initiale posée par Airbone44 (qui, entre parenthèses, ne s’est plus manifesté
) : « Pourquoi les Allemands sont-ils allés jusque-là ? » (C’est-à-dire jusqu’à massacrer 642 hommes, femmes et enfants à Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944.)
1) Daniel Laurent répond : « Sur ordre, et venu de haut, le général Lammerding, commandant de la
Das Reich, a rencontré Himmler dans le Sud-Est de la France peu de temps auparavant. […] Il s'agissait de "tirer un coup de semonce" en direction de Vichy. […] Démarche très nazie : un ignoble massacre genre front de l'Est, mais très ponctuel, destiné à faire passer un message : Tenez-vous tranquille, sinon gare. »
2) Tom réplique : « En ce qui concerne le massacre d'Oradour, peut-être a-t-il été commis sur ordre direct de Himmler, mais quelle preuve a-t-on de cela ? Jusqu'à preuve du contraire, ne serait-il pas plus simple de penser que les Waffen-SS de la
Das Reich ont appliqué strictement l'ordre général du maréchal von Rundstedt [et que], parce qu'ils veulent terminer rapidement leur mission de répression dans le Massif central afin de se rendre sur le front de Normandie, ils décident de porter un grand coup qui frappera les esprits de terreur et qui, par la même occasion, les vengera de la capture et de l'exécution par le maquis d'officiers de la division, notamment d'un chef de bataillon prestigieux (Helmut Kämpfe) ? »
3) Après avoir relu J.-L. Leleu (
La Waffen-SS, pages 791-94), Tom ajoute : « Le maréchal von Rundstedt reçoit [le 8 juin 1944] un coup de téléphone du général Jodl (OKW) qui insiste pour que la troupe intervienne dans le Massif central avec "les moyens les plus extrêmes et les plus sanglants" face à la certitude de voir apparaître "un nouvel Etat communiste" dans la région, les cadres de la division étant par ailleurs convaincus d'avoir affaire à un ennemi de type soviétique. Ainsi, selon Leleu, le massacre d’Oradour résulte d’une transposition circonstancielle [mais non fortuite] de méthodes préalablement appliquées à l’est par la division
Das Reich .»
4) Judex précise : « Je pense qu'il faut également prendre en compte la personnalité et le cursus militaire de Lammerding, un officier en fait relativement peu apte au commandement d'une division blindée et de façon certaine "beaucoup plus dans son élément" pour mener à bien une mission de répression ! »
5) Daniel Laurent poursuit : « [Oradour est un cas bien particulier] cas unique en France, […] qui se passe à un endroit où... rien ne s'est passé. Pas d'embuscade de la Resistance, pas de depôts d'armes ou autres, rien, secteur calme. […] Les Allemands ont assez à faire dans les zones "agitées" sans aller perdre leur temps là où rien ne se passe sans raisons particulières. […] A partir de là, la simple connaissance de la façon dont le régime nazi fonctionne permet d'avancer une hypothèse qui, si elle ne sera jamais prouvée […], est, à ma connaissance, la seule qui permet d'expliquer Oradour de manière très logique et très vraisemblable. »
6) Tom cite Nicolas Bernard : « Il faut recourir à des hypothèses [en l'absence de toute trace écrite]. »
7) François Delpla intervient : « Pas de trace écrite ? Il y a tout de même les agendas de Himmler, qui permettent de se faire une idée de sa visite-éclair d'avril à la division
Das Reich et à personne d'autre en France, et qui établissent qu'il est resté une heure en tête à tête avec Lammerding. […] On peut soupçonner que la tuerie d'Oradour est préméditée […] lorsque Himmler vient en personne à Montauban, le 11 avril, donner des instructions générales à la division
Das Reich, devant laquelle il prononce un discours, et sans doute d’autres, particulières et plus précises, à son chef, le général Lammerding. »
Cependant, hypothèse pour hypothèse (puisqu’il n’y a aucune trace de ces « instructions particulières » données, selon François Delpla et Daniel Laurent, à Lammerding par Himmler au sujet d’un futur massacre en France), pourquoi ne pas tout bonnement penser que la visite d’Himmler au Q.G. de la Das Reich à Montauban, le 11 avril 1944 (deux mois avant Oradour), était simplement une visite d’encouragement tout à fait nécessaire lorsqu’on sait que, d’une part, Lammerding, très proche de Himmler, avait dû son commandement à sa faveur et que, d’autre part, la Das Reich (en réalité première division SS de Himmler avant la guerre alors que la Leibstandarte de Sepp Dietrich était plutôt dévouée à Hitler), décimée en Russie, devait faire face à une difficile opération de reconstitution à partir d’éléments très disparates.En effet, dans sa biographie d’Heinz Lammerding (
http://www.1939-45.org/bios/lammerding.htm), Yannis Kadari écrit :
« Promu
SS-Brigadeführer und Generalmajor des Waffen-SS le 20 avril 1944, Heinz Lammerding est chargé de reconstituer la
Das Reich pour en faire à nouveau l'une des plus puissantes
Panzer-Divisionen du IIIe Reich. Néanmoins, la tâche est délicate. Les soldats à l'instruction dans les alentours de Montauban sont principalement des appelés. Tous ne sont pas Allemands. On trouve par exemple un important contingent d'Alsaciens dont Lammerding se méfie. Pour ne rien arranger, Berlin a affecté à la
Das Reich de nombreux anciens prisonniers russes qui ont rejoint l'Allemagne dans sa lutte, les
Hiwis. Ces derniers préférent reprendre le combat sous l'uniforme
feldgrau plutôt que de mourir à petit feu dans les camps de prisonniers. »
Preuve que les relations entre Himmler et Lammerding sont étroites, mais ne concernent guère les futurs massacres en France (qui sont surtout importants pour nous Français !), celui-ci écrit à celui-là le 3 mai 1944 :« Reichsführer !
La 2.SS-Panzer-Division a l’intention d’organiser un camp de trois jours pour réunir les volontaires germaniques et les autres volontaires européens qui servent dans ses rangs. Ce rassemblement a pour but d’approfondir la camaraderie européenne et la conscience d’une destinée commune par des conférences, des débats, [des films, des concerts, des cérémonies, des compétitions ainsi que par des visites culturelles dans la région]. […] En ce moment, au sein de la division, il y a des volontaires provenant de plus de quinze pays européens. […] La division demande la permission de tenir ce camp. »
Le 18 mai 1944, Himmler répond :
« Cher camarade Lammerding,
Le Reichsführer-SS donne avec plaisir son accord […]. Il vous demande simplement une liste des participants selon les différents pays d’origine […].
Cordiales salutations et Heil Hitler ! »