Chronique de la Moselle : la nazifiction

Chronique de la Moselle annexée : les tentatives de nazification des lorrains

Mise en place de la Communauté du Peuple Allemand (Deutsche Volksgemeinschaft ou D.V.G.)

Une défiance envers les lorrains et un règlement du NSDAP qui réserve l’adhésion aux citoyens du Reich barrent la route à une campagne d’adhésion au parti nazi. Une parade existe : le Gauleiter Bürckel crée une sous organisation lorraine du NSDAP, la Communauté du Peuple Allemand (DVG). Elle permet ainsi d’enrôler les « Volksdeutsche Lothringer ».
Un appel du Kreisleiter de Metz du 27 août 1940 proclame « tous les hommes et toutes les femmes vont se grouper au sein de la D.V.G. Ce sera désormais l’organisation de tous ceux qui se reconnaissent allemands … Inscrivez vous… Personne ne doit s’abstenir ».
Les lorrains doivent signer la déclaration suivante « je fais profession de foi envers le Führer et le peuple. Je demande à être admis au sein de la communauté allemande ».
Ceux qui refusent sont considérés comme « francophiles » ou « anti allemands » et risquent l’expulsion. En outre, les évacués de septembre 1939 ayant opté pour le retour au pays, sont contraints d’adhérer pour obtenir le précieux sésame (ausweis).

Les limites du recrutement massif sous la contrainte

Le jour de son entrée solennelle à Metz, le 21 septembre 1940, le Gauleiter Bürckel prétend que la D.V.G. compte 217 300 membres.
Et, lorsque Bürckel annonce l’octroi de la nationalité allemande aux lorrains en août 1942, il affirme que 98 % des lorrains sont inscrits à la D.V.G. Le taux d’adhésion supérieur à celui du parti nazi dans le Reich qui prouve le caractère contraint de l’appartenance à la D.V.G..
Afin de rassurer les lorrains, René Cassin, sur les ondes de la B.B.C. le 16 septembre 1942, incite les lorrains à adhérer sans remord et à accepter de devenir citoyen allemand pour éviter des représailles. En effet, le serment d’allégeance au Reich Allemand est sans valeur car extorqué sous la menace et contraire à l’article 25 de la convention de La Haye (1907) qui interdit de « contraindre la population d’un territoire occupé de prêter serment à la puissance ennemie ».
Bürckel ne fait aucune confiance des lorrains. Les 7 Kreisleiter du NSDAP et de la D.V.G. en Lorraine sont allemands et 95 % des chefs locaux (Ortsgruppenleiter) aussi. Les lorrains occupent des postes subalternes de chefs de quartier (Zellenleiter) ou de block d’immeubles (Blockleiter) chargés de surveiller la population. Les procès d’après guerre mis en lumière trois profils de « petits chefs » : ceux qui se sont engagés par conviction, beaucoup par opportunisme en quête d’avantages matériels, de promotions ou d’une parcelle de pouvoir et enfin ceux qui ont accepté des postes proposés par crainte de représailles en cas de refus ou par lâcheté.

Amer constat

Suite à l’octroi de la nationalité allemande, les lorrains sont autorisés à adhérer au N.S.D.A.P à partir de janvier 1943. L’échec cuisant des campagnes d’adhésions (15 000 membres y compris des allemands naturalisés après 1919) montre bien que la politique de nazification a échoué malgré l’embrigadement dans les organisations du parti (SA, SS, NSKK, NSFK, DAF…) et les réunions de propagande et manifestations publiques . A défaut de convertir les lorrains à l’idéal national socialiste, les nazis vont les incorporer de force dans le service du travail du Reich et dans la Wehrmacht. Les « malgré-nous » sont le symbole de cet échec.