, Alfred!
Les misères du logement avaient, effectivement, posé de sérieux problèmes dans l'immédiat après-guerre. Après avoir du évacuer Lorient, ma grand-mère et future mère, qui travaillait comme secrétaire de direction d'une conserverie, s'étaient trouvées à loger, à Riec-sur-Belon, où l'une des succursales de l'entreprise était installée.
Retour sur Lorient, à l'été 1945, et, là-aussi, découverte d'un gros cratère à la place de la maison familiale. Le temps de se faire "enfler", avec les tristounettes indemnisations versées par l'Etat pour dommages de guerre, soigneusement mises en place après une dévaluation monumentale, nous avions pris le chemin du Maroc; je précise "nous", car, en cours de route, en novembre 1946, ma mère avait accouché de son superbe rejeton, "Moa"
, dans une clinique de Boulogne-sur-Seine - à l'époque, on ne parlait pas encore de Boulogne-Billancourt ... désignation beaucoup trop "popu" pour son quartier bourgeois!
-.
Au début, nous nous étions installés à Fédala - encore une succursale de la conserverie!-; logistiquement, le Maroc nous arrangeait bien, ma mère-grand y ayant usé, précédemment, ses fonds de culotte, dans le sillage de Lyautey et feu son époux, artilleur de la Coloniale, et, alors que mon géniteur dirigeait, alors, une exploitation forestière au fin fond de "l'Afrique Noire".
De toute manière, dans la famille, nous sommes désespérement estampillés "Afrique", ma mère ayant, elle-même, été conçue et née dans l'ile de Gorée, en face de Dakar, au milieu des tirailleurs sénégalais, qui se battaient presque pour tenir fièrement le marmot dans leurs bras.
Mes premiers souvenirs cinématographiques remontent, eux, au début des années 50, dans les salles de projection de Casablanca, qui n'avaient rien à envier aux plus belles salles parisiennes, sauf que, à un moment, les mouvements indépendantistes marocains avaient entrepris d'y faire exploser des grenades - on était, alors, deux ans avant les toutes premières attaques du FLN, en Algérie -. Résultat, désertion quasi-générale des spectateurs européens.
En 54, nous avions migré à Bagdad, pour opportunité professionnelle; çà avait bien aidé parce que çà commençait, alors, à sentir sérieusement le roussi au Maroc - en réalité, les inquiétudes "légitimes" des français locaux avaient été de très loin supérieures aux conséquences du retour du roi Mohamed V, mais bon -.
A Bagdad, j'avais, ainsi, découvert le cinéma "drive-in" de nuit, sur un immense parking - à l'époque, le parc automobile local était très majoritairement constitué d'interminables berlines américaines-; en été, la soirée est la période la plus agréable; après des pointes à + 50°C, à l'ombre, en plein après-midi, 25 ou 27°C, une fois, le soleil couché, constitue un véritable "pied".
Pompée, directement, sur la pratique américaine, la projection s'effectuait sur un "immense écran" - dans ma mémoire de jeune gamin -, installé en plein air - il y avait bien 250-300 voitures à chaque projection, soit pas loin de 1000 spectateurs payants -. On y projetait, alors, essentiellement, des productions hollywoodiennes, en langue anglaise, mais sous-titrées en arabe et en français (Eh, voui
).
C'était très étonnant, car dans la ville et ses quartiers résidentiels, nous vivions quasiment à l'européenne - cependant, il convient de ne pas rêver, non plus! -, mais, dès qu'on avait bouffé les 20 km de route goudronnée en sortie de la ville - alors que l'Irak était un des principaux fournisseurs de pétrole, indispensable pour l'élaboration du "goudron", qui, par contre, lui ne fondait pas sous le cagna local - on se retrouvait, très vite, sur des pistes en terre, dont les principales étaient généreusement arrosées de pétrole (!) par des épandeuses, afin de limiter la poussière, avec des populations rurales agricoles ou éleveuses - troupeaux de dromadaires, de vaches à "bosses", très similaires aux zébus, de buffles, ou de mouton locaux (avec la particularité d'une poche de graisse, un peu comme les castors (!), sous la queue!) -, qui s'étaient installées à proximité immédiate des voies d'eaux (Tigre, Euphrate et canaux d'irrigation) et, à peu de choses près, vivaient leur quotidien immuable depuis de long siècles.
A Beyrouth, plus de deux ans plus tard, de part et d'autre de l'entrée de certains cinémas, sur le trottoir, il y avait, par exemple, de monumentales reproductions en carton, d'une hauteur de 3 m, de Brigitte Bardot dans une semi-nudité des plus subjectives. Cà serait inenvisageable de nos jours,... même en France!