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Pétain et les Juifs

Pétain, Laval, le régime de Vichy et tous ceux qui furent acteurs de cette période sombre de notre histoire. La collaboration, les collaborateurs, la vie quotidienne sous la botte de l'occupant, les privations, le marché noir...
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Re: Pétain et les Juifs

Nouveau message Post Numéro: 171  Nouveau message de norodom  Nouveau message 06 Oct 2010, 15:32

Bonjour Nathalie,

Merci pour ce rappel de la citation de Gretsch...

Vous terminez par "qui était peut être destiné par son auteur à la destruction..."

Il y a un hic, car dans le cas présent le document a servi à des fins lucratives... c'est une affaire de fric!
NB: je base mon jugement sur les dires de SK quant au "trajet" du document.


 

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Re: Pétain et les Juifs

Nouveau message Post Numéro: 172  Nouveau message de Gretsch  Nouveau message 06 Oct 2010, 16:21

Attention, en matière d'archives, il y a certains raccourcis à éviter... Petit-Pas apporte des précisions à ma réponse à la question de Bréhon, et je me dois de préciser moi aussi son propos : le document dont nous parlons est effectivement un document de travail, il n'est donc pas et ne sera jamais un document officiel (c'est le texte de loi promulgué qui aura ce statut). Il peut donc être détruit, ce qui est d'ailleurs le lot de la plupart des documents de travail (par exemple, c'est une règle archivistique que de ne conserver que le document définitif dans un dossier administratif). Sauf qu'en l'occurrence, un tel document émanant du chef de l'Etat (si c'est bien le cas), l'archiviste y regardera à deux fois... Mais là n'est pas la question puisqu'il s'agit d'un document privé.

Ce que je veux dire ici, c'est que ce document désormais publié est bel et bien privé. S'il est déposé aux Archives nationales, il sera rendu public, c'est-à-dire accessible à tout un chacun, mais il n'en demeurera pas moins de statut privé. Je précise que je rejoins Norodom quant à la destination légitime (pour l'histoire) d'un tel document... mais le propriétaire est libre d'en faire ce qu'il veut.

Pour reprendre les arguments de pseudo-mauvaise foi de Jardin David ;) , je dirais que ces deux caractères : confidentiel et projet, ne changent rien au problème, archivistiquement parlant. Un document confidentiel à l'époque de sa création peut très bien être public, un projet également. Les services d'archives regorgent de tels documents.

Donc, la seule question à se poser ici est, comme déjà dit par d'autres que moi, l'authenticité du document, pas son origine.

Une dernière chose : archives est toujours employé au pluriel, c'est un mot qui désigne un ensemble de documents, jamais un document isolé.

Pascal

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Re: Pétain et les Juifs

Nouveau message Post Numéro: 173  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 06 Oct 2010, 16:46

François Delpla a écrit:Je voudrais maintenant faire le point sur les remarques, fort diverses, des historiens les plus en vue sur le document exhumé dimanche. Elles se distribuent suivant un arc-en ciel, à partir de Klarsfeld lui-même, qui estime qu'on tient là une "preuve définitive" que Pétain a durci le statut et était le plus antisémite de la bande hôtelière thermale.

-Serge Klarsfeld http://m.letemps.ch/Page/Uuid/7858ae52- ... %C3%A9mite
En quoi ce document peut-il nuancer la connaissance qu’a le grand public français du maréchal Pétain?

Le grand public en France sait que Pétain a promulgué le statut des juifs. Il sait qu’il a couvert des arrestations. Mais on a avancé qu’il n’était pas en pleine possession de ses moyens (ndlr: il avait 84 ans en 1940), que bien que chef de l’Etat, il sommeillait et qu’il était manipulé par les autres et qu’il n’était pas en état de travailler. Ce document montre qu’il a bel et bien imprimé sa marque antisémite; il voulait montrer aux Allemands qu’il l’était autant qu’eux et que la France méritait une place éminente dans le nouvel ordre européen. La collaboration a été spontanée, Vichy s’est affirmé dans l’antisémitisme.

Est-ce la guerre qui a révélé l’antisémitisme du maréchal ou pouvait-on le suspecter de l’être auparavant?

Il n’a jamais pris la parole au sujet des juifs même au cours de l’affaire Dreyfus. Il se présentait comme un «général républicain», même si, à la fin des années 1930, il a publié un ouvrage faisant état d’une certaine répulsion à l’encontre du régime parlementaire et de la révolution française. Mais il n’allait pas au delà. Il était assez réservé. D’ailleurs, les grands rabbins se sont adressés à lui en octobre 1940, pour protester après la création du statut juif, comme à un maréchal protecteur de tous les Français. Ils espéraient que ce n’était pas lui qui en avait été le moteur.


-Robert Paxton http://www.lepoint.fr/societe/interview ... 981_23.php trouve le document "absolument sidérant"
Change-t-il fondamentalement votre vision du maréchal Pétain ?

Absolument, oui, s'il est authentique, ce qui a l'air d'être le cas - même si je précise qu'on a vérifié l'écriture, mais il faudrait également analyser le papier. Ce document annule l'image d'un Pétain qui ne participait pas à l'antisémitisme. On savait qu'il tolérait l'antisémitisme dans son entourage. J'ai écrit dans La France de Vichy qu'il était "indifférent" au sort des Juifs... Mais ce document bouleverse cette interprétation. Il passe du statut de l'acteur passif à l'acteur véritable. Il aurait même été plus loin que ses collègues...



-Jean-Pierre Azéma http://mobile.france24.com/fr/20101004- ... chy-france
Ce document inédit devrait mettre fin au mythe, partagé par quelques Vichyssois et négationnistes, d’un Pétain "bon grand-père", héros de Verdun et conquérant de la Première Guerre mondiale, qui aurait protégé les juifs de France. "On a beaucoup dit que Pétain était le défenseur de la nation, qu’il n’intervenait pas dans les lois liberticides, contrairement à Laval ou Raphaël Alibert, le ministre de la Justice de l’époque. Pétain était le bouclier et De Gaulle était l’épée. Certains continuent de véhiculer cette image du ‘bon Vichy’ ", explique Jean-Pierre Azema.



-Jérôme Cotillon http://www.publicsenat.fr/lcp/politique ... tout-41832
Ce document offre t-il un nouvel éclairage de la personnalité de Pétain ?
Il y a deux écoles. Une école minoritaire qui voulait un statut favorable aux juifs français et l’école d’Alibert qui refusait toute possibilité de dérogation. Pétain est très clairement dans cette seconde école de pensée. Si par la suite, il ne s’est pas montré favorable au port de l’étoile jaune, Pétain a clairement été à l’origine d’une législation autochtone dont le statut des juifs n’était finalement qu’un aspect.

Entre 1940 et 1944, il y a eu 184 textes qui s’ajoutaient au corpus d’une législation antisémite et Pétain signera ces textes jusqu’au bout. Sur ces 184 textes, 162 étaient d’origine française. Seulement 22 d’origine allemande. La thèse d’un Pétain ignorant ne tient plus du tout. Car pour bien marquer son orientation politique, il a demandé que les motifs justifiant ces mesures soient publiés au journal officiel.

Toute possibilité de réhabilitation de Pétain était déjà très mince. Elle est aujourd’hui écartée.

Ce document apporte-il des informations sur le régime de Vichy proprement dit ?
Tout cela ébranle l’image manichéenne d’un bon Vichy face un très mauvais Vichy. On se rend compte que tout cela tenait. Il y a un seul Vichy avec un projet politique collectif. Pour l’historien que je suis, c’est éclairant en termes de prise de position, ce n’est pas aussi vertical qu’on pourrait le croire, c’est un travail d’équipe. Pétain était très vigilant vis-à-vis des lois émanant en son nom.

Finalement, tout cela confirme ce que tout le monde savait mais dont on n’avait pas la preuve.


-Laurent Joly http://www.lemonde.fr/societe/chat/2010 ... 224_1.html
En quoi ce document apporte-t-il un éclairage nouveau sur la politique de Vichy et de Pétain en particulier envers les juifs ?

Il n'apporte pas vraiment d'élément nouveau, il confirme deux choses. D'abord, on savait par le témoignage de Paul Baudouin, ministre des affaires étrangères, qui tenait son journal, qui a été publié, que le maréchal Pétain avait demandé à ce que les juifs soient éliminés de l'enseignement.

Si l'on émet l'hypothèse selon laquelle ce document est bien le fameux texte qui a été discuté durant deux heures lors du conseil des ministres du 1er octobre 1940, on peut voir sur quels termes le maréchal Pétain a réagi.

Ainsi, dans l'enseignement, le texte présenté ne concernait que les proviseurs, directeurs d'établissement, etc.

L'intervention de Pétain est donc décisive. On peut même penser qu'elle change entièrement la nature du statut des juifs, puisque avec les militaires, les enseignants, instituteurs, simples profs de collège ou de lycée, seront les principales victimes de l'application de ce texte.


-Henry Rousso http://www.liberation.fr/societe/010122 ... -des-juifs http://www.liberation.fr/societe/120135 ... par-petain
Que peut apporter ce document s'il est authentifié? Et à vous en particulier, pour vos recherches, est-ce un document important?

La première question c'est l'authentification. Comme je l'ai déjà dit, il n'y a pas de raison de penser que c'est un faux, et on a toutes les raisons de penser que c'était effectivement un avant-projet annoté du statut des Juifs. Mais, concernant la deuxième question, il n'y a, de mon point de vue, aucune certitude formelle, à ce jour, que ce soit Pétain, tout seul, qui ait rédigé ces commentaires. Cela étant, la découverte - encore une fois, s'il n'y pas de problème en terme d'authenticité - est importante parce que c'est la première fois que l'on a un texte qui montre une version du statut des Juifs, qui n'est pas la version qui sera finalement promulgée. De ce point de vue-là, c'est une découverte importante, même si je serais beaucoup plus prudent sur les conclusions à en tirer. D'une manière générale, en Histoire comme dans l'information, un seul document ne suffit pas à écrire l'Histoire et l'actualité.

(...)
Si j'essaye d'analyser froidement ce document, et que j'en conclus, même provisoirement, que ça ne fait pas de Pétain un personnage plus antisémite qu'il ne l'était déjà, je peux me heurter à des réactions de suspicion, d'incrédulité ou de refus, parce que ce document a été jeté dans l'espace public avec l'intention de faire un coup médiatique. Même s'il est pour la bonne cause, comme beaucoup de mes collègues, j'éprouve beaucoup de méfiance à l'égard de l'instrumentalisation de l'Histoire.


Je voudrais maintenant, après avoir rappelé les gloses des confrères, exposer les miennes.

Indépendamment des conditions regrettables de son surgissement, ce texte semble de nature à faire bouger bien des lignes. A une condition : répudier le moralisme et l'essentialisme qui entachent encore certaines des gloses ci-dessus. Il ne s'agit pas, du moins en histoire, de savoir si Pétain s'est bien ou mal conduit, ni de l'affubler d'une étiquette immuable. Il s'agit d'établir ce qu'il a fait et d'essayer de cerner pourquoi.

On n'échappera plus longtemps à une question : quelle est la part de Hitler dans tout cela ? Elle peut d'ailleurs se décomposer en deux :

-quelle était l'influence, dans l'esprit de Pétain, de l'idéologie nazie et quelles leçons tirait-il de son apparente efficacité ?
-qu'est-ce que le chef du gouvernement allemand cherchait à obtenir, en matière de législation antijuive, de la grande puissance voisine sur la poitrine de laquelle il venait de poser son genou ?


Pétain est un militaire très tard venu à la politique. Ses idées semblent avoir été fort tributaires, à partir de 1934, de celles de Maurras et Alibert, à une date mal connue, est devenu son professeur de maurrassisme (mais Maurras en personne vient plusieurs fois à Vichy s'entretenir avec lui en 1940).

Or, si Maurras a écrit en 1911 un article prônant l'exclusion des Juifs de la fonction publique et même, carrément, leur "dénaturalisation" générale, il ne semble pas qu'il ait pris, à l'approche d'une époque qui allait mettre la question à l'ordre du jour, puis quand elle fut advenue, des options aussi radicales, loin s'en faut. Le document fourni en atteste d'ailleurs lui-même, si on admet qu'il s'agit d'un projet d'Alibert retouché par Pétain. Le fait qu'il exempte les Juifs dont la famille était française avant 1860 de toutes les interdictions fixées par le statut plaide fortement en ce sens : soit par réalisme, soit pour ménager des transitions, les auteurs de ce texte proposé à l'appréciation du maréchal adhéraient à l'idée que les Juifs, au bout de trois ou quatre générations, étaient suffisamment assimilés pour pouvoir être recteurs d'académie, voire chefs d'Etat ! A moins qu'ils n'aient répugné à faire cette besogne dans un pays soumis aux pressions d'un voisin sauvagement antisémite, et projeté d'aggraver les choses au retour de la paix.

Toujours est-il que le statut est promulgué dans une version très aggravée et même, peut-on dire, nazifiée : les Juifs apparaissent foncièrement inassimilables et irrécupérables. Tout se passe comme si on était passé d'un antisémitisme culturel à un racisme biologique.

Si on suppose, ce qu'un document isolé de cette nature ne saurait prouver à lui tout seul, que Pétain a imposé ce virage à un gouvernement plus modéré, il reste à déterminer ses motivations. Elles peuvent être de deux ordres : soit politique, soit diplomatique.

Il se peut que cet officier de carrière, admiratif de l'efficacité militaire hitlérienne, soit sincèrement persuadé que sa réussite tient au moins en partie à sa politique raciale, et souhaite l'imiter. Mais il se peut aussi qu'il soit mu par un souci diplomatique dominant, voire exclusif : celui du remplacement de l'armistice par un traité de paix, qui est une constante depuis le jour même (le 16 juin 1940) où il a demandé les conditions de cet armistice (puisqu'il avait demandé les conditions de paix en même temps), et qui en cette période paraît pouvoir se concrétiser. En ce mois d'octobre, en effet, l'Allemagne se déclare satisfaite de la défense, par les forces armées vichystes, de leur colonie du Sénégal contre une entreprise anglo-gaulliste fin septembre, laisse entrevoir la possibilité d'une collaboration et Vichy fait plus que mordre à l'hameçon. Pétain, demandeur d'une rencontre avec Hitler depuis juillet, sent qu'il peut l'obtenir et fait tout pour la placer sous les meilleurs auspices. Ce n'est qu'une quinzaine de jours après cette entrevue, qui a finalement lieu à Montoire le 24 octobre, que le maréchal comprend qu'il s'est compromis en pure perte et commence à douter de pouvoir obtenir une paix séparée avant la fin de la guerre -même si plusieurs tentatives ont encore lieu dans ce sens jusqu'au début de 1942.

Ce mois-là, donc, les deux grandes réformes que sont le statut des Juifs et la proclamation d'une révolution nationale (les 9 et 10 octobre) sont avant tout des actes de séduction envers le vainqueur présumé, pour obtenir la paix ou au moins une atténuation des conditions d'armistice. Or puisqu'on engage les nazis à quitter la France pour mieux se concentrer sur l'ennemi britannique, c'est bien le moment de leur faire comprendre qu'ils peuvent le faire sans que, sitôt après leur départ, la France retombe dans ses errements anglophiles et "enjuivés". Les divers ennuis judiciaires faits dans le même temps aux personnalités, souvent juives, des gouvernements de la Troisième République à partir de 1936, taxés par Hitler et par Pétain lui-même de "bellicisme", complètent le tableau : Jean Zay et Mendès France jugés comme déserteurs, Léon Blum, Marx Dormoy et Jules Moch incarcérés ou internés en attendant un procès à Riom comme "responsables de la guerre et de la défaite", et surtout Georges Mandel, bête noire des nazis, symbolisant par sa familiarité avec Clemenceau la victoire de 1918, le traité de Versailles et la continuité des deux guerres, toutes ces personnalités israélites de droite et de gauche auraient sans doute souffert plus fort et plus tôt dans leur chair (seuls Zay et Mandel étant finalement assassinés, au lendemain du débarquement de Normandie) si le statut des Juifs avait débouché sur le rapprochement espéré.

Ce statut est à voir, en tout cas, dans cette lumière. Non seulement il est destiné à faciliter une entente entre les deux pays, mais il est, dans des conditions tout aussi mal connues que celles de sa rédaction, soumis aux Allemands et attentif à leurs désirs. Là gît peut-être aussi l'explication de ce durcissement : la version dactylographiée pourrait résulter de tractations avec Abetz, dont on sait qu'il ne poussait pas à des mesures extrêmes, et le maréchal aurait pu finir par trancher dans un sens plus radical en pensant qu'un peu de surenchère, en fin de compte, charmerait le Führer.

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Re: Pétain et les Juifs

Nouveau message Post Numéro: 174  Nouveau message de norodom  Nouveau message 06 Oct 2010, 19:21

François Delpla,

Votre exposé ne se parcourt pas d'un seul coup d'oeil... il se distille.

J'ai relevé le parallèle entre votre thèse et la réponse de Serge Klarsfeld à une question posée dans "Le Temps"

Citation:
"Le grand public en France sait que Pétain a promulgué le statut des juifs. Il sait qu’il a couvert des arrestations. Mais on a avancé qu’il n’était pas en pleine possession de ses moyens (ndlr: il avait 84 ans en 1940), que bien que chef de l’Etat, il sommeillait et qu’il était manipulé par les autres et qu’il n’était pas en état de travailler. Ce document montre qu’il a bel et bien imprimé sa marque antisémite; il voulait montrer aux Allemands qu’il l’était autant qu’eux et que la France méritait une place éminente dans le nouvel ordre européen. La collaboration a été spontanée, Vichy s’est affirmé dans l’antisémitisme."

J'élimine d'entrée ce que j'ai souligné... s'il en est qui épousent cette idée, ils se trompent!
J'ai mis en gras ce qui est à retenir.

De votre côté j'élimine ce passage:
"Il se peut que cet officier de carrière, admiratif de l'efficacité militaire hitlérienne, soit sincèrement persuadé que sa réussite tient au moins en partie à sa politique raciale, et souhaite l'imiter."

Celà me fait penser, dans un autre contexte, à l'admiration qu'avaient en 1940 certains français et en particulier les "gentes damoiselles" pour la tenue exemplaire et le loock physique de nos visiteurs.

Puis vous en venez à votre hypothése, selon votre citation:
"Mais il se peut aussi qu'il soit mu par un souci diplomatique dominant, voire exclusif : celui du remplacement de l'armistice par un traité de paix, qui est une constante depuis le jour même (le 16 juin 1940) où il a demandé les conditions de cet armistice (puisqu'il avait demandé les conditions de paix en même temps), et qui en cette période paraît pouvoir se concrétiser."

confortée par:

(j'en souligne l'essentiel)
"Ce mois-là, donc, les deux grandes réformes que sont le statut des Juifs et la proclamation d'une révolution nationale (les 9 et 10 octobre) [i][i]sont avant tout des actes de séduction envers le vainqueur présumé, pour obtenir la paix ou au moins une atténuation des conditions d'armistice.

Ce statut est à voir, en tout cas, dans cette lumière. Non seulement il est destiné à faciliter une entente entre les deux pays, mais il est, dans des conditions tout aussi mal connues que celles de sa rédaction, soumis aux Allemands et attentif à leurs désirs."

Bien qu'il s'agisse d'une hypothèse (je note que SK est plus affirmatif que vous) celà entre bien dans le domaine du possible... mais ce n'est qu'une hypothèse...

Alors vous pourriez me dire: Roger qu'avez-vous à proposer?
Hélas mon cher François... RIEN !...
J'en suis réduit, comme beaucoup d'autres au constat des faits, cherchant à comprendre ce dont je doute que quelqu'un puisse m'expliquer à coup sûr,... sans hypothèses.

Mais il est une chose à laquelle je tiens que j'ai déjà citée:

"Il convient de retenir qu'une loi, dans son application, comporte la lettre et l'esprit...
Le côté "brûlant" qui fait l'objet de tant de débats se situe dans la réalité de son application..."


Et là... sur le sujet présent et pour reprendre une de vos formules... débattre de celà "semble de nature à faire bouger bien des lignes"

Très cordialement,
Roger


 

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Re: Pétain et les Juifs

Nouveau message Post Numéro: 175  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 07 Oct 2010, 09:51

Merci, Roger, pour ce commentaire très fouillé.

Vous avez raison de souligner ce propos klarsfeldien sur Pétain :
Ce document montre qu’il a bel et bien imprimé sa marque antisémite; il voulait montrer aux Allemands qu’il l’était autant qu’eux et que la France méritait une place éminente dans le nouvel ordre européen. La collaboration a été spontanée, Vichy s’est affirmé dans l’antisémitisme.


Maître Serge fait ici un grand pas, me semble-t-il, par rapport à ses écrits antérieurs, en reconnaissant que le statut avait avant tout des vertus diplomatiques. Mais il tombe dans une contradiction majeure, un véritable grand écart, entre le début et la fin de l'extrait. Et le rapprochement avec les débats sur l'incendie du Reichstag s'impose de plus en plus à mon esprit.

Le petit Hollandais mal voyant est allé en toute indépendance au-devant des désirs des nazis = La collaboration a été spontanée.

Il ne faut pas oublier non plus ce que je répète depuis longtemps (pardon de le faire mais vous ne semblez pas le prendre en compte) : il y a un tournant important dans la politique de Vichy le 7 novembre 1940. Le maréchal, se rendant compte qu'il s'est fait jouer à Montoire, devient tout d'un coup plus circonspect et moins collabo, au contraire de Laval. Jusque là les deux hommes étaient comme les doigts de la main, notamment dans une politique antijuive pragmatique, c'est-à-dire essentiellement séductrice et devant plus à l'espoir d'un traité qu'à l'idéologie, qu'elle fût maurrassienne ou nazie.

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Re: Pétain et les Juifs

Nouveau message Post Numéro: 176  Nouveau message de norodom  Nouveau message 07 Oct 2010, 17:40

Bonsoir François,

Votre Citation:
"Il ne faut pas oublier non plus ce que je répète depuis longtemps (pardon de le faire mais vous ne semblez pas le prendre en compte) : il y a un tournant important dans la politique de Vichy le 7 novembre 1940. Le maréchal, se rendant compte qu'il s'est fait jouer à Montoire, devient tout d'un coup plus circonspect et moins collabo, au contraire de Laval. Jusque là les deux hommes étaient comme les doigts de la main, notamment dans une politique antijuive pragmatique, c'est-à-dire essentiellement séductrice et devant plus à l'espoir d'un traité qu'à l'idéologie, qu'elle fût maurrassienne ou nazie."

J'ai souligné un point essentiel sur lequel je reviendrai.

Tout d'abord, afin qu'il n'y ait pas d'équivoque dans la suite de nos échanges je tiens à vous faire part de quelques points de désaccord, eu égard à votre prestation sur le plateau de france24, en compagnie d'Olivier Tood.

Vous dites que Pétain, complètement immergé dans sa technologie militaire est novice en politique....
vous confirmez plus loin en disant qu'il est influencable et nul en politique

.... avis que je ne partage pas, convaincu que la politique menée par n'importe quel auteur de l'époque se forgeait et devait s'adapter:
.... en fonction des évènements_ et l'on sait combien la défaite n'était pas attendue aussi soudaine quelle fût...
.... compte tenu des exigences intérieures et extérieures, en particulier celles du vainqueur...
.... compte tenu aussi de l'entourage avec lequel on évolue, sur lequel on est éventuellement appelé à exercer une autorité... et plus encore...

Vous dites que dans le jeu "le chat et la souris" Pétain se croyait la chat alors qu'il n'était que la souris.... je suis convaincu du contraire !...

Olivier Tood dit que Pétain était malin, rusé, mais qu'il ne le croyait pas très intelligent...???
Je passe sur d'autres commentaires, notamment sur 1918... indécent !... et hors sujet.

Vous dites que Pétain a mendié sa rencontre avec Hitler, dans le but qui motive votre hypothèse de "marchandage" dont je vous ai laissé comprendre qu'elle n'est pas à écarter totalement.

De longue date, j'ai voulu en savoir le plus possible sur ce fameux Montoire dont "la poignée de main" a boulerversé les consciences... j'ai appris que Hitler avait exprimé le souhait de rencontrer le vainqueur de Verdun, envers lequel il avait beaucoup d'admiration...
J'en reste là encore, convaincu... mais peut-être est ce un élément complémentaire aux raisons de la rencontre... je vais également revenir sur cette dernière...

Revenons à votre citation de l'évènement du 7 novembre 1940 lequel se situe dans la période précédent l'éviction de Laval par Pétain, le 13 décembre 1940.
Là je ne suis pas certain de la relation de cette date du 7 avec celle de la note du 6 novembre, transmise au gouvernement le 9, laquelle concrétisait un accord issu de la rencontre Churchill-Halifax-Rougier, les 23 et 24 octobre 1940_ un Montoire (bis) en quelque sorte, mais dans un autre camp... d'où ???
Ces négociations étaient très importantes et à mettre à l'actif du camp Pétain....
Car ce n'est pas mystère que de dire qu'il y avait au sein de Vichy un camp Pétain, autant que je sache, soutenu par les maurrassiens et comme ces derniers étaient antisémites, ça complique un peu le décor...

J'ai écrit "camp Pétain" ce qui en sous-entend d'autres... avec leurs différences...

Pétain était un fervent du "retour à la terre" il souhaitait une jeunesse pacifiste.
Il avait une idée personnelle de la "Révolution Nationale"
Sur la collaboration il se fixait trois objectifs principaux:
Négocier le retour du plus grand nombre possible de prisonniers...
Négocier l'allègement des charges financières de l'occupation...
Favoriser le libre déplacement des citoyens entre les deux zones

Darlan, n'était pas enfermé dans une forte croyance à la victoire de l'Allemagne et était bien plus préoccupé par sa révolution économique.

Laval, chacun le sait, était un convaincu de l'issue victorieuse de l'Allamagne. Il tenait à une collaboration totale avec celle-ci... Il voulait mettre en place une république autoritaire et voyait la jeunesse française à l'image des jeunesses Hitlériennes.

Pétain et Darlan s'inquiétaient tous deux de la germanophilie de Laval... Accord entre eux, prélude à l'éviction de Laval le 13 décembre 1940...

Patience... j'y viens !...

Le 22 octobre, deux jours avant Montoire, Laval avait rencontré Hitler... Que se sont-ils dit ?
Laval qui rencontrait souvent Otto Abetz, s'employait à favoriser une rencontre entre Pétain et Hitler... on connait la suite le 24

Questions auxquelles je n'ai pas de réponses précises:
Le 24 à Montoire, Pétain et Hitler ont-ils évoqué la rencontre Laval Hitler du 22 ?
Comme les vues sur la collaboration n'étaient pas les mêmes, Pétain a t'il pris la mesure du fossé entre lui et Laval ? Je crois qu'il était assez rusé au point de le découvrir.

donc retour à la partie soulignée de votre citation:
"Le maréchal, se rendant compte qu'il s'est fait jouer à Montoire."
Question... par QUI ? Hitler... ou... Laval ??
Je me permets d'envisager la réponse en rapport avec le paragraphe précédent.

Très cordialement,
Roger


 

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Re: Pétain et les Juifs

Nouveau message Post Numéro: 177  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 07 Oct 2010, 19:08

Roger, il faudrait peut-être, à ce statde, lire le seul livre d'historien sur Montoire ou au moins les articles que l'auteur a mis en ligne, et d'abord le texte de la conversation :
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=398

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Re: Pétain et les Juifs

Nouveau message Post Numéro: 178  Nouveau message de norodom  Nouveau message 07 Oct 2010, 21:25

François,

Comment avez-vous pû penser que je n'avais pas lu ce texte ?

Je suis désolé, mais je n'y trouve pas les réponses aux questions que j'ai formulées si ce n'est "l'évocation" de l'entrevue Laval-Hitler... pas de détails...

Pétain dit que Laval l'a informé de sa conversation avec Hitler... !!!
Avouez que c'est le contraire qui eût été surprenant !..

Pétain en a conclu que le thème principal de l'entretien avait été la question de la collaboration entre les deux pays.
A part celà, entre Hitler et Laval, je ne vois pas de quoi il eût été question d'autre !.

A lire celà on en conclut que c'était l'unisson total !... alors que les divergeances de vues sur la collaboration entre le Maréchal et Laval étaient évidentes !...

Pétain s'est bien gardé de se prononcer sur un engagement collaborationniste...
Citation: "A son retour, il ferait part au gouvernement français qu’il avait certes accepté le principe de la collaboration avec l’Allemagne mais ne s’était pas avancé plus loin"
J'ai le sentiment que sa confiance en Laval, ne brillait pas de mille feux !..

Et enfin le clou:
Lors de la réunion du gouvernement au cours de laquelle Pétain fit le compte rendu de sa conversation à Montoire (c'est bien de cette assemblée qu'il s'agit ?)
Je cite: "Laval souligna l’importance de la déclaration que Pétain venait de faire, qui correspondait tout à fait à. l’esprit de la conversation qu’il avait eue lui-même l’avant-veille avec le Führer."
Il devait penser que le "vieux" avalerait la couleuvre !.

Si ce que j'ai écrit ci-dessus relève de la fantaisie... alors, où se situe l'explication du "coup d'Etat" du 13 décembre 1940 ?

Voilà ce que j'ai retenu de ce texte... le reste relève du domaine géopolitico-militaire.

Sur l'évènement du 7 novembre 1940, étais-je ou pas "dans le coup" ??

Amicalement,
Roger


 

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Re: Pétain et les Juifs

Nouveau message Post Numéro: 179  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 08 Oct 2010, 10:03

cher Roger,

je sais que vous ne le prendrez pas mal alors je me risque.
Attention de ne pas ressembler à la petite bande qui ergote interminablement sur ce forum, depuis trois mois, à propos des accords de Munich : viewtopic.php?f=42&t=19842&p=297427#p297427

Le problème, d'ailleurs fort intéressant et révélateur, vient d'un conflit entre la culture historique classique, surtout mal assimilée, et les recherches novatrices, nécessairement déroutantes... si ce n'est que tout passionné d'histoire devrait être en priorité intéressé par elles.

Au risque de les voir débarquer ici et nous expliquer pendant trois nouveaux mois que "Henry Rousso est un historien sérieux" et qu'il n'y a "pas de preuve solide qu'Henry Rousso se soit trompé", je partirai de l'article qu'il a signé hier dans Libé et qui, réservé aux abonnés, n'est malheureusement pas accessible aux foules.

Cela fait trente ans que ce bon connaisseur de Vichy nous en raconte l'histoire en tenant insuffisamment compte des pressions de l'occupant, mais là il s'est surpassé : pas un mot ! Le propos se cantonne tout entier aux raisons qu'on a, ou pas, de penser que les modifications du document surgi dimanche sont de Pétain, d'Alibert ou d'autres personnes. Pire encore, il n'y a pas une date (sinon l'insubmersible 3 octobre !), pas un mot sur le contexte, pas l'ombre d'une réflexion sur les rapports de forces qui, depuis le début de septembre, se sont penchés comme des fées Carabosse sur le berceau de ce texte, tout en étant modifiés par des événements aussi considérables que la mainmise gaulliste sur l'AEF, le Blitz de Londres, les événements de Dakar, le pacte tripartite et la Révolution nationale.

J'en arrive donc à votre dernier post. Je maintiens qu'il souffre d'une lecture insuffisante de mes travaux (en livres mais aussi en ligne), non seulement dans leurs conclusions toujours provisoires, mais dans leurs apports documentaires les moins discutables. Ainsi, vous voyez Rougier à travers le prisme, insuffisamment combattu par les historiens de la Résistance, de ses propres "révélations" de 1945, entachées d'énormes mensonges et falsifications. Si on sait depuis longtemps que son "traité avec Churchill, annoté par lui", est un projet d'argumentaire à l'usage d'un Weygand dissident, annoté par Strang, il m'est revenu d'établir (par simple consultation des minutes archi-accessibles du cabinet anglais) qu'il n'avait pas vu Churchill à l'heure de Montoire mais le lendemain... ce qui n'a l'air de rien et change tout. Churchill refusait en effet de le recevoir et le laissait à Halifax (ce qui est un bon baromètre de la crise continuée entre les deux têtes du gouvernement) mais le convoqua en revanche à la nouvelle de Montoire, pour l'engueuler comme du poisson pourri.

Par ailleurs, il n'est pas du tout missionné par Pétain, mais par Weygand, précisément, et Charles-Roux, soucieux d'allumer un contre-feu à la tendance qui pousse le gouvernement unanime vers Montoire et la collaboration, en obtenant de Londres des promesses de ménagements si Vichy se conduit d'une certaine façon.

Rougier n'est donc pour rien dans le revirement de Pétain le 7 novembre, entièrement dû à Hitler et au fait qu'il n'adoucisse en rien le régime d'occupation à la suite du vautrement de Montoire. Mais évidemment il va en profiter.
Dernière édition par François Delpla le 08 Oct 2010, 12:23, édité 1 fois.

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Re: Pétain et les Juifs

Nouveau message Post Numéro: 180  Nouveau message de norodom  Nouveau message 08 Oct 2010, 12:10

Bonjour François,

Je prends connaissance, à l'instant, de votre message...
Comme l'heure de Midi vient de retentir, vous m'autoriserez sûrement à y répondre un peu plus tard... Merci !

Néammoins, en un premier coup d'oeil sur un extrait de votre citation qui concerne le professeur Rougier:

"Par ailleurs, il n'est pas du tout missionné par Pétain, mais par Weygand, précisément, et Charles-Roux...."

J'attire votre attention (relisez-moi) sur ce que j'ai écrit:

"Ces négociations étaient très importantes et à mettre à l'actif du camp Pétain...."

Sommes-nous d'accord?

Bon appétit !...
Roger


 

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