Dans Oradour de l'historienne américaine Sarah Farmer (Perrin, 2004 pour la traduction française), on trouve les informations suivantes dans le chapitre « Les lendemains du massacre » :
Le 16 juin [1944] un agent des Renseignements généraux faisait le rapport suivant : « Ce ne fut que le lundi 12 juin qu’on sut que le samedi 10, dans le courant de l’après-midi, le bourg entier d’Oradour-sur-Glane avait été la proie des flammes et que toute la population avait été passée par les armes ou brûlée à la suite d’opérations de police effectuées par les autorités occupantes. […] »
[…]
Le 15 juin, le préfet de région, M. Freund-Valade, envoya un long rapport au gouvernement de Vichy, décrivant en détail le massacre et signalant que l’évêque et lui-même avaient personnellement protesté contre une telle exaction auprès du chef des autorités d’occupation, le général Gleiniger.
[…]
Devant la consternation et le tollé provoqués par le massacre, les autorités allemandes et Vichy tentèrent de limiter l’information et la discussion publiques de l’événement.
[…]
La nouvelle du massacre d’Oradour se répandit dans la région, puis à l’étranger avant d’être rapportée par la presse nationale. […] Ce ne fut que deux semaines plus tard que l’événement fut connu à travers toute la France. […] Ce ne fut pas avant le mois de juillet cependant que l’histoire des atrocités commises à Oradour atteignit une publicité nationale, grâce à la presse clandestine de la Résistance.
Rappelons encore une fois, de manière très succincte et condensée, les deux réponses principales en présence à la question initiale Pourquoi Oradour ?
Première réponse. Pas de préméditation connue de source sûre avant le 8 juin 1944. Selon les archives (voir Leleu, op. cit.), ce jour-là, le maréchal von Rundstedt, commandant en chef du front Ouest, reçoit un coup de téléphone du général Jodl (commandement suprême de la Wehrmacht) qui insiste pour que la troupe intervienne dans le Massif central avec « les moyens les plus extrêmes et les plus sanglants » face à la certitude de voir apparaître « un nouvel Etat communiste » dans la région. Le même jour, 8 juin 1944, Von Rundstedt ordonne alors aux troupes de prendre « les mesures les plus énergiques afin d’effrayer les habitants de cette région infestée, à qui il faudra faire passer le goût d’accueillir les groupes de résistance et de se laisser gouverner par eux ». Les Waffen-SS de la division Das Reich, qui se trouvent sur place pour lutter contre le « terrorisme », sont convaincus d'avoir affaire à un ennemi de type soviétique. Parce qu'ils veulent terminer rapidement leur mission de répression afin de partir pour le front de Normandie le 11 juin au plus tard, ils décident de porter un grand coup qui frappera les esprits de terreur : anéantir un gros village comme ils l’ont souvent fait en Union soviétique…
Deuxième réponse. Préméditation au moins depuis le 11 avril 1944, date de la visite de Himmler à Lammerding, le commandant de la Das Reich. Il n’y a cependant aucun document d’archives qui corrobore cette opinion. Daniel Laurent, qui partage cette dernière, écrit : « C’est une hypothèse qui ne sera jamais prouvée ». François Delpla, principal tenant de cette opinion, déclare : « On peut soupçonner que la tuerie d'Oradour est préméditée. » Pourquoi ? Daniel Laurent : « Il s’agit de tirer un coup de semonce en direction de Vichy » pour que « Pétain adjure les Français à ne pas se mêler d’une guerre qui n’est pas la leur ». François Delpla : « L'un des intérêts de cette tuerie hors normes est de faire vivre [Pétain] avec au ventre la peur d'un second Oradour, tout comme on va tuer Mandel en lui disant que Blum et Reynaud suivent. Notamment s'il démissionne, ce qui serait censé lâcher la bride à toutes les brutes, françaises comme allemandes. Rien n'est plus précieux alors pour l'occupant que de garder Pétain et Laval dans leur rôle théorique de chefs, comme garants d'une certaine "protection" et d'abord à leurs propres yeux. »
P.-S. Comme promis, voici la source de l'échange épistolaire entre Himmler et son cher camarade Lammerding : http://www.oradour.info/appendix/lammreq1.htm