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Vichy savait-il ?

Pétain, Laval, le régime de Vichy et tous ceux qui furent acteurs de cette période sombre de notre histoire. La collaboration, les collaborateurs, la vie quotidienne sous la botte de l'occupant, les privations, le marché noir...
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Re: Vichy savait-il ?

Nouveau message Post Numéro: 131  Nouveau message de lebel  Nouveau message 25 Juin 2012, 20:07

Darlan disait " J'ai même des juifs dans ma famille " :)


 

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Re: Vichy savait-il ?

Nouveau message Post Numéro: 132  Nouveau message de Francis Deleu  Nouveau message 25 Juin 2012, 21:22

Chef Chaudart a écrit:Mais est-ce sincère, ou simplement un rattachement à la ligne de Vichy qui, ne voyant rien venir de l'autre côté du Rhin en termes de coopération, commence à courtiser l'Occupant en le brossant dans le sens du poil? Par exemple, on est pile au moment de la rédaction du premier Statut des Juifs daté du 3 octobre.
Il semble bien que Darlan n'était pas foncièrement antisémite. Comme le remarquait malicieusement Lebel, il avait même des Juifs dans sa famille. Plus sérieusement, Darlan entretenait de bonnes relations notamment avec Jules Moch et Léon Blum. A ce dernier, Darlan devait son accession au grade de commandant de la Marine nationale. Darlan est devenu antisémite, comme vous le suggérez, par opportunisme.
Et à cet égard, il y a les faits : c'est bien Darlan qui nomma Xavier Vallat à la tête du Commissariat Général aux Questions Juives, initiant ainsi le processus qui impliqua l'Etat vichyste dans la Solution finale, sous prétexte de sauvegarder l'illusion d'une indépendance nationale, quitte à devancer les exigences nazies.

Henri MICHEL, dans la biographie, François Darlan, Hachette, 1993, p. 165/166, écrit :
cette contradiction entre les pensées et les actions de l'amiral s'explique par les exigences de la politique de collaboration; le sacrifice des juifs était une condition de sa réussite.
C'est ainsi son gouvernement qui mit en place TOUTES LES STRUCTURES POUR ACTIVER ET GENERALISER LA REPRESSION ANTISEMITE, et qui prit aussi les mesures les plus importantes pour les utiliser. Il créa de la sorte un état de fait irréversible. (...) Darlan les a approuvées; incontestablement, il en porte la responsabilité majeure.

Cordialement,
Francis.


 

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Re: Vichy savait-il ?

Nouveau message Post Numéro: 133  Nouveau message de JARDIN DAVID  Nouveau message 25 Juin 2012, 21:36

Bonsoir Monsieur le Procureur !
Tout ceci est rigoureusement exact. Mais replaçons ces citations dans le contexte d'une époque pas si éloignée, mais bien différente de 2012. Vous présentez des symptômes d'un antisémitisme très hexagonal, c'est tout à fait certain. Mais dans un pays occupé et avec un occupant maître manipulateur. Les appeasers, dans les mêmes conditions auraient-ils fait mieux ? Je n'en suis pas certain.
Je trouve toutefois exagéré et anachronique de pousser la logique sur la lancée bien connue:
Vichy (d'avant 1943) <=> antisémitisme hexagonal => déportation => solution finale
Laissez donc à César ou à Adolf, ce qui lui revient.
"Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi" (Le Cid)

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Re: Vichy savait-il ?

Nouveau message Post Numéro: 134  Nouveau message de Francis Deleu  Nouveau message 26 Juin 2012, 11:07

JARDIN DAVID a écrit:Bonsoir Monsieur le Procureur !
Tout ceci est rigoureusement exact. Mais replaçons ces citations dans le contexte d'une époque pas si éloignée, mais bien différente de 2012. Vous présentez des symptômes d'un antisémitisme très hexagonal, c'est tout à fait certain. Mais dans un pays occupé et avec un occupant maître manipulateur. Les appeasers, dans les mêmes conditions auraient-ils fait mieux ? Je n'en suis pas certain.
Je trouve toutefois exagéré et anachronique de pousser la logique sur la lancée bien connue:
Vichy (d'avant 1943) <=> antisémitisme hexagonal => déportation => solution finale
Laissez donc à César ou à Adolf, ce qui lui revient.

Et rendons à Vichy ce qui lui appartient : flicages, fichages, dénaturalisations, exclusions, spoliations, rafles, arrestations, internements, déportations ...
Et que les "appeasers", dans les mêmes conditions, n'auraient pas fait mieux, n'y changera rien sauf qu'il faudrait modifier les termes de la chanson :

Maréchal nous voilà !
Devant toi, le sauveur de la France
Nous jurons, nous, tes gars
De servir et de suivre tes pas
Maréchal nous voilà !
Tu nous as redonné l'espérance
La Patrie renaîtra !
Maréchal, Maréchal, nous voilà !
Zim boum tra la la
Zim boum youp la boum


Le Procureur.


 

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Re: Vichy savait-il ?

Nouveau message Post Numéro: 135  Nouveau message de Jumbo  Nouveau message 26 Juin 2012, 11:27

JD si la logique est bien connue, c'est peut-être qu'elle n'est pas si erronée que çà. C'est quand même Laval qui a décidé la déportation des juifs de moins de 16 ans. Les Allemands eux mêmes semblent avoir été surpris de cet excès de zèle mais ont vite adhéré à cette idée...Que Vichy ait été obligé de se plier aux diktats de l'occupant est une chose, qu'ils soient allés au-delà des exigences du même occupant en est une autre! Laval avait joué la carte de l'Allemagne vainqueur et il fallait préparer la place de la France dans la nouvelle future Europe Hitlérienne. Quitte à se couvrir de honte pour y parvenir.
"Dans les situations critiques, quand on parle avec un calibre bien en pogne, personne ne conteste plus. Y'a des statistiques là-dessus." (Jean Gabin) Mélodie en sous sol

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Re: Vichy savait-il ?

Nouveau message Post Numéro: 136  Nouveau message de Bruno Roy-Henry  Nouveau message 26 Juin 2012, 12:51

Francis Deleu a écrit:Et rendons à Vichy ce qui lui appartient : flicages, fichages, dénaturalisations, exclusions, spoliations, rafles, arrestations, internements, déportations ...


Le gouvernement Daladier avait amorcé le mouvement...


 

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Re: Vichy savait-il ?

Nouveau message Post Numéro: 137  Nouveau message de lebel  Nouveau message 26 Juin 2012, 12:58

Jumbo a écrit:JD si la logique est bien connue, c'est peut-être qu'elle n'est pas si erronée que çà. C'est quand même Laval qui a décidé la déportation des juifs de moins de 16 ans.


En juillet 42 , quand Laval propose aux allemands de deporter les enfants avec leurs parents , il n'etait pas sans ignorer ( de sources multiples ) le sort tragique qui les attendait à l' Est ..........et il ne se serait pas interrogé ? Allons donc !


 

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Re: Vichy savait-il ?

Nouveau message Post Numéro: 138  Nouveau message de Jumbo  Nouveau message 26 Juin 2012, 13:28

Entièrement d'accord! D'ailleurs interrogé par qui? C'est pas les Allemands qui allaient lui poser des questions sur son excès de zèle!
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Re: Vichy savait-il ?

Nouveau message Post Numéro: 139  Nouveau message de Nicolas Bernard  Nouveau message 26 Juin 2012, 15:19

Bruno Roy-Henry a écrit:
Francis Deleu a écrit:Et rendons à Vichy ce qui lui appartient : flicages, fichages, dénaturalisations, exclusions, spoliations, rafles, arrestations, internements, déportations ...


Le gouvernement Daladier avait amorcé le mouvement...


J'ignorais que le gouvernement Daladier avait préparé la rédaction d'un Statut des Juifs ou prévu l'internement administratif des étrangers en situation régulière du seul fait de leur religion... et j'en passe...

Sérieusement causant, la politique française des années trente intéressant le sort des réfugiés, loin d’être dogmatique ou figée, s'est surtout révélée hésitante, largement tributaire du contexte international et économique. Le début de la décennie a en effet été marqué par la crise, qui n’a pas incité les différents gouvernements à encourager la venue de réfugiés par crainte de s’aliéner les classes laborieuses, enclines à redouter le soi-disant « vol » d’emplois par des étrangers. Manifester leur hostilité aux réfugiés permettait aux différents ministères de démontrer à l’opinion - non sans absurdité - leur souci de vaincre la Dépression tout en protégeant les « bons Français ».

Il n’en demeure pas moins qu’à la même époque certains ministres et haut-fonctionnaires n'ont pas vu d’un mauvais œil l’afflux d’immigrés, dans la mesure où ils jouissaient de compétences techniques utiles au développement industriel de la nation. L’armée elle-même s’avèrait favorable à l’immigration, de manière à compenser le déficit d’effectifs des « classes creuses » issues de la précédente guerre mondiale.

Les tensions diplomatiques constituent un autre facteur explicatif, davantage déterminant au fur et à mesure que les coups de force hitlériens se multipliaient. En ce sens, la France aura tendance à sacrifier sur l’autel de l’apaisement des relations internationales le sort des réfugiés spécifiquement juifs. Le Front populaire leur a davantage restreint l’accès au territoire, mais s’est au moins efforcé au moins d’améliorer les conditions e vie des réfugiés déjà présents sur notre sol.

La fermeture est devenue complète en 1938. Par un sordide renversement de l’Histoire, les réfugiés ont été assimilés à des fauteurs de guerre, infiltrés par les communistes et les espions allemands, alors que le gouvernement cherchait, dès cette époque, à s’attirer les bonnes grâces du régime national-socialiste, en fermant les yeux sur les annexions de l’Autriche et des Sudètes par l’Allemagne. Cette stratégie s'est toutefois heurtée à un certain nombre de contestations, émanant notamment de divers mouvements de gauche, de la Ligue des Droits de l’Homme, et également de nombreux Juifs français. Elle s’est également accompagnée de tentatives d’établissement des réfugiés dans des régions agricoles, voire des colonies françaises.

Bien entendu, ces volte-faces et ces réticences ont encouragé une pratique administrative guère favorable à l'accueil des réfugiés sur le sol français. Un tel état d'esprit, comme le démontreront Michael Marrus et Robert Paxton, éclaire en partie les agissements de nos Préfectures et de nos forces de police sous l'Occupation. Pour autant, il est faux et même parfaitement imbécile d'écrire que la IIIème République a amorcé vis-à-vis des étrangers une politique que Vichy se serait contentée de reprendre ou d'intensifier. La problématique des camps d'internement permet d'ailleurs d'apprécier l'inanité d'une telle rhétorique.

Tout d'abord, les camps mis sur pied par le Gouvernement Daladier en 1939 avaient pour vocation l'hébergement temporaire des réfugiés espagnols, ainsi que l'internement des réfugiés austro-tchéco-allemands perçus comme des ennemis potentiels (!). Cette politique n'a pas été sans incohérences, ni sans diverses atteintes aux droits de ces réfugiés. Cependant, ils ont bénéficié de nombreux soutiens dans l'opinion publique, qui ont abouti à améliorer leur sort, voire à multiplier les libérations et leur intégration sur le marché du travail.

Bref, la IIIème République a oscillé entre la xénophobie sécuritaire et la volonté d'intégrer des individus susceptibles de combler son déficit démographique, entre certaines tendances bureaucratiques à l'isolement des étrangers et les aspirations de défenseurs des droits de l'homme à militer en leur faveur. De fait, au printemps 1940, les camps d'internement étaient pratiquement vidés de leurs occupants et seule l'invasion nazie du 10 mai 1940 entraînera une recrudescence des internements pour lutter contre la "Cinquième Colonne" ou accueillir les réfugiés fuyant les combats - voir, sur ces points, l'étude de Vicki Caron, L'Asile incertain. La crise des réfugiés juifs en France 1933-1942, Tallandier, 2008.

Or, le régime qui s'impose à Vichy ne ferme aucun de ces camps. Pire, il en crée (Récébédou en devient un en 1941), et il en augmente considérablement la population (voir plus bas). Pourquoi? La politique d'internement vichyste rompt avec celle de la IIIème République. Elle répond, en effet, à une stratégie répressive antisémite, xénophobe et anticommuniste, ce dans le cadre, d'une part, d'une "Révolution nationale" excluant des pans entiers de la société française, et, d'autre part, de la politique de collaboration avec les Allemands - voir Vincent Giraudier, Les bastilles de Vichy. Répression politique et internement administratif, Tallandier, 2009, ainsi que Denis Peschanski, La France des camps. L'internement (1938-1946), Gallimard, 2002, sachant que la thèse de ce dernier a été mise en ligne: http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00 ... seEtat.pdf

Denis Peschanski formule ainsi cette conclusion:

Denis Peschanski a écrit:Que l'on prenne comme point de départ la loi du 12 novembre 1938 qui permit l'internement des « indésirables étrangers » ou l'ouverture du premier camp à Rieucros, en Lozère, en février 1939, l'internement et l'hébergement répondirent jusqu'à la chute de la Troisième République et la débâcle à une logique d'exception où fut prégnante la conjoncture courte et surprenante. De même fut improvisée la réponse des gouvernants. Elle le fut d'évidence pour l'accueil des Espagnols après la défaite des Républicains. Pour autant, on repère sans mal, en amont, des objectifs politiques et des présupposés idéologiques, tandis qu'en aval des habitudes étaient prises dans l'administration et dans l'opinion. Il est plus difficile encore de parler de rupture à des hommes qui connurent les barbelés à la fois avant et après la débâcle.

Pourtant la rupture fut bien là avec l'occupation allemande et, plus encore peut-être, avec l'installation d'un régime ultra à Vichy. De 1940 à 1942 au moins, c'est la politique de Vichy qui prévalut en matière d'internement, comme prévalut une logique d'exclusion qui fut au coeur de son projet. En cela, il y a bien une différence de nature entre la Troisième République finissante et le régime de Vichy. La politique allemande est plus difficile à appréhender puisque, au début tout au moins, l’occupant n'usa guère de l'internement. Ce fut d'ailleurs à la demande des autorités françaises qu’il a d'ouvrir un premier camp en zone nord, destiné aux communistes de la région parisienne.

L'engagement des communistes dans la lutte armée à l'été 1941 amena une première évolution. La mesure de précaution que constituait l'internement administratif apparut alors indispensable à la sécurité des troupes d'occupation. Quant à l’internement des Juifs en zone Nord, il fut, au moins dans un premier temps, le fruit d'une politique résolument antisémite portée, en priorité, par certaines composantes de l'appareil allemand en France et, bientôt, de la conviction, partagée par la plupart des autres, qu'il y avait collusion des forces ennemies dans un complot judéo-bolchevique. Le mélange de présupposés idéologiques et d'impératifs sécuritaires préside au cas particulier que constitua l'internement des Tsiganes. Situation orignale car, après une décision prise dès l'automne 1940, les Allemands se désintéressèrent totalement de la question, y compris quand vint, pour les Juifs et les politiques, le temps de la déportation ; originale aussi car l'internement des Tsiganes fut marginal en zone sud. Pour Vichy, le « tsigane » n'était donc pas à classer parmi les forces de l'anti-France qu'il fallait exclure pour régénérer la société.

Cependant, au moins pour les Juifs et pour les politiques, le printemps de 1942 constitua un tournant. Jusque-là recherche inlassable, la collaboration d'État devint pour Vichy une gestion des contraintes. Il y eut bien renversement en matière d'internement car, dès lors, les objectifs des Allemands prévalurent, avec la mise en oeuvre de la solution finale en France et le durcissement de la politique sécuritaire. Les négociations qui se développèrent au printemps et à l'été de 1942 montrent que les gouvernants français, sous la conduite de Pierre Laval avec, comme second, son chef de la Police, René Bousquet, acceptèrent d'imbriquer la politique d'exclusion antisémite qui était la leur dans la politique de déportation qui était celle des Allemands. Pour assurer la place de la France dans une Europe nazie tout en affirmant la souveraineté de l'État français sur l'ensemble du territoire national, Vichy prit en charge les tâches de persécution et de répression imposées par les autorités allemandes. L'internement tel qu'il avait existé entre 1940 et 1942 tomba donc en désuétude. Il avait changé de fonction.

Les camps ne disparurent pas avec la retraite et la défaite progressives des armées allemandes. Entre la libération des premières régions métropolitaines en juin 1944 et la libération du dernier interné administratif en mai 1946, ils furent même plus nombreux que jamais, du moins dans un premier temps. Il est vrai que la guerre continuait et que des mesures de sécurité s'imposaient. Mais, plus encore, il s'agissait à la fois de solder les comptes et de construire sur des bases solides le nouveau régime, dans l'unité nationale reconstituée par une nécessaire épuration. Il était bien clair à tous, cependant, que l'internement administratif était une mesure d'exception, à l'existence éphémère : soit les charges pesant sur la personne suspectée étaient fondées et la justice devait passer, soit elles ne l'étaient pas et, à condition que le climat fût apaisé, la libération devait être prononcée. C'est au moins dans cette stricte logique que s'inscrivit la politique du ministre de l'Intérieur, Adrien Tixier, qui souhaitait en outre affirmer partout la préséance des représentants de l'État. La normalisation qu'il appelait de ses voeux passa, entre autres, par une baisse accélérée des effectifs internés. Elle s'imposait d'autant plus que le gonflement spectaculaire de l'automne 1944 ne s'était pas toujours fait dans le respect des principes de l'État de droit dont se réclamait le nouveau régime.

Au fil de l'ouvrage le lecteur a pu relever d'importantes nuances, par exemple pendant la « drôle de guerre » ou, plus encore, avec l’exception tsigane. On mesure cependant l'importance des ruptures entre les politiques suivies en matière d'internement administratif. Si l’on n’insiste par sur les diverses logiques qui présidèrent à ces différentes politiques, le contresens historique est proche.


Ce qui distingue notamment, et avec quel sinistre éclat, la politique vichyste de celle menée par la IIIème République s'agissant de l'internement administratif, c'est évidemment son imbrication dans une politique de persécution des Juifs. Ainsi, à leur égard, est édictée une loi qui leur est spécialement réservée, signée par le Maréchal Pétain, celle du 4 octobre 1940 sur "les ressortissants étrangers de race juive". Elle prévoit que "les ressortissants étrangers de race juive pourront, à dater de la promulgation de la présente loi, être internés dans des camps spéciaux par décision du préfet de leur résidence". De par sa nature, comme de par ses implications, cette législation constitue bel et bien une nouveauté en France, comme le note l'historienne Vicki Caron (op. cit., Tallandier, 2008, p. 458-459):

Vicky Caron a écrit:Tout d'abord, selon le décret du 4 octobre 1940, tous les Juifs étrangers, et pas seulement les réfugiés ou les immigrants illégaux, devaient être internés; par ailleurs, comme nous l'avons vu, la catégorie des "étrangers" augmentait rapidement du fait de la politique de dénaturalisation menée par le régime de Vichy. De plus, les femmes juives devaient également être internées, ce qui n'avait pas été la politique ordinaire sous la République, si l'on excepte l'ordre d'internement de Mandel en mai 1940. Toutefois, la principale innovation de Vichy fut de procéder à l'internement des Juifs étrangers sans considération d'âge. Jamais auparavant on n'avait inclus dans ces mesures les jeunes enfants et les personnes âgées.

L'ampleur des internements était donc bien plus importante que cela n'avait été le cas avant juin 1940, si l'on excepte les internements temporaires de réfugiés espagnols au début de 1939. Là où les camps comptaient environ 18.000 individus à l'automne 1939, il y avait, en janvier 1941, 51.439 étrangers internés dans les camps de Vichy, bien que ce chiffre ait fléchi sensiblement avant le début des déportations. Sur ces internés, 33.910 étaient juifs.


De fait, l'accroissement considérable du nombre de détenus dans les structures existantes entraîne l'envol des taux de mortalité, extrêmement bas en 1939. Ainsi à Gurs: une fois que les conditions sanitaires ont été améliorées, et ce rapidement, après l'arrivée des réfugiés espagnols au printemps 1939, "les chiffres de mortalité s'effondrèrent : à Gurs, selon les chiffres établis par Claude Laharie, treize réfugiés auraient trouvé la mort entre l'ouverture du camp, en avril 1939, et le mois de septembre" (Denis Peschanski, Les camps français d’internement (1938-1946), thèse en ligne: http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00 ... seEtat.pdf , p. 245).

Or, durant l'hiver, 1940-1941, sous le régime de Vichy, donc, la population du camp, portée à 13.500 personnes, verra périr un millier d'entre elles d'inanition, de dysenterie et de typhoïde. "Dans le cimetière du camp de Gurs sont enterrées 1.187 personnes, notent M. Marrus et R. Paxton (Vichy et les Juifs, Livre de Poche, 2004, p. 252). Vingt d'entre elles sont espagnoles. Toutes les autres sont des Juifs."

Ainsi, mettre sur le même plan les camps de Vichy et les camps de la IIIème République, de création très tardive, pour ainsi dire conjoncturelle même s'ils trahissent des tendances bureaucratiques xénophobes et sécuritaires, et qui, en outre, impliquaient bien moins d'internés, lesquels étaient bien mieux traités, relève du "contresens".
« Choisir la victime, préparer soigneusement le coup, assouvir une vengeance implacable, puis aller dormir… Il n'y a rien de plus doux au monde » (Staline).

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Re: Vichy savait-il ?

Nouveau message Post Numéro: 140  Nouveau message de Bruno Roy-Henry  Nouveau message 26 Juin 2012, 19:32

Mis à part les adjectifs excessifs qui commencent à me fatiguer sérieusement, votre démonstration confirme ce que j'ai avancé.

Je ne parle pas de vos interprétations partisanes et imbéciles.

Amorcer, ce n'est pas précéder ou même commencer. Le dialogue avec les bonnes âmes détentrices de la vérité sainte et absolue me lasse. Discutez donc entre-vous, il n'y aura donc point de polémiques.


 

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