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Les travailleurs indochinois en France pendant la Seconde Guerre mondiale

Pétain, Laval, le régime de Vichy et tous ceux qui furent acteurs de cette période sombre de notre histoire. La collaboration, les collaborateurs, la vie quotidienne sous la botte de l'occupant, les privations, le marché noir...
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Les travailleurs indochinois en France pendant la Seconde Guerre mondiale

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 09 Juil 2018, 16:57

Bonjour, je sais pertinemment bien que le sujet avait déjà été abordé et de plus je ne savais pas très bien où placer l'article:


En 1939, reproduisant le précédent de la Première Guerre mondiale au cours de laquelle 90 000 travailleurs et tirailleurs indochinois avaient été déplacés en métropole, le « Plan Mandel », du nom du ministre des Colonies, prévoit l'appoint de 300 000 travailleurs coloniaux, dont 100 000 Indochinois, à l'effort de guerre. En juin 1940, 27 000 Indochinois sont arrivés en France : 7 000 tirailleurs et 20 000 travailleurs. Après la défaite, 5 000 d’entre eux sont rapatriés mais les autres restent bloqués en métropole. A la Libération, la désorganisation de l'après-guerre et les événements qui affectent l'Indochine française, retardent encore le rapatriement de ces travailleurs requis : il ne prendra fin qu'en 1952. Pendant plus de dix ans, ces migrants ont formé une micro-société qui prolonge la société coloniale au sein même de l’espace métropolitain. Au processus d’adaptation au travail industriel, de confrontation au modernisme, s’ajoutent pour ces hommes une expérience inédite : celle d’un face-à-face direct avec la puissance coloniale en proie à la défaite, de la découverte, au-delà de la France coloniale, d’une société complexe, traversée d’antagonismes et de contradictions.

En 1939, à la lumière de l’expérience de la Grande Guerre, le recrutement des travailleurs indochinois s’appuie sur un arsenal législatif mis en place dans l’entre deux-guerres. Les travailleurs coloniaux doivent être recrutés, acheminés, administrés et mis au service des industries de la défense nationale par le Service de la Main-d’Œuvre Indigène, Nord-Africaine et Coloniale, la M.O.I., rattaché au ministère du Travail. L’arrêté du 29 août 1939 fixe l’ouverture du droit de réquisition sur tout le territoire de l’Indochine. 90% des 20 000 travailleurs requis sont alors recrutés de force dans la masse de la paysannerie pauvre, surtout dans les protectorats de l’Annam et du Tonkin ; les autres sont originaires de la colonie cochinchinoise. L’efficacité de la réquisition révèle l’inféodation et le « loyalisme » des autorités indigènes chargées du recrutement aux échelons communal et provincial. Celles-ci ont en effet fixé à chaque famille l’obligation de fournir un fils âgé de plus de vingt ans. L’établissement d’un tel principe rend immense le réservoir de travailleurs susceptibles d’être réquisitionnés, mais il faut résoudre la question de l’encadrement.
La faiblesse numérique des Français en Indochine exige de recourir aux Indochinois pour l’encadrement intermédiaire. Il est finalement formé par des requis volontaires (moins de 10% des effectifs), qui ont tous le niveau d’études primaires, voire le bac. Maîtrisant le français, ils sont immédiatement promus interprètes ou surveillants (un surveillant pour 25 travailleurs). Ces volontaires sont issus des familles des milieux aisés, voire de notables, pour lesquels le départ pour la France – quelles qu’en soient les conditions - représente une chance d’échapper au blocage de la société coloniale qui leur refuse alors la citoyenneté et donc des chances de promotion sociale. Attendant leur heure, ils vont former en 1939 un maillon indispensable à l’administration coloniale pour acheminer les 19 000 paysans illettrés, arrachés brutalement à leurs rizières. Le 20 octobre 1939, le Yang-Tsé est le premier navire à les acheminer vers la métropole, via Suez. La traversée dure un mois ; les premiers travailleurs débarquent à Marseille le 21 novembre et sont accueillis dans deux camps installés dans des bâtiments à peine achevés : la nouvelle prison des Baumettes. Les derniers arrivent le 6 juin 1940.

Administrés par la M.O.I., soumis à une discipline militaire en dépit de leur statut de requis civils, les travailleurs indochinois sont répartis en 73 compagnies, formées chacune de 200 à 300 travailleurs et rattachées à 5 légions. Outre les cadres intermédiaires indochinois, les commandants des compagnies et leurs adjoints sont des militaires et fonctionnaires issus de l’administration coloniale : administrateurs, anciens administrateurs ou élèves de l’Ecole Coloniale. Les services publics mais aussi les entreprises privées peuvent employer ces ouvriers non qualifiés (O.N.S.) après avoir accepté les conditions du cahier des charges fixées par la M.O.I.
Jusqu’en juin 1940, les O.N.S. vont essentiellement travailler pour les industries de la défense nationale : 70% des effectifs sont affectés aux poudreries. Ils sont disséminés sur tout le territoire : en juin 1940, on relève leur présence dans 24 départements.

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Un groupe de travailleurs à Sorgues (Vaucluse) 47e cie, 1941. Collection Pham Van Nhân.
Source : Liem-Khe LUGUERN


La plus forte concentration se trouve en Gironde avec 2 327 O.N.S. employés, pour la plupart, à la poudrerie de Saint Médard. Le postulat qui préside à l’emploi de ces travailleurs étrangers au monde industriel était celui du rendement collectif : compenser le qualitatif par le quantitatif. De cette première confrontation au monde industriel, les témoignages soulignent surtout la pénibilité liée aux cadences de travail : ils étaient soumis au travail posté et aux 3x8.
La défaite de juin 1940 oblige les compagnies à se replier. A la fin de l’année, presque tous les O.N.S. se trouvent en zone libre. A partir de cette époque, il faut distinguer la « période sylvestre » (1941-42) où les requis sont majoritairement employés dans les travaux forestiers et agricoles (riziculture en Camargue, salines du sud, forestage en Aveyron…) et la « période industrielle » (1942-44) où ils vont être à nouveau affectés dans les usines. Cette césure de 1942 correspond à un tournant de la guerre : à partir de l’envahissement de la zone libre, 43% des travailleurs indochinois vont travailler directement ou indirectement pour les troupes allemandes d’occupation. Les souffrances atteignent alors leur paroxysme. Le bilan officiel fait état de 1 061 décès (soit 5,5% des effectifs), essentiellement dus à la tuberculose pulmonaire.

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Travailleur indochinois dans les rizières de Camargue pendant la guerre. Collection Pham Van Nhân.
Source : Liem-Khe LUGUERN


A la souffrance physique s’ajoute la souffrance morale, nourrie par un exil prolongé. Ces hommes jeunes (20-30 ans) encasernés, privés de nouvelles de leur famille, plongés dans le contexte hostile de l’occupation allemande, ont pour seul foyer leur « compagnie ». Les relations avec la population civile ne sont pas facilitées par l’encadrement issu des cadres coloniaux dont les préjugés racialistes sont tenaces. Cependant, des liens se nouent, en particulier avec les femmes. De nombreuses relations amoureuses ont lieu par-delà les obstacles de la langue. C’est d’ailleurs le mariage et/ou la naissance d’un enfant qui est à l’origine de l’installation définitive d’O.N.S. en France.

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Un couple franco-vietnamien en septembre 1953 à Thiers (Puy-de-dôme). Collection Pham Van Nhân.
Source : Liem-Khe LUGUERN


Dossier réalisé par Liêm-Khê Luguern, professeur d'Histoire-Géographie, doctorante IRIS (EHESS)
http://www.histoire-immigration.fr/doss ... -en-france
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Re: Les travailleurs indochinois en France pendant la Seconde Guerre mondiale

Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de Signal Corps  Nouveau message 10 Juil 2018, 00:51

L'implantation de la riziculture camarguaise par les travailleurs indochinois.

http://www.travailleurs-indochinois.org/riziculture.htm




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Re: Les travailleurs indochinois en France pendant la Seconde Guerre mondiale

Nouveau message Post Numéro: 3  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 10 Juil 2018, 11:42

Bonjour et merci pour ta contribution Bernard.
Je me suis permis de mettre tes vidéos en ligne directe
Bien amicalement
Prosper ;) ;)
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Re: Les travailleurs indochinois en France pendant la Seconde Guerre mondiale

Nouveau message Post Numéro: 4  Nouveau message de Signal Corps  Nouveau message 10 Juil 2018, 12:08

Bonjour Prosper,
C'est une excellente initiative, je ne suis pas parvenu à le faire avec le navigateur que j'utilise.
Bonne journée

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Re: Les travailleurs indochinois en France pendant la Seconde Guerre mondiale

Nouveau message Post Numéro: 5  Nouveau message de alberto  Nouveau message 11 Juil 2018, 07:44

Belle leçon d'Histoire !
"Mépriser l'art de la guerre c'est faire le premier pas vers la ruine." (Machiavel)

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