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Armistice: bilan, coûts et avantages...

Nouveau messagePosté: 11 Mai 2008, 12:36
de Bruno Roy-Henry
L'Armistice a débouché finalement sur la collaboration. Rien que pour cela, il s'est avéré désastreux. Mais il est possible d'en discuter:

Daniel Laurent a écrit:Bonjour,
Audie Murphy a écrit:Donc, la France a demandé l'armistice, et je me demande toujours si ce n'était pas la décision la plus sage. Quelqu'un aurait une réponse ?

La suite du film te donne la reponse, Audie.

Suite a l'armistice, qu'a obtenu Petain ?
Rien. L'occupation, le pillage de la France et la deportation de 76 000 Juifs, de nombreux resistants et d'ouvriers "volontaires" pour l'Allemagne, qui auraient eu lieu avec ou sans armistice. Pour les Juifs, cela aurait ete d'ailleurs plus difficiles pour les nazis sans l'aide efficace de l'administration de Vichy, voir, entre autres, Paxton a ce sujet. Le 'bouclier" etait une gigantesque passoire.

Suite au refus de l'armistice, qu'a obtenu de Gaulle ?
Tout. Presence de la France dans le camp des vainqueurs a la reddition sans conditions du Reich et un siege permanent au conseil de securite de l'ONU.

Les bilans sont eloquents, non ?

Nouveau messagePosté: 11 Mai 2008, 12:49
de Bruno Roy-Henry
Daniel Laurent a écrit:Suite a l'armistice, qu'a obtenu Petain ?
Rien. L'occupation, le pillage de la France et la deportation de 76 000 Juifs, de nombreux resistants et d'ouvriers "volontaires" pour l'Allemagne, qui auraient eu lieu avec ou sans armistice. Pour les Juifs, cela aurait ete d'ailleurs plus difficiles pour les nazis sans l'aide efficace de l'administration de Vichy, voir, entre autres, Paxton a ce sujet. Le 'bouclier" etait une gigantesque passoire.


Ce "Rien" est un peu excessif, surtout s'il concerne la période de juin 40 à avril 42: 2/5ème du territoire échappent à l'occupation, la flotte est préservée, l'aviation neutralisée, une armée de 100 000 hommes en métropole (120 000 hommes en AFN), les territoires de l'Empire sauvegardés. Tout ceci va rapidement disparaître avec le retour de Laval au pouvoir. Après le 11 novembre 42, la collaboration initiée sur le dos des Juifs va encore s'intensifier...

Attention quand même sur Paxton: il n'est pas parole d'évangile; son travail repose essentiellement sur le dépouillement des archives allemandes: ces archives révèlent surtout le sentiment des Allemands sur les intentions vichystes (outre des bilans matériels assez peu contestables, mais parfois un peu trop favorables aux Allemands).

Suite au refus de l'armistice, qu'a obtenu de Gaulle ?
Tout. Presence de la France dans le camp des vainqueurs a la reddition sans conditions du Reich et un siege permanent au conseil de securite de l'ONU.

Les bilans sont eloquents, non ?


En effet. Il n'y a pas photo. Le bilan aurait pu être sensiblement différent si Pétain avait pris l'avion pour Alger en novembre 42, comme Weygand l'avait adjuré de le faire...

Nouveau messagePosté: 11 Mai 2008, 13:58
de Daniel Laurent
Bonjour,
Merci, mon cher Bruno, de m'avoir ainsi donne l'occasion de ferailler avec vous en toute amitie et tout respect.
:D
Bruno Roy-Henry a écrit:Ce "Rien" est un peu excessif, surtout s'il concerne la période de juin 40 à avril 42: 2/5ème du territoire échappent à l'occupation, la flotte est préservée, l'aviation neutralisée, une armée de 100 000 hommes en métropole (120 000 hommes en AFN), les territoires de l'Empire sauvegardés.

Les 2/5eme du territoire qui "echappent" a l'occupation vont generer le Statut des Juifs, la "Revolution Nationale" et le SOL generateur de la sinistre Milice et c'est la l'oeuvre de Petain et de lui seul.
Tout ceci va rapidement disparaître avec le retour de Laval au pouvoir. Après le 11 novembre 42, la collaboration initiée sur le dos des Juifs va encore s'intensifier...

Un parametre important semble vous echapper, Bruno, a ce sujet.
Peu importe les positions respectives d'un Petain ou d'un Laval. Ils etaient, tous les deux, des marionettes manipulees par un certain Adolf Hitler.
Attention quand même sur Paxton: il n'est pas parole d'évangile; son travail repose essentiellement sur le dépouillement des archives allemandes: ces archives révèlent surtout le sentiment des Allemands sur les intentions vichystes (outre des bilans matériels assez peu contestables, mais parfois un peu trop favorables aux Allemands).

Et ils revelent, surtout, a quel point Vichy etait dependant des desidaratas du Reich !
AEn effet. Il n'y a pas photo. Le bilan aurait pu être sensiblement différent si Pétain avait pris l'avion pour Alger en novembre 42, comme Weygand l'avait adjuré de le faire...

Weygand ?
D'ou nous sortez-vous ses modestes et inefficaces adjurations ?
Si Weygand avait decide de franchir son Rubicon en AFN, il aurait facilement supplante Charles de Gaulle. Il ne l'a pas fait.

Nouveau messagePosté: 11 Mai 2008, 16:58
de Audie Murphy
L'armistice n'a pas au moins sauvé Paris de destructions architecturales irremplaçables ? Plus important encore, cet armistice n'a pas sauvé des vies supplémentaires ? L'occupation n'a pas été une partie de plaisir, mais un entêtement dans une cause perdue était-il réellement souhaitable ? Les Français n'avaient pas tous la possibilité d'aller se réfugier en Grande-Bretagne ou en Afrique du Nord, il fallait donc trouver un compromis en attendant le renversement de situation, non ?

Nous avons tous vu le résultat de cet armistice qui s'est passé différemment de ce que plusieurs souhaitaient, mais je demeure encore très incertain des résultats si personne n'avait signé de documents dans le wagon de Rethondes.

Edit: J'avais oublié de saluer l'initiative de M. Roy-Henri pour l'ouverture de ce nouveau sujet qui ne manquera pas d'être très instructif.

Nouveau messagePosté: 11 Mai 2008, 17:27
de Bruno Roy-Henry
Daniel Laurent a écrit:Les 2/5eme du territoire qui "echappent" a l'occupation vont generer le Statut des Juifs, la "Revolution Nationale" et le SOL generateur de la sinistre Milice et c'est la l'oeuvre de Petain et de lui seul.


Ce n'est pas la question, mais j'ai bien pris soin de noter -au préalable- que l'armistice allait déboucher sur la collaboration. Après coup, on entre dans les développements. Oeuvre de Pétain seul ? Oui, mais avec ses ministres quand même... Au départ, à Vichy comme ailleurs (sauf à Londres), on croit à une paix pour l'automne.

Un parametre important semble vous echapper, Bruno, a ce sujet.
Peu importe les positions respectives d'un Petain ou d'un Laval. Ils etaient, tous les deux, des marionettes manipulees par un certain Adolf Hitler.


Certes. Et le temps passant, de plus en plus... Mais enfin, les marionnettes en question ont une certaine autonomie, au départ. Fin 42, elles n'en ont plus aucune.

Weygand ?
D'ou nous sortez-vous ses modestes et inefficaces adjurations ?
Si Weygand avait decide de franchir son Rubicon en AFN, il aurait facilement supplante Charles de Gaulle. Il ne l'a pas fait.


Le fait n'est contesté par personne. Pas même par François ! ;)

Si Weygand avait rejoint l'AFN, il aurait pris la place de Darlan, c'est tout (de Gaulle l'aurait supplanté, comme il a supplanté Giraud)... Mais Hitler l'a fait arrêter plutôt que de courir ce risque. Il a rejoint Gamelin, Reynaud et Blum en captivité.

De l'avis général de l'opinion après-guerre, l'armistice a -en effet- sauvé les meubles. Reste à savoir si l'occupation totale de la France aurait été plus dure que ce qui s'est passé.

Autre point, j'ai connu un vieux "Ch'ti" qui avait vécu à Lille les deux occupations allemandes: celle de 14/18 et celle de 40/44. Il prétendait que la seconde avait été moins dure... S'il ya des Ch'tis qui veulent commenter, ce serait intéressant de développer.

Nouveau messagePosté: 12 Mai 2008, 09:51
de Pacificelectric
Une conséquence de l'Armistice qui aurait donné des sueurs froides à Himmler était l'obligation par le Reich d'absorber 1,5 millions de prisonniers de guerre français. Alors, les PG français, un boulet pour le Reich ou une main d'oeuvre bon marché? Entre "la Vache et le Prisonnier" et "le Caporal Epinglé" [le livre est beaucoup mieux que le film] y a-t-il un juste équilibre?

Pour les conditions d'occupation entre les deux guerres, il semble que les armées du Kaiser aient été moins disciplinées que celles d'AH, et les débordements ont marqué les esprits, je crois d'ailleurs qu'en 1918 les Allemands ont confisqué un maximum de matelas avant de partir de Lille et cela a probablement laissé un souvenir plus désagréable encore, mais il faut aussi se souvenir qu'en 14/18 la zone occupée n'était jamais loin du front alors qu'en 1940/45 la France était globalement plus "tranquille" pour les Allemands.

Nouveau messagePosté: 12 Mai 2008, 14:11
de Tom
Audie Murphy écrit :


L'armistice n'a pas au moins sauvé Paris de destructions architecturales irremplaçables ? Plus important encore, cet armistice n'a pas sauvé des vies supplémentaires ? L'occupation n'a pas été une partie de plaisir, mais un entêtement dans une cause perdue était-il réellement souhaitable ? Les Français n'avaient pas tous la possibilité d'aller se réfugier en Grande-Bretagne ou en Afrique du Nord, il fallait donc trouver un compromis en attendant le renversement de situation, non ?

Nous avons tous vu le résultat de cet armistice qui s'est passé différemment de ce que plusieurs souhaitaient, mais je demeure encore très incertain des résultats si personne n'avait signé de documents dans le wagon de Rethondes.


J'arrive tard sur ce fil, mais, en effet, à brûle-pourpoint, la question sur ce point ne me paraît pas de savoir qui de Pétain ou de De Gaulle avait raison fin juin 40, mais me semble de se demander si, en France même, il fallait capituler (acte militaire) ou demander un armistice (acte politique).

C'est en tout cas la question qui a divisé le cabinet Reynaud à partir du 10 juin 1940.

Paul Reynaud lui-même, soutenu entre autres par Georges Mandel et un certain Charles de Gaulle, sous-secrétaire d'Etat à la Guerre, envisage une simple capitulation sur le sol métropolitain. En effet, celle-ci permet de rester fidèle à l'alliance avec la Grande-Bretagne et de poursuivre la lutte à partir de l'Empire colonial. Inconvénient : le territoire métropolitain et la population sont abandonnés au bon vouloir du vainqueur.

Quant au maréchal Pétain, vice-président du Conseil, avec tous les "pacifistes", il préconise un armistice qui mettrait un terme aux combats et aux souffrances des Français ; éviterait une "polonisation" de la France et même, pour le général Weygand, préserverait l'armée pour parer à un éventuel coup de force communiste comme dans l'Allemagne de 1918.

Cela dit, si le sort du pays s'est joué entre une vingtaine de dirigeants, la décision prise ensuite par Pétain, nommé président du Conseil le 17 juin, répondait sans aucun doute à l'attente de l'immense majorité d'un peuple "abasourdi par une défaite inimaginable et qui n'aspirait qu'à retrouver une vie aussi normale que possible" (Amouroux).

Nouveau messagePosté: 12 Mai 2008, 20:14
de clems
Weygand n'a-t-il pas été renvoyé en metropole a la demande d'Hitler pour etre emprisonné et remplacé par Darlan et Juin (De Gaulle y gagne la un officier moins ombrageux et prestigieux mais surement plus competent) ?

Nouveau messagePosté: 25 Mai 2008, 13:37
de François Delpla
Tom a écrit: se demander si, en France même, il fallait capituler (acte militaire) ou demander un armistice (acte politique).

C'est en tout cas la question qui a divisé le cabinet Reynaud à partir du 10 juin 1940.

Paul Reynaud lui-même, soutenu entre autres par Georges Mandel et un certain Charles de Gaulle, sous-secrétaire d'Etat à la Guerre, envisagent une simple capitulation sur le sol métropolitain. En effet, celle-ci permet de rester fidèle à l'alliance avec la Grande-Bretagne et de poursuivre la lutte à partir de l'Empire colonial. Inconvénient : le territoire métropolitain et la population sont abandonnés au bon vouloir du vainqueur.


Mais non !

Toute idée de capitulation faisait bien sûr horreur à Mandel comme à de Gaulle... et contredisait diamétralement leur effort pour continuer la guerre en Afrique, sauf instructions locales de reddition aux unités encerclées, ayant "épuisé les moyens de combattre", ce qui se passait d'ailleurs d'un ordre d'en haut.

Nouveau messagePosté: 27 Mai 2008, 11:36
de Bruno Roy-Henry
Un des avantages de l'Armistice aurait été de pouvoir compter sur l'approvisionnement de la France grâce aux ressources de l'AFN. Sans cet apport, la France aurait été affamée autrement dit, la poursuite de la lutte en AFN aurait entraîné la famine pour la population métropolitaine:

"Un calcul officiel a montré que, sans les arachides de Dakar, la ration individuelle de corps gras en France aurait du être diminuée de moitié et la production de lait, faute de toutreaux pour le bétail, aurait baissé de 25 pour 100. Sans le phosphates d'Afrique, la production agricole française eut (sic) été inférieure d'au moins 30 pour 100. Sans les blés précoces de Tunisie, jamais la soudure du pain n'aurait pu se faire. sans les primeurs, fruits ed légumes d'Afrique, la métropole (surtout la zone sud, tres déshéritée) aurait bien plus souffert de la famine. Sur sa médiocre ration alimentaire de cette Période de restrictions, chaque Français doit à la marine, directement ou indirectement, près de la moitié de ce qu'il a mangé" (Auphan, La Marine Française pendant la Duexieme guerre mondial, page 217)."

Selon cette source, si les faits sont avérés, l'armistice était donc obligatoire. Et dans ces conditions, Vichy aurait sauvé les Français, à défaut de leur honneur...

A quand la réhabilitation du maréchal Pétain ? :mrgreen: