Post Numéro: 9 de Kristian Hamon 26 Aoû 2009, 18:59
« J’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration »
Daniel Laurent a raison de rappeler que la collaboration est multiforme. Quoi de commun en effet entre un intellectuel collaborationniste de la zone occupée, défendant les pires thèses nazies dans la presse parisienne, et le petit fonctionnaire du gouvernement de Vichy obéissant aux ordres de sa hiérarchie ? L’un et l’autre ont pourtant bel et bien participé, à des degrés divers et de manière active ou passive, à cette collaboration d’Etat avec l’Allemagne voulue par Pétain. L’affaire est donc complexe. Elle le sera encore plus lors des procès de la Libération lorsqu’il s’agira d’établir le niveau de responsabilité de chacun ! J’ai d’ailleurs remarqué que les juges faisaient souvent une distinction entre l’adhésion à un mouvement maréchaliste au début de l’occupation et celle effectuée après le 11 novembre 1942, date de l’invasion de la zone « libre » par les Allemands. Dans le premier cas, bon nombre de pétainistes sincères vont en effet s’avérer par la suite d’authentiques patriotes. Dans celui d’un engagement postérieur au 11 novembre, il sera difficile de feindre ignorer la vraie nature du régime nazi et les mesures coercitives du gouvernement de Vichy. Il n’y aura plus de circonstances atténuantes.
Il est courant d'amalgamer la police et la gendarmerie comme exemple de collaboration institutionnelle. Et à cet égard, les images dramatiques de la rafle du Vel’ d’hiv’ ont laissé des traces profondes dans la mémoire collective des français.
Pour ma part, je nuancerai cette analyse. Certains policiers, trop probablement, ont été des supplétifs efficaces de la Gestapo. C’est indéniable. Ainsi cet exemple, pour illustrer mon propos : Le 9 octobre 1941 au matin, les Allemands, accompagnés de l’inspecteur de police Brunet, se présentent chez Mme Brindeau à Fougères pour arrêter son fils, membre du réseau de résistance Gallais. Le mari de Mme Brindeau est alors prisonnier de guerre en Allemagne et son fils cadet à Dakar. Ce qu’ignorent les Allemands qui demandent à Mme Brindeau où est son fils. Mme Brindeau, rusant, leur répond qu’il était à Dakar sur le « Richelieu » et leur montre des lettres. Les Allemands se retirent alors sans insister, suivis de Brunet. Mais, arrivé à la porte, l’inspecteur de police se ravise, fait demi-tour et demande à Mme Brindeau son livret de famille. Il s’aperçoit alors que cette dernière avait deux fils. Joseph, l’aîné, est alors arrêté sur son lieu de travail ! Sans le zèle de ce policier français, il s’en fallait de peu pour que Joseph Brindeau échappe à son arrestation et à la déportation en Allemagne d’où il ne reviendra jamais.
Pour autant, les policiers ne furent pas tous des « collabos », loin s’en faut, la plupart se contentant d’exécuter passivement les ordres du gouvernement de Vichy. Mais bien rares furent ceux qui aidèrent la Résistance ou rejoignirent les maquis. Joseph Molien, gardien de la paix à Saint-Malo, est de ceux-ci. Il franchit le pas avec deux camarades : « En arrivant à Dol-de-Bretagne nous fumes insultés par un ouvrier qui déchargeait des sacs de farine d’un camion : « Ah ! Les flics à Pétain, les Kollabos, ils se sauvent, ils ont peur !! Vous en faites pas, on vous rattrapera bien ! » C’était vachement vexant ! Notre arrivée au maquis de Broualan, au village de la Lopinière, provoqua une mise en alerte. Dame, trois flics en tenue, en armes et portant le casque au côté ! Quelqu’un cria : « Des miliciens ! Mais heureusement Delaigue, un des organisateurs du maquis, nous reconnut et vint à notre rencontre, les maquisards présents se montrèrent heureux de notre arrivée. Peu après nous abandonnions l’uniforme et devenions des maquisards, des hors-la-loi. Oh ! Nous nous sentions bien un peu comme des « Défroqués ».
L’attitude de la gendarmerie sous l’occupation est différente de celle de la police. Tout du moins c’est ce qui apparaît lorsque l’on étudie les archives concernant la Bretagne, où la Résistance était très vive. Est-ce du au fait que ces militaires ne partagent pas les mêmes valeurs que leurs « collègues » policiers ? Qu’ils soient surtout bien implantés en zone rurale où ils connaissent tout le monde et où tout le monde les connait ? Ou alors moins politisés ? Probablement tout cela à la fois. Quoi qu’il en soit, dans certains endroits, des brigades entières étaient acquises à la Résistance. La plupart de ces gendarmes, fermant les yeux lorsqu’ils croisaient un réfractaire, voire ramenant sa bicyclette à un jeune FTP qui l’avait oubliée sur les lieux de son « travail » le long de la voie ferrée (véridique), ont eu un comportement exemplaire. Mme Jan, résistante FTP de Redon, en donne de nombreux exemples, dont celui-ci : « En 1944, des parachutistes alliés abandonnant leur avion en flammes tombèrent dans le bourg d’Allaire. Immédiatement les habitants se précipitèrent avec des vêtements civils et, métamorphosés tant bien que mal, les aviateurs furent emmenés dans la campagne. Ils devaient être sauvés. Mais, de Redon, les guetteurs allemands avaient vu les parachutes descendre. A peine les uniformes étaient-ils dissimulés que les Allemands arrivent avec leurs motocyclettes. Naturellement, ils menacèrent de leurs mitraillettes les grandes personnes et aussi les enfants. Personne n’avait rien vu, pas même les gendarmes qui se trouvaient à quelques dizaines de mètres. Pourtant leurs épouses avaient aidé à habiller les soldats alliés et à enterrer les parachutes. « Quel dommage, disait Mme Corre, la femme du chef de brigade, de perdre cette belle soie. Je me voyais déjà taillant une robe pour ma fille ! » Comme on la comprend…
Bien sûr il y eu des brebis galeuses, certaines devront rendre des comptes à la Libération, mais il est important de rappeler que bon nombre de ces gendarmes vont payer de leur vie leur soutien à la Résistance. Une étude exhaustive à ce sujet serait des plus salutaires.