Post Numéro: 918 de François Delpla 14 Juin 2019, 05:15
Un pont vers la vérité ?
Dans le
Populaire du Centre, en février 2016
https://www.lepopulaire.fr/oradour-sur- ... SA#refresh :
C'est une hypothèse parmi tant d'autres, mais elle vaut peut-être la peine d'être étudiée. Dans un court ouvrage qu'il vient de publier, Georges Pont, Rochechouartais de naissance et ancien magistrat bordelais, conforte la thèse selon laquelle les SS ont bel et bien visé Oradour dans une logique de représailles, et non par hasard. Mais l'auteur va plus loin. Selon lui, il se pourrait que les nazis aient confondu Oradour avec Peyrilhac en raisonæ d'un simple défaut de signalisation.
D'après Georges Pont, la capture du lieutenant allemand Gerlach par des résistants aurait été un événement décisif. « Il est tout à fait plausible que l'officier prisonnier ait finalement induit les allemands en erreur », explique l'auteur. L'homme aurait en effet été conduit le 9 juin 1944 - la veille du massacre - à Peyrilhac, où il aurait été quelque peu malmené par des habitants, avant d'être emmené à l'extérieur du bourg, lequel était à l'époque dépourvu de toute signalisation. Le convoi des résistants et de leur prisonnier aurait ensuite fait une halte à l'intersection de la route d'Oradour, où se trouvait un panneau : « Oradour-sur-Glane, 8 km ». On sait ensuite que Gerlach s'est échappé avant de rejoindre Limoges et de raconter sa mésaventure.
Le lieutenant allemand aurait-il désigné par erreur le bourg d'Oradour lors de son retour à Limoges, ce qui expliquerait le choix du lieu du massacre perpétré quelques heures plus tard en guise de représailles ?
De ce point de vue, l'incendie d'Oradour serait proche parent de celui du Reichstag, le premier de la série, aussi bien dans l'histoire que dans son écriture dite "fonctionnaliste".
Georges Pont se fonde à la fois sur son intuition et sur plusieurs témoignages dont celui de l'un de ses anciens camarades de lycée, le fils du boulanger de Peyrilhac, témoin direct d'une partie des faits. L'auteur se base aussi sur ses propres souvenirs et sur de longues années de réflexion et d'enquête. « Je voulais apporter ma contribution parce que je sais que bientôt je ne serai plus là, explique Georges Pont, aujourd'hui âgé de 91 ans. Le massacre d'Oradour m'a hanté toute mon existence. J'ai présidé bien des cours d'assises, et chaque fois j'ai prié les jurés d'écouter leur intime conviction. Maintenant, c'est à mon tour d'écouter la mienne. » Georges Pont ne conteste la vision dominante que sur un détail.
Il part, comme beaucoup, de l'idée (induite par la communication nazie du lendemain) qu'Oradour était une action de représailles, localement motivée, ce qui est impuissant à expliquer sa démesure.
Une hypothèse plus logique est qu'il s'agit bien de représailles, mais à motivation beaucoup plus large : ce qu'on punit le 10 juin 1944, ce sont tous les soulèvements en France depuis le débarquement (l'éphémère libération de Tulle n'étant que l'un des cent exemples, et étant localement punie par les pendaisons). Pour cela on tue sans discernement tout un gros bourg, bien relié à des voies de communication pour que la nouvelle circule vite. Et pour faciliter l'exécution et la leçon, il faut que cet endroit ne soit précisément pas un foyer de résistance.
Pour étayer cette hypothèse, rien de local, et pour cause. Mais tout un faisceau d'indices dans la préparation à la fois fébrile et minutieuse du débarquement, côté allemand, depuis son annonce début décembre 43 à la conférence de Téhéran. Par exemple, l'allocution de Pétain diffusée le matin du 6 juin est enregistrée le 17 mars, après deux mois environ de tractations serrées sur son texte. Elle ordonne aux auditeurs de n'aider sous aucun prétexte leurs libérateurs. Tout se passe comme si c'était leur désobéissance qui était sanctionnée par un massacre gratuit... et unique.
Une telle chose aurait pu être envisagée lors d'une conversation entre Lammerding et Himmler, venu haranguer la Das Reich à Montauban le 11 avril.
Si cette hypothèse est encore rarement formulée, la cause, en tout cas, n'en est pas mystérieuse : c'est l'habitude invétérée d'expliquer autant que possible tout acte nazi par des causes locales et conjoncturelles, faute de percevoir la centralisation de ce système sous un chef vigilant et retors.
De ce point de vue, l'incendie d'Oradour serait proche parent de celui du Reichstag, le premier de la série, aussi bien dans l'histoire que dans son écriture dite "fonctionnaliste", accouchant au début des années 1960 de la thèse "van der Lubbe acteur unique"
https://www.ifz-muenchen.de/heftarchiv/1964_4.pdf .