L’ouvrage que je suis actuellement en train de lire réunit les interventions de différents historiens et témoins de la France Libre.
L’une d’entre elles, signée de Robert Belot, traite des Français qui auraient pu rejoindre le général de Gaulle mais qui ne le voulurent pas. Il s’agit de personnes qui souhaitaient poursuivre le combat, qui ne croyaient pas que la victoire de l’Allemagne était inéluctable, et qui pour autant refusèrent d’appartenir au mouvement de la France Libre.
Robert Belot classe ces personnes en 5 grandes catégories :
1. D’abord « l’impératif catégorique du sol natal ». Cela concerne ceux pour qui la résistance française à l’Allemagne doit avant tout se faire sur le sol français. Ils refusent de partir en exil, par principe (il faut continuer la lutte en France) mais aussi pour protéger leurs proches. Ils pensent que partir se battre à l’étranger est moins efficace que de résister sur le territoire national. Certains mouvements de la Résistance intérieure furent même assez critiques envers les Français Libres, plus ou moins soupçonnés d’être à la solde de l’étranger.
2. « Les indépendantistes : préserver sa liberté et son indépendance ». Ceux-la vivent en exil, en Grande-Bretagne notamment, et pourtant ne souhaitent être sous l’autorité du général de Gaulle. Ils entendent ainsi préserver leur indépendance, de parole en particulier. Ce sont surtout des journalistes et des intellectuels. Ils vont, à leur manière, lutter contre l’ennemi en utilisant les médias (radio et presse écrite). Ce sont eux qui ont animé la célèbre émission de la BBC ‘Ici Londres. Les Français parlent aux Français’. Ils conservent ainsi une liberté de ton, notamment envers le général de Gaulle dont ils ne dépendent pas. A leurs yeux, cela démontrait que la diversité existait au sein de la Résistance extérieure. A noter qu’ils ne sont pas obligatoirement hostiles à de Gaulle.
3. « Un vieux fond d’antimilitarisme ». Les membres de cette catégorie sont assez proches de ceux de la catégorie précédente. Leur refus de se joindre à de Gaulle s’explique par un esprit d’indépendance, mais aussi par une défiance envers le général. Celui-ci est vu comme un homme intéressé par le pouvoir, ambitieux, voire comme un apprenti dictateur. En tout cas il est perçu comme étant une menace pour la démocratie. Il faut dire que dans les premiers temps de la France Libre certains proches du général étaient très mal vus (Passy/Dewavrin en particulier). De Gaulle était accusé d’être entouré de Cagoulards, de gens appartenant à l’extrême-droite. D’autant plus que ce dernier n’évoque pas la République ou les valeurs de 1789 lorsqu’il s’exprime au début de la France Libre. A cela s’ajoute le fait que les républicains voient d’un très mauvais oeil qu’un militaire s’occupe de politique. Les antécédents du boulangisme et du bonapartisme avaient laissé des traces. De la à voir en de Gaulle un caudillo voire un fasciste, il y a un pas que certains n’hésitèrent pas à franchir. Ces opposant au Connétable créèrent la célèbre revue La France Libre, animée par Raymond Aron en particulier.
4. « L’impossibilité de concevoir une autorité nationale hors de la France ». Il s’agit de personnes qui estiment que le seul gouvernement légitime est celui du maréchal Pétain (sans pour autant être pétainiste). Pour eux, l’action du général de Gaulle ne peut être que militaire (commander une force militaire) et pas politique (diriger un mouvement politique). C’est l’opinion exprimée par des diplomates tels que Jules Cambon, Charles Corbin et Alexis Léger. A leurs yeux il ne saurait exister de gouvernement français en exil.
5. « Les chefs militaires de l’Empire : le souci du légalisme ». J’avais déjà eu l’occasion d’évoquer ce sujet ici même :
http://www.debarquement-normandie.com/p ... 8&start=15
J'y apporterais des précisions prochainement.