Un certain Georges Charles, dans l’éditorial de son site Internet (http://www.tao-yin.com/edito/maquis_mont_mouchet06.htm), présente un exposé apparemment bien documenté et illustré sur les maquis français. Au sujet des Glières, il fait référence à ma page http://alain.cerri.free.fr/index4.html, mais, outre quelques erreurs, il fait aussi, à mon sens, de graves insinuations en donnant à entendre, d’une part, que le maquis des Glières aurait été formé avec des F.T.P. et des républicains espagnols, et surtout, d’autre part, que Tom Morel aurait été assassiné sur l’ordre de ses chefs !
Tout d’abord, Georges Charles écrit que le maquis des Glières était, au début, composé d’une centaine de républicains espagnols et de F.T.P. Or, si deux sections de F.T.P. et exactement cinquante-six républicains espagnols réfugiés ont rejoint le maquis des Glières, celui-ci a été constitué au départ d’environ cent quarante maquisards de l’A.S., à savoir les cent vingt hommes des trois camps montés sur le plateau le 31 janvier 1944 sous la protection du corps franc de Thônes (où se trouvait mon père) et la vingtaine d’hommes déjà sur place.
Ensuite, plus grave, si Georges Charles rapporte (sans me citer) le passage où j’explique que le rassemblement sur le plateau des Glières du plus grand nombre des maquisards haut savoyards a été décidé au cours d'une réunion tenue à Annecy le 8 février 1944, il observe que Tom Morel, absent à la réunion, mais tenu au courant de la décision, critique vivement celle-ci comme étant totalement contraire aux règles de la guerre clandestine, cela pour insinuer que Tom Morel aurait peut-être été abattu volontairement par son propre camp !
En effet, Georges Charles déclare plus loin : Tom Morel, qui critique toujours vivement ce regroupement, est abattu de plusieurs balles dans le dos dans la nuit du 9 au 10 mars dans des circonstances assez compliquées où les témoignages diffèrent. Cet assassinat est officiellement mis sur le compte de la Milice (sic) et d'un officier de celle-ci qui aurait trahi la parole qu'il aurait donnée à Tom Morel lorsque celui-ci était venu demander la libération de plusieurs maquisards détenus. Il est remplacé par le capitaine Anjot qui ne discute pas les ordres reçus, mais les exécute sans le moindre état d'âme.
Or, s’il est très possible que Tom Morel ait pu formuler ces critiques, c’était un officier d’active de 28 ans, saint-cyrien, ancien instructeur à Saint-Cyr, fait chevalier de la Légion d'honneur en 1940... : je doute fort qu’il ait pu être soupçonné de ne pas obéir aux ordres !
De toute façon, de nombreux témoins ont assisté à sa mort. Évidemment, comme toujours dans le feu de l’action, les témoignages diffèrent, mais ils sont formels sur ce point : Tom a été tué par le commandant du G.M.R. (Groupe mobile de réserve de la police de Vichy) avec lequel il était venu parlementer. Je ne citerai que deux témoignages à l’appui :
1) Celui de l’adjudant Humbert, commandant une compagnie aux Glières, qui se trouvait à côté de Tom au moment du drame : Morel est tombé à mes pieds tué par le commandant Lefèvre. (cité par Alain Dalotel in Le maquis des Glières, Plon, 1992, page 364) ;
2) Celui de Georges Perrotin, éclaireur skieur du bataillon des Glières, qui se trouvait dans la section emmenée à l’assaut par Tom et qui a été blessé dans le combat avec les GMR : A peine Humbert a-t-il ouvert la porte qu’il se trouve face au commandant du G.M.R. revolver au poing qui lui fait faire brusquement volte-face en le prenant par le bras et lui appuie le canon de son revolver dans le dos (…). Tom s’élance et arrache le revolver des mains du GMR, le bouscule et le plaque contre le mur en criant : "C’est ainsi que tu respectes tes engagements ! Tu n’as pas honte ? Tu n’es pas digne d’être officier. Tu n’as pas tenu parole. Tu es un traître et un lâche. Tu es mon prisonnier". Sans proférer une parole, le GMR sort un petit revolver de sa poche et, à bout portant, il abat notre lieutenant d’une balle en plein cœur. Il dirige alors son arme contre Humbert, mais une mitraillette crépite. L’assassin a expié… » (cité, entre autres, par Claude Antoine in Le bataillon des Glières, Cabédita, 1998).
Cela dit, je ne m’érige point en gardien du temple et ne réclame pas une loi pour interdire à Georges Charles d’exprimer de telles opinions, mais je tiens à marquer mon désaccord (du moins jusqu‘à ce que des faits nouveaux montrent que j‘ai tort)…