
Daniel Laurent écrit : « Certains considèrent, non sans raisons, que la résistance de droite a usurpé à la Libération des postes clefs qui auraient du revenir aux membres de la résistance de gauche, FTPF ou autres. »
A mon humble avis, c’est le contraire qui est vrai. Ne voulant pas engager une polémique à propos de cette vaste et épineuse question, je me contenterai de citer Henri Frenay, le fondateur et le chef du plus important mouvement de résistance de zone Sud, Combat, qui, dans ses mémoires (
La nuit finira, 1973, récemment réédités), montre, par des exemples précis et documentés, comment les communistes, après avoir infiltré les autres mouvements avec leurs « sous-marins », ont mis en œuvre, au moment de la Libération, « une stratégie globale visant à la prise en main de la Résistance tout entière ».
Je cite : « Pour conquérir les postes dirigeants à l’échelon national et départemental, il fallait en écarter les adversaires politiques (…). Tous les moyens sont bons pour atteindre ce but et, en premier lieu, la calomnie souvent la plus odieuse.
Jacques Dhont, chef régional des MUR à R4 (région de Toulouse) (…) a organisé solidement sa région. (…) des bruits de plus en plus odieux ont circulé (…) un tract laisse entendre que le parti communiste le considère comme un agent de la Gestapo (…). Une équipe de Groupes francs reçoit même l’ordre de l’abattre. (…) Lassé, écoeuré, révolté, Dhont quittera de lui-même sa fonction.
A son tour, Verdier (son successeur) fut l’objet d’une abominable campagne de diffamation (…). Il fut arrêté quelques mois plus tard (par les Allemands) ; on retrouvera son corps déchiqueté en forêt de Bouconne (…). C’est alors que Ravanel, membre inavoué du parti communiste, s’installera à la tête de la région.
Michel Brault, chef national des maquis (depuis le début de la lutte), connaît un sort à peu près semblable à celui de Dhont. (…) Même processus : partout on entend dire que Brault est un affreux bourgeois qui déteste le peuple et a peur de lui. (…) Joinville, membre du PC (…), l’accuse d’être l’homme du préfet régional de Vichy, Angéli, dont Joinville prétend qu’il vient de livrer aux Allemands de nombreux enfants juifs.
(…) Georges Rebattet, (…) qui l’a remplacé à la tête des maquis, sera évincé par une savante manœuvre de comité. A lui aussi, il sera reproché ses origines bourgeoises. (…) La place qu’il occupait parmi les cinq membres du Comac sera prise par Kriegel-Valrimont, autre membre du parti communiste, grâce à une combinaison montée par Villon, chef du Front national (d’obédience communiste), et Pierre Hervé (…), comme tant d’autres communiste déguisé.
Avec des procédés semblables, Sarda de Caumont, chef des maquis de R4, sera écarté. A Limoges, Hinstin et Ady-Brille (…) sont pris par la Gestapo et déportés. Dans cette région, Guingouin, membre du parti communiste, prendra leur place.
(…) En quelques mois, à la faveur des arrestations, des départs pour Londres et Alger, des attaques calomnieuses et de sordides manœuvres, les communistes et leurs alliés se seront assuré le contrôle des organes dirigeants de la Résistance. »
Corroborant les dires de Frenay, Henri Michel, historien de la Résistance et secrétaire général du Comité d’histoire de la SGM, écrit dans son ouvrage
Les courants de pensée de la Résistance (PUF, 1962, page 716 à 718) : « Le parti communiste noyaute les organismes communs à toute la clandestinité. Patiemment, il se fraie un chemin pour parvenir à leur tête. (…) Il tend ainsi à s’assurer le contrôle et souvent la direction de toute une administration parallèle à l’administration régulière. (…)
Ainsi, lorsque la Libération approche, le parti communiste semble à la fois désireux de prendre le pouvoir et capable de le faire. »
