La "bataille des sources", telle qu'elle est menée, comporte un enjeu de taille : la réhabilitation de Pucheu.
Si Lecornu a transmis sa lettre début 44 aux magistrats qui instruisent contre l'ancien ministre, et qu'ils ne l'ont pas versée au dossier, voilà Pucheu acquitté pour l'éternité au bénéfice du doute. Le principal document écrit qui l'accable a en effet été jugé non décisif par ses bourreaux eux-mêmes !
Mais cette interprétation ne repose que sur une phrase dans un livre d'historienne, clairement erronée et en tout cas pas du tout étayée.
Mais comme disait de Gaulle, dans le cataclysme que vivait la France les vies individuelles ne comptaient pas et la raison d'Etat devait primer. C'est donc toute une philosophie de la justice qui est en jeu ici, au-delà du cas Pucheu. Il est condamné avant tout pour l'affaire de Châteaubriant, pour laquelle les preuves écrites décisives manquent, et qui n'est finalement pas mentionnée dans le verdict. La Résistance avait hélas d'autres chats à fouetter, entre 1941 et 1944, que de confectionner des dossiers. Surtout lorsqu'il s'agissait d'évidences.
Pucheu était le coauteur, avec Hitler, de la fusillade du 21 octobre, en ayant trempé dans le choix des victimes au nom d'un délit d'opinion qui rendait des Français moins français que d'autres, fussent-ils des élus du peuple choisis par lui en 1936 et incarcérés avant tout pour ce motif.
En mars 44, tout le monde prépare le débarquement. Quiconque disserte aujourd'hui devant son écran, qu'il ait été né ou à naître à l'époque, doit se souvenir qu'on est en guerre, et que l'ennemi a fait monter au pouvoir à Vichy fin 43 ses valets les plus soumis.
Les douze balles de Pucheu sont avant tout un avertissement : ce pouvoir est pourri et ne mérite aucun ménagement.
Les preuves ne sont pas écrites, c'est du bouche à oreille communiste ? Il en vaut bien d'autres !
PS.- Je rappelle une information déjà donnée mais qui risque d'avoir été noyée dans le flot : Pucheu nie effrontément, tant dans ses déclarations devant la justice que dans le texte "Ma vie" destiné à sa famille, toute communication avec les Allemands avant la fusillade. Il persiste à se conduire en militant et en combattant. Il représente un Vichy hautain, cynique et cassant, pas du tout en quête de circonstances atténuantes. Le fait qu'il commande lui-même le peloton d'exécution n'est pas seulement un acte de courage, mais aussi un manifeste politique.