Quant à l'absence de pitié du Parti envers ceux qui avaient parlé sous la torture, il faut relativiser. D'une part, ces Résistants étaient généralement soumis à une certaine opprobre, qu'ils soient communistes ou pas [...]. D'autre part, à l'exception de quelques rares exemples (dont Moulin), tous les Résistants arrêtés finissaient par parler. Le P.C.F. a du tenir compte de cette réalité. En temps de guerre, les meurtres visaient prioritairement les "renégats" pro-fascistes et surtout les Allemands.
En d'autres termes : le contexte, toujours le contexte...
voir le cas édifiant d'Henri Aubry, qui livrera Jean Moulin à Barbie après deux jours de tortures physiques et mentales poussées à l'extrême
[...] il est indéniable que la pratique des attentats visait également à préparer les militants-combattants à la grande castagne que serait la Libération - soit que ladite Libération débouchât sur une guerre civile, soit qu'on se limitât à cogner le "Boche". [...] Certes, ces coups de main ne pesaient pas lourd mais [...] ils n'en étaient pas moins de nature à améliorer l'expérience de ces combattants de l'ombre, en tout cas bien mieux que chez leurs confrères non-communistes, lesquels, pour leur part, attendaient la Libération pour passer à l'action violente (je résume).
Prétendre qu'une "histoire officielle" (donc gaullo-communiste) de la Résistance existe ou a existé, c'est faire injure aux travaux d'anciens historiens reconnus tels que le regretté Henri Michel, qu'il faudrait relire - et qui se trouvait notamment être en avance sur Paxton s'agissant de l'analyse du régime de Vichy.
Tom a écrit:Tout d'abord, il est inexact (mais conforme à la propagande communiste de l'époque) d'affirmer que les résistants non communistes étaient tous des "attentistes" et que tous les communistes étaient passés à l'"action immédiate".
Comme je l'ai déjà précisé sur un ancien "fil", non seulement de nombreux groupes francs et certains maquis de l'A.S., par exemple, se montraient très actifs tandis que beaucoup de F.T.P. restaient passifs, mais encore, en raison des conditions de terrain (manque d'armes, d'explosifs et même d'objectifs : régions vides d'Allemands !), la différence entre "attentisme" et "action immédiate" était surtout politique !
Ensuite, si la "pratique des attentats" pouvait participer de la préparation militaire, elle n'en constituait qu'une petite partie et ce n'était certainement pas la raison principale pour laquelle le P.C.F. l'avait choisie.
A ce propos, permets-moi de citer le colonel Jourdan-Joubert, seul officier rescapé des Glières :
[...] [Dans l'Armée secrète,] une discipline stricte s'imposait, car on ne forme pas des soldats sans discipline, je veux dire des soldats qui savent se battre et qui n'abandonnent pas leur poste. L'expérience a montré que seuls ont été capables de ne pas fuir, dans les moments critiques, ceux qui possédaient la technique et les réflexes que l'on acquiert par la discipline militaire ; les autres ont souvent abusé de la "mobilité" [...].
[Pour l'A.S.], la discipline [...] impliquait qu'on ne considérait pas comme des exploits guerriers honorables les coups de main sur les bureaux de tabac, les fromageries, les banques ou les saloirs des paysans dont on ne partageait pas les opinions. Elle exigeait surtout qu'on ne cherchât pas à calmer une turbulence naturelle par des opérations sans utilité et qu'on mît en balance le rendement de chaque intervention avec les inconvénients qui en résulteraient pour la population civile. [...] Elle imposait de retenir l'impatience des troupes qui aimaient s'occuper en coups de main sans danger après lesquels elles décrochaient une fois la grenade lancée ou l'explosif mis en place, pour leur inculquer le courage calme qui leur permettrait de participer à des opérations de plus grande envergure, les seules qui finalement compteraient pour la libération.
Certes, Henri Michel a accompli un énorme travail à la tête du Comité d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, mais je doute qu'il fût en avance sur Paxton
(sinon comment expliquer le choc que celui-ci a provoqué ?).
De plus, il faut rappeler que, de 1950 à 1980, le Comité d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale était rattaché aux services du Premier ministre et, après l'ouverture très partielle, en 1979, des archives publiques concernant la période postérieure au 10 juillet 1940, l'Institut d'histoire du temps présent, qui a succédé au Comité, dépend du Centre national de la recherche scientifique.
Ainsi, les nouvelles perspectives, même contestées, proviennent souvent de chercheurs à l'étranger (Jäckel, Paxton, etc.) ou hors du sérail des historiens patentés (par ex. Chauvy...).
Toujours dans la revue Esprit, n° 1, janvier 1994, "Que reste-t-il de la Résistance ?", page 19, "L'historisation de la Résistance", J.-P. Azéma et F. Bédarida notent que la production historique concernant la Résistance a longtemps été une hybridation entre la science et le mythe .
Et Eric Conan : La Résistance n'est pas seulement un épisode de l'histoire de France, mais avant tout un récit sacré, simpliflié, enjolivé - un mythe fondateur et indispensable - à partir duquel a pu se reconstruire l'identité nationale après la tourmente des années 1940 - 1945.
Peut-être n'y a-t-il pas eu d'histoire de la Résistance vraiment officielle, mais il y a eu (et il y a encore) une histoire mythifiée.
Tom a écrit:Certes, mais, selon l'article susmentionné, les FTP poursuivent sans relâche, tout au long de l'Occupation, les "traîtres" au parti
(dont le dirigeant charismatique, depuis Lénine, est infaillible et a toujours raison)...
Tom a écrit:voir le cas édifiant d'Henri Aubry, qui livrera Jean Moulin à Barbie après deux jours de tortures physiques et mentales poussées à l'extrême
Je croyais que René Hardy était le seul coupable dans cette ténébreuse affaire ! (Balzac)
Mmm argument scabreux je trouve car l'entrainement existe. Et à l'époque, s'entrainer au sabotage engendre déjà un joli stress.Bref, un bleu sachant se tenir au garde à vous et manier un fusil restera toujours... un bleu, tandis que pour les deux ou trois jeunes débutants inexpérimentés qui font sauter un kiosque à journaux, l'opération sera toujours riche d'enseignements. Ils apprendront à maîtriser leur peur, à l'avenir, à mieux manier les explosifs dans l'urgence de la situation. Ils deviendront plus efficaces.
N'oublions surtout pas que le PCF a eu le culte de la clandestinité et une expérience assez conséquente (il me semble que le parti de cette chère Arlette est toujours assez ombrageux).Ce n'est d'ailleurs pas un hasard s'il faudra des mois de filatures aux professionnels des R.G. pour faire tomber le réseau.
Savinien a écrit:Mmm argument scabreux je trouve car l'entrainement existe. Et à l'époque, s'entrainer au sabotage engendre déjà un joli stress.
Nous pensons que c'est seulement dans l'action que s'aguerrissent les volontaires du combat et non par le maniement d'armes en chambre close. Faire sauter un pylône de transport de force électrique apporte beaucoup plus qu'une longue théorie car les gars s'habituent à dominer la peur, à garder leur sang-froid, à agir avec discipline. (cité in Gilles Perrault, La longue traque, op. cit., p. 189)
N'oublions surtout pas que le PCF a eu le culte de la clandestinité et une expérience assez conséquente (il me semble que le parti de cette chère Arlette est toujours assez ombrageux).
D'un autre côté (dans le Nord de la France et en Belgique), l'expérience de la Grande Guerre a joué aussi un rôle -toute tendance confondue ici.
D'où les deux derniers mots de ma phrase, qui de toute évidence t'ont échappé : "je résume". Je causais des courants, non d'unités ou d'hommes isolés.
Et à ce titre, il est absolument incontestable que le premier courant résistant à être entré dans l'action violente n'est autre que celui des communistes, et que ces derniers l'ont parfaitement assumé. [...]Mais à quelle famille politique appartenait le tueur de la première victime allemande de la Résistance ?
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