Post Numéro: 130 de Kristian Hamon 13 Oct 2009, 18:28
Hervé Le Helloco, un « juste » parmi les « collabos » ?
Les informations qui suivent sont extraites d’un rapport rédigé le 26 août 1945 par un inspecteur de police, résistant sous l’occupation et parlant la langue bretonne. Ce qui lui vaudra d’être chargé de l’enquête sur les activités clandestines des nationalistes bretons. Je ne citerai pas son nom, car il est toujours vivant. Les renseignements obtenus proviennent des interrogatoires de membres du Bezen Perrot, dont Guervenou.
« Il apparaît que l’attentat de 1932 à Rennes, revendiqué par le mouvement clandestin « Gwenn ha Du », fondé par Célestin Lainé, a bien été réalisé par André Geffroy, de Locquirec, avec des explosifs fournis par Lainé.
Les attentats qui suivront, contre différentes préfectures bretonnes, sont l’œuvre de Le Boulc’h et de Le Négaret. Les explosifs étant toujours fournis par Lainé.
En 1937, Lainé, Le Helloco et Chanteau font un voyage en Irlande, au Pays de Galles puis en Ecosse, à bord du bateau le « Gwalarn » propriété de Le Helloco. L’objectif étant de prendre contact avec les mouvements nationalistes de ces pays celtiques.
En 1938-1939, Péresse et Vissault, font un stage d’une année dans des écoles SS : Stettin, Rostock, Berlin.
En 1938 également, Lainé et Le Helloco partent pour l’Allemagne et y rencontrent Von Thevenar, grand ami de Mordrel, et que Lainé fréquente depuis 1935. Von Thevenar est également le gendre de Von Stülpnagel, futur commandant en chef des forces d’occupation allemandes en France. Grand spécialiste de la mythologie celtique, Von Thevenar fait partie de la « Communauté religieuse Germanique » qui présente de grandes affinités avec le néo-druidisme de la « Communauté Celtique » chère à Lainé, toutes imprégnées des conceptions philosophiques de Nietzsche. Ils y rencontrent aussi le Docteur Friedrich, speaker à « La Voix du Reich », chef de cette communauté religieuse, colonel SS de Postdam. Sous l’occupation, Friedrich animera des causeries « Un journaliste allemand vous parle » sur le poste Radio-Paris.
Accompagnés de Von Thevenar, Lainé, Vissault et Le Helloco se rendent également en Hollande et au Danemark, et de là en bateau à l’Ile de Man. Ils prennent ensuite contact avec les nationalistes d’Ecosse, du Pays de Galles et surtout d’Irlande (IRA). En 1939, ils retournent par la Belgique avec Péresse et ramènent de l’argent.
La même année, le « Gwalarn, après avoir contourné l’Angleterre, l’Ecosse et l’Irlande, revient de Stettin avec de l’argent et des armes. Celles-ci seront débarquées le 9 août 1939, plage des Sables Blancs à Locquirec avec la complicité de Geffroy.
Au début des hostilités, le « Service Spécial » de Lainé compte près de 200 membres : voir le descriptif et la liste des centres d’entraînement.
Une organisation d’espionnage fut créée après 1940 par la Wehrmacht. Elle comprenait uniquement des nationalistes bretons. L’école était à Nantes. Le chef était un certain « Bernier », journaliste avant-guerre à Paris-Soir, connaît bien l’Afrique du Nord et parle l’arabe. Il est envoyé après le débarquement au Maroc en compagnie de Vissault. Membres de ce réseau : Le Helloco, Gourlet, Luec, Ménard, Guérin, Vissault, Le Ruyet et deux autres noms inconnus. »
Cette histoire d’agents envoyés en Afrique du Nord est étrange. Mais il est vrai que du 14 au 24 janvier 1943, se tient la conférence d’Anfa. La ville de Casablanca grouille alors d’espions de toute sorte. A ce sujet, la fille de cet agent du SD, qui intègrera le Bezen sous le pseudo de « Marcel », pour ensuite refaire sa vie en Allemagne sous une fausse identité, m’a communiqué ceci : « En janvier 1943 mon père a été à Casablanca sur ordre du SD. Quand les Américains y arrivaient, mon père pris la fuite en camion. Il traversa avec d’autres personnes le désert pour Tripoli, occupé par les Anglais. Il réussit à prendre un des derniers bateaux qui quittaient Tripoli. Je ne suis pas sure si sa destination était l’Italie ou la Grèce. »
Elle ajoute également : « Mon père a travaillé pour le SD à Rennes, avec Jacques Bruchet et Henri Le Helloco. Il était en relation avec Londres – on souhaitait de la coopération – ce qui ne s’est pas fait. Après dissolution du SD, mon père a été affecté à la Formation Perrot. Il se trouvait dans la voiture avec Heussaf au moment ou il a été gravement blessé. Ils quittaient alors la Bretagne. » Jacques Bruchet, membre avant-guerre du « Kadervenn » puis du « Service Spécial » sera arrêté avec Alan Louarn, Vissault et Péresse à la suite du débarquement de Locquirec.
Il manque pourtant un nom dans ce tableau de la collaboration des autonomistes bretons avec le régime nazi avant la guerre, celui de Fred Moyse, nationaliste de la première heure vivant en Belgique. C’est lui qui servait d’agent de liaison entre le PNB, l’Allemagne et l’Irlande.
Et pour ceux qui douteraient encore des liaisons dangereuses du mouvement breton avec le régime nazi avant-guerre, voici l’extrait d’un texte de plusieurs pages rédigé par le SS Untersturmführer Lainé le 5 mars 1945 à Tübingen à l’occasion d’une cérémonie de remises de décorations et de médailles aux membres du Bezen qui sont sous l’uniforme allemand. Ce document a été retrouvé le 18 mai 1945 à Sulz (Allemagne) :
« A la veille de la guerre en 1939, les Breiz Atao étaient en hostilité avouée contre la France et les démocraties, et ne cachaient pas leurs sympathies et leurs espoirs en l’Allemagne. D’accord avec les services allemands, des coups de main furent préparés pour le cas d’une guerre entre la France et l’Allemagne, mais cette préparation fut trop tardive et la répression policière française en empêcha l’accomplissement. Deux des chefs du mouvement, Debauvais et Mordrel se réfugièrent en Allemagne et il fut décidé que les autres resteraient sur place (…)
A l’arrivée des franco-américains en août 1944, les restants du parti Delaporte disparurent, la formation Perrot, le CNB et le directeur de l’Institut Celtique de Bretagne ont suivis la retraite et se trouvent actuellement en Allemagne où ils continuent à travailler selon les directives de l’autorité allemande qui conduit la guerre (…) Du fait de la politique actuelle, d’accord avec le gouvernement français de Sigmaringen, nous n’avons pas la possibilité de nous exprimer publiquement, mais cela ne nous gêne pas trop à l’heure présente. Nous savons que dans tout bon français, il y a un chauvin qui sommeille et que tôt où tard, l’hypocrisie française dont nous avons une si longue habitude se manifestera. C’est pourquoi, malgré les difficultés présentes dues à la politique, notre confiance en l’Allemagne est entière et nous savons qu’un jour la fidélité et la ténacité bretonnes dont nous sommes aujourd’hui les dépositaires jaloux seront estimées à leur juste valeur. »
Index des noms :
Bezen Perrot : Louis Guervenou alias « Docteur », Célestin Lainé alias « Henaf », Alphonse Le Boulc’h alias « Jan », Yves Le Négaret alias « Le Floch » ou « Lizidour », Jean Chanteau alias « Mabinog », Ange Péresse alias « Cocal », Emile Luec alias « Forster », Auguste Ménard alias « Corentin », Pierre Heussaf alias « Professeur » ou « Rouat ».
Groupe de Guy Vissault : Gourlet, Guérin et le Ruyet.