Post Numéro: 10 de François Delpla 07 Mar 2019, 15:57
Neubronn n'est qu'un officier de liaison militaire. Le véritable geôlier-surveillant de Pétain s'appelle Cecil von Renthe-Fink. C'est un diplomate de carrière que la guerre avait trouvé ambassadeur à Copenhague et qui y est resté, comme maître des forces d'occupation, jusqu'à ce que les Danois commencent à ruer dans les brancards allemands, à l'automne 42. Il est alors remplacé par le n° 3 des SS (et peut-être bien n° 2 depuis la mort de Heydrich), Werner Best, jusque là un discret n° 3 de l'occupation militaire à Paris.
Renthe-Fink remplace lui-même auprès de Pétain Roland Krug von Nidda (un nazi invétéré) début décembre 1943, lors de la plus grave crise des rapports germano-vichystes (dite du 13 novembre). Le représentant de la Suisse à Vichy a laissé, dans son livre Von Pétain zur vierten Republik, 1947, tr. fr. La fin du régime de Vichy, Neuchâtel, La Baconnière, 1947, un témoignage édifiant sur le doigté dont Hitler faisait preuve dans le choix de ses émissaires . Extrait de mon Hitler et Pétain :
Le ministre de Suisse Walter Stucki, qui avait connu Renthe-Fink à la SDN avant 1933, puis en Allemagne
dans les premières années du nazisme, comme un diplomate allemand de formation
classique, « intelligent, travailleur et mesuré », est stupéfait, lors de leur première conversation
vichyssoise, de retrouver un nazi « beaucoup plus passionné, beaucoup plus agressif encore
que l’homme de parti qu’était Krug von Nidda » : bel exemple de satellisation par la folie hitlérienne (cf. Walter Stucki, op. cit., p. 29). En revanche, Maurice Gabolde, l’ancien garde des Sceaux de Laval, écrit lors de son long exil espagnol que Renthe-Fink, qu’il avait longuement côtoyé à Sigmaringen, avait l’esprit lent et argumente ainsi : « Il découvrait souvent le lendemain l’intérêt de la conversation de la veille. » Dame, c’est sans doute qu’entre-temps il en avait rendu compte, et qu’on lui avait demandé d’approfondir tel ou tel point avec son interlocuteur ! Mais Gabolde, sectateur obstiné de la collaboration, préfère accuser injustement de lourdeur d’esprit un Allemand subalterne plutôt que de s’avouer qu’il avait été espionné, sans s’en douter, par Hitler ou au moins par son SD (cf. Maurice Gabolde, Écrits d’exil, manuscrit publié par ses petits-enfants en 2016 à Paris, L’Harmattan, p. 392).