Nazisme et humanisme
Posté: 03 Avr 2005, 22:35
Bonsoir à tous !
Je reviens enfin « au bercail » après une longue absence. Je suis heureuse de vous retrouver et de pouvoir reprendre ces conversations passionnées, bien que je me sente un peu en décalage, après tant de sujets manqués...
Un post donc, pour reprendre de bonnes habitudes... J’ai gardé un article du Monde datant de janvier dernier, un entretien avec le philosophe Jean Luc Nancy autour des commémorations de la libération des camps, article qui m’avait interpellée. On pouvait y lire des réflexions sur la nature du nazisme :
« Le nazisme est l’auto-idôlatrie absolue », « les camps sont une machine à représentation : le nazi s’y donne le spectacle de sa toute-puissance et de l’absolue déchéance qu’elle a fabriquée comme sa contre-image »
« Le monde qui a fait Auschwitz est toujours notre monde. Ce monde est le monde de l’histoire cassée : l’Allemagne et la France des années 1930 sentaient se rompre l’histoire de l’Occident triomphant, de sa conquête du monde et du savoir, de la maîtrise d’un progrès. Auschwitz peut-être entendu comme le cri forcené d’une volonté d’aller au bout de la rupture pour tout « régénérer » ».
« L’homme ne nous donne plus la mesure de rien. A quoi ou par quoi faut-il mesurer l’homme ? Pascal écrit que « l’homme passe infiniment l’homme ».
On touche ici à un thème que je trouve très intéressant, qui est celui de la négation d’une mesure de l’homme comme terreau d’implantation du nazisme. On retrouve ce thème dans Calligula d’A. Camus par exemple, où le héros, tyran de Rome, se lance dans une folie de destruction logique et systématique, totalitaire, « désir d’impossible » (que l’on peut rapprocher du « cri forcené d’une volonté » dont parle J.L. Nancy) , pour parvenir à la conclusion que voici : dans un « monde sans juge », « rien dans ce monde, ni dans l’autre, qui ne soit à ma mesure » . Le relativisme des valeurs étant un des principaux symptômes de cette absence de mesure humaine : « Je crois que toutes [les actions] sont équivalentes ».
La mort de l’humanisme, après-guerre, ne fait que renforcer cette analyse : l’attitude humaniste, qui fait de l’homme la valeur suprême, est, aussi curieux que cela puisse paraître, à l’origine de la barbarie, car elle ne soumet l’organisation sociale à aucun ordre supérieur ; l’inhumain apparaît ainsi comme un produit de l’homme. L’existentialisme voudra alors se poser comme le sauveur potentiel de l’humanisme, non plus en soutenant une définition générale de l’homme mais en défendant la valeur de chaque sujet particulier.
Quoi qu’il en soit, on en arrive à un constat effrayant, qui est celui d’une dérive totalitaire qui serait en quelque sorte inhérente à la conscience qu’à l’homme d’un monde qui ne serait pas à sa mesure, à sa hauteur, conscience qu’il s’est forgée à la suite de siècles de réflexion sur sa condition...
« Le ventre est toujours fécond, d’où sortit la bête immonde » B. Brecht
Je crains que nous n’en ayons des exemples quotidiens.
Amicalement,
Jawa
Je reviens enfin « au bercail » après une longue absence. Je suis heureuse de vous retrouver et de pouvoir reprendre ces conversations passionnées, bien que je me sente un peu en décalage, après tant de sujets manqués...
Un post donc, pour reprendre de bonnes habitudes... J’ai gardé un article du Monde datant de janvier dernier, un entretien avec le philosophe Jean Luc Nancy autour des commémorations de la libération des camps, article qui m’avait interpellée. On pouvait y lire des réflexions sur la nature du nazisme :
« Le nazisme est l’auto-idôlatrie absolue », « les camps sont une machine à représentation : le nazi s’y donne le spectacle de sa toute-puissance et de l’absolue déchéance qu’elle a fabriquée comme sa contre-image »
« Le monde qui a fait Auschwitz est toujours notre monde. Ce monde est le monde de l’histoire cassée : l’Allemagne et la France des années 1930 sentaient se rompre l’histoire de l’Occident triomphant, de sa conquête du monde et du savoir, de la maîtrise d’un progrès. Auschwitz peut-être entendu comme le cri forcené d’une volonté d’aller au bout de la rupture pour tout « régénérer » ».
« L’homme ne nous donne plus la mesure de rien. A quoi ou par quoi faut-il mesurer l’homme ? Pascal écrit que « l’homme passe infiniment l’homme ».
On touche ici à un thème que je trouve très intéressant, qui est celui de la négation d’une mesure de l’homme comme terreau d’implantation du nazisme. On retrouve ce thème dans Calligula d’A. Camus par exemple, où le héros, tyran de Rome, se lance dans une folie de destruction logique et systématique, totalitaire, « désir d’impossible » (que l’on peut rapprocher du « cri forcené d’une volonté » dont parle J.L. Nancy) , pour parvenir à la conclusion que voici : dans un « monde sans juge », « rien dans ce monde, ni dans l’autre, qui ne soit à ma mesure » . Le relativisme des valeurs étant un des principaux symptômes de cette absence de mesure humaine : « Je crois que toutes [les actions] sont équivalentes ».
La mort de l’humanisme, après-guerre, ne fait que renforcer cette analyse : l’attitude humaniste, qui fait de l’homme la valeur suprême, est, aussi curieux que cela puisse paraître, à l’origine de la barbarie, car elle ne soumet l’organisation sociale à aucun ordre supérieur ; l’inhumain apparaît ainsi comme un produit de l’homme. L’existentialisme voudra alors se poser comme le sauveur potentiel de l’humanisme, non plus en soutenant une définition générale de l’homme mais en défendant la valeur de chaque sujet particulier.
Quoi qu’il en soit, on en arrive à un constat effrayant, qui est celui d’une dérive totalitaire qui serait en quelque sorte inhérente à la conscience qu’à l’homme d’un monde qui ne serait pas à sa mesure, à sa hauteur, conscience qu’il s’est forgée à la suite de siècles de réflexion sur sa condition...
« Le ventre est toujours fécond, d’où sortit la bête immonde » B. Brecht
Je crains que nous n’en ayons des exemples quotidiens.
Amicalement,
Jawa