JARDIN DAVID a écrit:On peut donc évaluer le chemin parcouru par la diplomatie américaine de 1940 (cf GUN) et 1942.
Prise de conscience ? Meilleure information ? Certitude qu'il faut maintenant "prendre position" ?
J'évite moi aussi de glisser dans le HS avec un commentaire comparatif concernant l'évolution de Vichy, une comparaison entre le degré de liberté des deux gouvernements, ou une appréciation concernant PAXTON, dont il ne saurait être question ici.
Et si nous poursuivions car, s'agissant des archives américaines, il est vain et illusoire de circonscrire nos "considérations" au seul Nerin GUN ? Il est tout aussi vain de s'en tenir - comme pour les rafles et ce que savait les Français - au cadre trop étroit d'une seule question sans examiner tout le contexte, son évolution, ses disparités, etc…
Revenons à N. GUN ! Si les documents auxquels il se réfère - au demeurant très intéressants - c'est plutôt dans le tri des documents et surtout sur leur interprétation orientée que nous pourrions nous interroger.
La politique américaine à l'égard de Vichy était des plus ambiguës voire erratiques, mélange de pragmatisme et de suspicion. Il faut notamment savoir qu'il n'existait aucune coopération, par exemple, entre l'OSS (
Office of Strategic Service ou le service de renseignement) ou l'OWI (
Office War Information ou Office de l'Information de guerre ou plus précisément, en temps de guerre, le service de propagande des Etats-Unis) et le Département d'Etat. La ligne politique des uns et des autres étaient contradictoires. L'OSS et l'OWI étaient favorables au mouvement gaulliste et donc violemment opposés au Département d'Etat. N'oublions pas non plus que la presse et l'opinion publique américaine condamnaient la régime de Vichy et soutenaient la dissidence gaulliste.
L'ouvrage le plus pertinent ne serait-il pas celui de William LANGER,
Our Vichy Gamble ? Il y a quelques années, je proposais la recension de l'ouvrage sur
Livres de guerre :
http://www.livresdeguerre.net/forum/sujet.php?sujet=327Comme c'est pas trop mal analysé (chuis modeste), recyclons de texte :
Dès juin 1940, la presse et l'opinion publique américaine désapprouva l'installation d'un régime autoritaire en France. Les Américains prirent rapidement le parti de cet obscur général qui lançait un appel à la BBC et osait défier à la fois l'Allemagne hitlérienne et le gouvernement de Vichy.
La politique américaine et ses relations avec le régime de Pétain soulevaient de telles controverses aux Etats-Unis que le Secrétaire d'Etat, Hull, excédé, chargea l'historien William Langer, professeur à Harvard, de préparer un rapport objectif sur les relations américaines avec le gouvernement de Vichy depuis juin 1940 jusqu'au débarquement des troupes américaines en Afrique du Nord en novembre 1942.
Il fut entendu que le travail de Langer serait celui d'un historien exempt de parti pris et non celui d'un apologiste. Effectivement Langer reçoit l'accès à toutes les archives qui normalement ne sont mises à la disposition du public que nombreuses années plus tard.
Il n'était pas question de rendre ce rapport public. La presse se déchaîna à nouveau, renforçant dans l'opinion publique que la politique à l'égard de Vichy était loin d'être à l'honneur de la diplomatie américaine. Le Département d'Etat autorisa finalement, en 1947, la publication du rapport qui prit le titre de "Our Vichy Gamble" traduit en français "Le Jeu américain à Vichy".
L'ouvrage est une mine de renseignements qui laissent le lecteur tantôt pantois, tantôt perplexe sinon stupéfait tant le "jeu" des diplomates américains fut complexe. Non seulement astreints à naviguer entre un Maréchal louvoyant et des ministres versatiles mais aussi obligés de tenir compte des rivalités, des luttes pour une parcelle de pouvoir, des renversements d'alliance, des tendances collaborationnistes des uns, attentistes des autres, opportunistes des derniers....C'était à Vichy! A Alger, l'imbroglio fut total. Somme toute, par indulgence, on serait tenté de croire que la diplomatie américaine ne s'en tira pas trop mal en s'appuyant, au bon moment, sur tous les "expédients" à portée de main.... en attendant que le trouble-fête jusqu'alors ne vienne mettre de l'ordre dans cet incroyable fatras.
Curieusement, NERIN écarte l'ouvrage d'un revers de la main. A mon avis, il ne l'a pas lu. Il n'est pas fichu d'orthographier correctement le nom du professeur, ni de préciser les raisons de cette étude suivie de sa publication contrainte. L'ouvrage de LANGER est d'autant plus intéressant que l'auteur a eu accès non seulement aux archives officielles mais également aux notes personnelles de Bullitt, Leahy, Murphy … parmi d'autres acteurs de cette période.
Cordialement,
Francis.