bonjour,
Je suis originaire de CARANTEC dans le Finistère . Si, à l’occasion vous passez par là, allez visiter le petit musée maritime (en saison), vous y trouverez les éléments de l’histoire du Réseau d’évasion Ernest SIBIRIL et le bateau, ayant servi à sa propre évasion le 31 Octobre 1943 avec 7 autres passagers . Le REQUIN est un cotre de 5,90 m, construit de bric et de broc dans la clandestinité, la motorisation étant assurée par un vieux moteur de voiture de 10cv. Les allemands avaient répertoriés tous les bateaux en activité et les épaves qui , jusque- là étaient récupérées et remises en état. E.SIBIRIL était en danger et devait quitter la France dans l’urgence : la construction de ce bateau prendra 11 jours et…nuits.
Un autre des bateaux du réseau, le « S’ILS TE MORDENT », est exposé à l’Institut Jean MOULIN de Bordeaux. Des bateaux, il y en a eu 15 à partir + un : le « POURQUOI PAS ? »
Le « POURQUOI PAS »est le nom du célèbre bateau du Cdt CHARCOT donné à un sablier de 8,50m par son patron, lui-même ancien marin de ce dernier. Il organisera, au départ du Pont de la Corde en commune d’Henvic dans le Finistère, les toutes premières évasions vers les Iles Britanniques. Dès la fin Juin 40, ce bateau assurera plusieurs rotations entre la côte bretonne et Jersey et jusqu’à Fowey, en Cornouaille anglaise le 4 juillet 40. Une cinquantaine de personnes auraient bénéficié de ces rotations. Par la suite le « POURQUOI PAS ? » et son patron aidé de son fils participera aux liaison établies avec des unités britanniques. Menacés d’être pris par les allemands, le père(70 ans) et le fils (16 ans), demanderont de l’aide auprès de leur ami, Ernest SIBIRIL,constructeur naval à Carantec. Ils quitteront la Bretagne le 10 Février 1942, à bord du premier bateau du réseau d’évasion E. SIBIRIL, le cotre de pêche « ANDRE », 7,50 m. Ils seront accompagnés de 2 autres passagers (un officier belge des services de renseignement et une infirmière major).
La première difficulté de ces opérations sera de trouver des bateaux. La totalité du matériel naviguant était répertorié par les allemands. Des épaves seront récupérées et remisent en état , motorisées le plus souvent avec des moteurs de voitures. L’autre problème sera de tromper la vigilance des allemands qui ont déclaré « zone interdite » toute la côte, réglementé la pêche et installé de nombreux postes de guet armés. Ils occupent également toutes les villas entourant le chantier. Ces bateaux et ces Hommes se sont faufilés là où seul des courants d’air pouvaient passer inaperçus. Chacune des 15 évasions qui auront lieu du 10 Février 1942 au 14 Février 1944 constitue une véritable aventure.
En voici la liste :
-Après l’ANDRE, la MONIQUE, un cotre de 5,50 m , quitte Carantec le 20 Juillet 1942 avec 5 évadés ,tous FFL
-L’YVONNE, cotre de 6,00m, le 06 Février 1943, 11 évadés dont un pilote RAF et 2 membres de l’équipage d’un B17 de l’USAAF abattu au-dessus de EDERN (56) le 23 Janvier 1943.
-S’ILS TE MORDENT, cotre de 6,70 m, le 6 Mars 1943 avec 9 évadés. Le nom de ce bateau fait allusion à la devise de la ville de Morlaix : « S’ils te mordent, mords-les », le « ils », désignant les Anglais…..
-Le JEAN, goèmonier de 6,75 m, le 29 Mars 1943 avec 18 passagers (dont un aviateur de l’USAAF).
-La JEANNE, cotre pilote de 5,00m, le 4 Avril 1943 avec 4 évadés
-Le RED ATAO, canot breton de 5,00 m, le 28 Avril 1943 avec 5 évadés
-Le TOR E BEN (« Casse-tête »), cotre de 6,70 m, le 11 Mai 1943 avec 12 évadés. Ce bateau avait été construit à Carantec en 1913 au chantier PAUVY, mon arrière grand- père.
-Simultanément le 29 Mai 1943 : Le KERMOR, cotre de 5,60 m avec 11 évadés et le METEOR, cotre de 6,00 m avec 13 évadés( dont un aviateur de l’USAAF)
-Le SAINT YVES, sablier de 11,50m,le 7 Juin 1943 avec 24 évadés. La disparition de cette épave sera repéré par les allemands et compliquera les départs qui suivront, la menace de prise d’otages pesait . Le 23 juin , le message d’alerte de Londres : « Ernest rejoindra immédiatement Adolphe Lapierre (pseudo d’un agent passé à Carantec), gare aux « frégatons »(agents allemands) « , met en garde Ernest SIBIRIL du danger.
-L’ARMORIK, cotre de 5,75 m , le 17 juillet 1943 avec 13 passagers (… ?…), perdu dans le brouillard , en panne de moteur ,il aborde l’Ile Grande le 20 Juillet, il ralliera Carantec et repartira avec 3 passagers le 23 Juillet.
-Le PIRATE, goémonier de 6,50 m, le 23 Juillet 1943 avec 7 évadés.
-Le REQUIN, vu plus haut et avec parmi ses passagers un pilote du 363ème squadron de la RAF.
- L’AMITY,le dernier, goémonier de 6,75 M, le 14 Février 1944, avec 22 évadés.
La plupart des évadés rejoindront les FNFL, les FAFL, les FFL, 7 d’entre eux débarqueront avec le commando KIEFFER le 6 juin 1944. Le jeune fils du patron du POURQUOI PAS ? sera breveté parachutiste à moins de 17 ans et reviendra en France avec le 2ème RCP le 10 Juin 1944, au sud de la Loire, sera dans les Ardennes lors de l’opération Franklin en Décembre 1944 et sautera avec le 20ème stick SAS au SE d’ASSEN en Avril 1945.
SOURCE : « CHANTIER D’EVASION, CARANTEC (1940-1944)-RESEAU SIBIRIL-ALLIANCE » de Roger HUGUEN